Accord RDC-Rwanda signé à Washington : pourquoi les combats continuent-ils au Sud-Kivu ?

Ce jeudi 4 décembre 2025, dans une atmosphère de glace diplomatique au bureau ovale de la Maison Blanche, une scène pour le moins étrange s’est déroulée. Les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont signé l’accord de paix tant attendu entre la RDC et le Rwanda, mais sans échanger la moindre poignée de main, sans sourire, dans une froideur protocolaire qui en disait long sur l’état réel des relations. Pendant que les deux dirigeants exhibaient fièrement le document signé, une réalité bien plus brutale s’imposait à des milliers de kilomètres de là : les combats s’intensifiaient au Sud-Kivu.

Une signature sous haute tension, une paix déjà mise à l’épreuve

La cérémonie de Washington avait tout du rituel diplomatique forcé. Les images des deux présidents évitant soigneusement tout contact physique, se contentant de brandir l’accord pour les photographes, ont circulé dans le monde entier. Cette froideur visible pose question : peut-on vraiment bâtir une paix durable sur une telle méfiance affichée ?

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À Kinshasa pourtant, l’enthousiasme officiel contraste violemment avec cette scène. André Mbata, secrétaire de l’Union Sacrée, appelle à « célébrer » et à réserver un accueil triomphal au président Tshisekedi à l’aéroport de N’djili, le saluant comme « l’artisan de la fin de 30 ans de conflit ». Mais cet enthousiasme sonne étrangement creux face aux informations qui remontent du terrain.

Le M23, l’absent gênant de l’accord de Washington

Pourquoi l’accord de Washington élude-t-il si soigneusement la question du M23 ? Cette rébellion, que plusieurs rapports internationaux lient à Kigali, constitue pourtant le cœur du conflit à l’Est de la RDC. La position du président kényan William Ruto – « Le M23 n’est pas un problème du Rwanda, c’est une affaire entre Congolais » – offre une échappatoire commode à Kagame, mais elle ne résout rien sur le terrain.

Les accords de Doha, négociés entre la RDC et le M23 sous médiation qatarie, prévoyaient pourtant un cadre précis : cessez-le-feu permanent, déclaration de principes, feuille de route avec 8 protocoles couvrant tous les aspects du conflit. Mais ces engagements restent largement théoriques, et la réalité sur le terrain leur donne un cruel démenti.

Sur le terrain, la guerre continue son cours implacable

Neuf heures seulement après la signature solennelle de Washington, la brutalité de la guerre reprenait ses droits. Ce vendredi à 9h00, le village de Luvungi était sous contrôle des FARDC tandis que Katogota jusqu’à Kamanyola restait aux mains du M23. Vers Kamanyola, une antenne de télécommunication venait d’être touchée par une bombe.

Les habitants de Luvungi, paniqués, fuyaient vers Uvira, certains se dirigeant vers le Rwanda ou le Burundi. Des enfants, des femmes, des personnes à mobilité réduite marchaient sur les routes, fuyant des combats qui, contrairement aux déclarations diplomatiques, ne montraient aucun signe d’apaisement.

Le double jeu décomplexé et ses complices internationaux

Les événements des dernières heures illustrent ce que des observateurs appellent le « double jeu décomplexé » de Paul Kagame : signer la paix à Washington tout en maintenant la pression militaire via le M23. Cette stratégie lui permet de répondre aux exigences diplomatiques américaines sans lâcher ses leviers sur le terrain.

Mais ce double jeu semble trouver des complicités surprenantes. Comment expliquer que Bruxelles, tout en dénonçant régulièrement Kigali, s’apprête à lui octroyer 1 milliard d’euros via le Global Gateway ? Cette contradiction alimente les critiques les plus sévères : « En RDC les massacres continuent, et l’Europe finance les coupables », dénoncent certains analystes.

Deux processus parallèles qui s’ignorent

La coexistence des processus de Washington (entre États) et de Doha (avec le M23) crée une situation de schizophrénie diplomatique. Washington règle les relations interétatiques, Doha traite des questions internes congolaises, mais aucun mécanisme ne relie véritablement les deux processus. Cette disjonction risque de faire échouer les deux initiatives, car la paix ne peut être sectorisée : elle doit être globale ou elle ne sera pas.

Pendant ce temps, comme le constate amèrement un humanitaire sur place, « les combats s’intensifient, les déplacés se multiplient ». La signature de Washington apparaît de plus en plus comme un écran de fumée diplomatique, permettant à chaque partie de revendiquer des avancées de paix tandis que la guerre continue de ravager l’Est congolais.

L’accueil triomphal préparé pour Tshisekedi à Kinshasa risque de sonner cruellement faux face aux images de civils fuyant les combats au Sud-Kivu. La question n’est plus de savoir si l’accord de Washington peut apporter la paix, mais combien de temps il survivra à la contradiction flagrante entre les signatures solennelles et les bombes qui continuent de tomber.

La paix dans les Grands Lacs ne se signera pas dans le bureau ovale, mais dans les collines du Kivu. Et pour l’instant, ces collines résonnent encore du bruit des armes, malgré les beaux discours de Washington et les célébrations prévues à Kinshasa. La véritable épreuve de cet accord ne sera pas son existence sur papier, mais sa capacité à faire taire, enfin, les armes à l’Est de la RDC.

Le jeu d’échecs de Washington : comment les États-Unis veulent désamorcer la bombe des Grands Lacs

Jeudi 4 décembre 2025, Washington s’apprête à réécrire l’histoire des Grands Lacs africains. Dans le Bureau ovale, Donald Trump recevra Antoine Tshisekedi et Paul Kagame pour une rencontre présentée comme décisive pour l’Afrique centrale. Derrière les gestes protocolaires, un scénario refait pourtant surface. Il rappelle celui de 2002, lorsque Washington avait obligé Kigali à retirer ses 23 000 soldats du Congo en moins de trois mois.

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Le manuel de 2002 : la partition que Washington ressort

En 2002, l’administration Bush avait imposé un retrait rwandais grâce à une stratégie directe et redoutablement efficace. Les États-Unis exploitaient alors la dépendance totale du Rwanda à leur soutien militaire, financier et diplomatique. Ils menaçaient de suspendre toute coopération si Kigali résistait. Parallèlement, la RDC acceptait de désarmer les milices ex-FAR et Interahamwe sous la supervision stricte de la MONUC. Des mécanismes de vérification rigoureux empêchaient aussi le retour discret des troupes rwandaises.

Aujourd’hui, la Maison-Blanche ressort la même méthode. Cependant, les enjeux ont profondément changé. Le cobalt, le lithium et le tantale de l’Est congolais sont devenus essentiels à la transition énergétique mondiale. Ces minerais stratégiques représentent désormais une priorité pour les États-Unis. Cette réalité explique l’implication personnelle du président Trump.

La double rhétorique de Kagame : un discours évolutif pour un objectif constant

Les justifications du Rwanda ont peu changé. En 2002 comme en 2025, Kigali évoque la menace persistante des FDLR et accuse Kinshasa de soutenir ces milices. Toutefois, Paul Kagame ajoute aujourd’hui un nouvel argument : la protection des communautés banyamulenge. Il affirme que cette minorité tutsie congolaise vit sous oppression et fait face à des menaces graves. Cette double narration lui permet de légitimer son ingérence, tout en préservant l’accès du Rwanda aux minerais stratégiques et en maintenant son influence régionale.

Le dilemme de Kagame : les ressources contre la survie diplomatique

Pour forcer Kigali à signer un nouvel accord, Washington modernise ses pressions. D’abord, il coordonne son action avec l’Union européenne, le Royaume-Uni, la France, le Canada et plusieurs pays africains. Cette coalition isole progressivement le Rwanda et agite la menace d’une marginalisation économique et diplomatique.

Ensuite, les États-Unis proposent une alternative sécuritaire. Avec la RDC et l’Union africaine, ils s’engagent à neutraliser la menace des FDLR. Cette démarche retire à Kigali son principal prétexte. En parallèle, des garanties solides protègent toutes les communautés civiles, y compris les Banyamulenge. Ainsi, Kagame perd aussi son argument humanitaire.

Face à cette pression, le président rwandais se retrouve dans une impasse. Un refus ferait perdre à son régime le soutien américain pourtant indispensable. Il risquerait également des sanctions économiques et une exclusion progressive de l’Union africaine. Accepter l’accord, en revanche, signifierait un recul stratégique majeur. Kigali perdrait son influence en RDC, ses circuits miniers parallèles et son rôle clé dans la sécurité régionale.

Tshisekedi : entre victoire diplomatique et défi titanesque

Si l’accord voit le jour, Félix Tshisekedi remportera une victoire historique. La souveraineté congolaise sur l’Est du pays serait enfin reconnue et restaurée. Toutefois, les défis à venir seront immenses. Le président devra démanteler des réseaux politico-militaires ancrés depuis trois décennies. Il devra aussi récupérer les zones contrôlées par le M23 sans créer un vide sécuritaire. De plus, il devra prouver que la RDC ne soutient pas les FDLR. Sans cette preuve, Kigali retrouverait immédiatement des arguments. Enfin, rétablir l’autorité de l’État dans des zones longtemps échappées au contrôle gouvernemental sera probablement l’étape la plus complexe.

Washington, laboratoire de la nouvelle géopolitique des ressources

Cette rencontre dépasse largement le conflit RDC–Rwanda. Elle sert de test pour mesurer la capacité des États-Unis à imposer un ordre stable dans une région cruciale pour leurs chaînes d’approvisionnement. Elle évalue aussi leur aptitude à gérer un allié devenu embarrassant sans provoquer son effondrement. Enfin, elle inaugure un modèle de résolution de conflits fondé sur une pression diplomatique concertée et des garanties sécuritaires renforcées.

La réussite de cette stratégie se mesurera dans les six mois suivant la signature. Les indicateurs seront clairs : un retrait effectif du M23 des zones minières, la fin du soutien rwandais aux rebelles et une amélioration tangible de la situation à Goma, Bukavu et dans les zones voisines.

En 2002, Washington avait démontré qu’il pouvait contraindre Kigali à retirer ses troupes. En 2025, il veut prouver qu’il peut créer les conditions d’une paix durable. La mission est plus complexe. Il ne s’agit plus seulement de retirer des soldats, mais de bâtir un système politique, sécuritaire et économique assez solide pour empêcher leur retour.

Jeudi, à Washington, ce n’est pas seulement l’avenir de l’Est congolais qui se joue. C’est une démonstration : dans la géopolitique du XXIᵉ siècle, les ressources stratégiques redessinent la diplomatie. Elles imposent un mélange de coercition et d’incitation. Les leçons de 2002 planent encore dans le Bureau ovale. Pour Paul Kagame, face à Donald Trump, cette ombre sera aussi lourde que les satellites et drones qui surveilleront désormais chaque mouvement à la frontière entre le Rwanda et la RDC.

 

Bintou Keita : la mission inachevée d’une femme de paix en RDC

Ils l’appelaient « la dame de fer aux yeux doux ». Quand Bintou Keita a posé ses valises à Kinshasa en mars 2021, nommée par António Guterres pour piloter la plus grande et la plus complexe mission de paix des Nations unies, beaucoup ont douté. Une Guinéenne, experte des crises humanitaires, à la tête de la MONUSCO en République démocratique du Congo ? Cinq ans plus tard, à l’heure de son départ anticipé fin novembre 2025, son empreinte reste indélébile.

Ce vendredi 28 novembre, dans le bureau feutré de la ministre des Affaires étrangères congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, l’atmosphère est empreinte d’une étrange dualité. On se dit au revoir, mais on insiste : « Je ne dis pas au revoir. » Parce que les Nations unies, elles, restent. Bintou Keita, accompagnée de ses adjoints Bruno Le Marquis et Viviane Van Deperre, transmet le flambeau. Avec humilité, et une pointe de regret.

« Très clairement, je ne peux pas dire que tout a été fait à 100 %, puisqu’il y a encore beaucoup de situations de souffrance de la population, et moi, ça me touche énormément », avoue-t-elle, la voix voilée d’une émotion rare chez une diplomate aguerrie.

Un parcours taillé pour l’impossible

Son arrivée en 2021 n’était pas un hasard. Bintou Keita n’était pas une novice. Avant la RDC, elle avait dirigé les opérations de maintien de la paix au Département des affaires politiques de l’ONU, après avoir été secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires. Elle connaissait les couloirs de New York, mais aussi le terrain africain. En succédant à l’Algérienne Leila Zerrougui, elle devenait la deuxième femme – et la première originaire d’Afrique subsaharienne – à commander la MONUSCO.

Sa mission ? Stabiliser un pays en guerre permanente dans l’Est, protéger les civils, soutenir des élections crédibles et superviser le retrait progressif d’une mission controversée. Une équation presque impossible.

2023 : l’exploit électoral

Son plus grand accomplissement restera sans doute l’organisation des élections de décembre 2023. Dans un pays aussi vaste que l’Europe de l’Ouest, avec des infrastructures défaillantes et des zones en conflit, elle a orchestré un ballet logistique titanesque. Sous sa direction, la MONUSCO a transporté plus de 250 tonnes de matériel électoral à travers jungles, rivières et territoires contestés.

« Nous avons veillé à ce que chaque bureau de vote, même le plus isolé, reçoive le nécessaire », rappelle-t-elle. Le scrutin s’est tenu, globalement apaisé. Un succès stratégique qui a renforcé la légitimité des institutions congolaises.

Sur la ligne de front humanitaire

Mais le cœur de son mandat a toujours battu à l’Est, dans le Nord-Kivu et l’Ituri, où les groupes armés continuaient de semer la terreur. « Nous nous sommes retirés dans le Kasaï, Tanganyika et Sud-Kivu, mais nous sommes restés là où les civils étaient le plus en danger », explique-t-elle.

Sous son commandement, la MONUSCO a sauvé des centaines de vies au quotidien – par des patrouilles, des évacuations médicales, la protection des sites de déplacés. « La MONUSCO continue de sauver des vies, chaque jour », insiste-t-elle, réfutant implicitement les critiques sur l’efficacité de la mission.

Le défi du retrait et l’héritage

Son départ anticipé, elle l’a choisi. Pas de procédure disciplinaire, pas d’enquête interne – simplement une décision personnelle, alors que son mandat devait s’achever en février 2026. Elle laisse derrière elle une mission en transition, avec un retrait en cours mais toujours des zones de tempête.

« Nous avons encore des problèmes avec des groupes armés qui ne sont pas encore désarmés et démobilisés. C’est parmi les défis », reconnaît-elle.

Son dernier message est un appel à la responsabilité collective. « Faites en sorte que la paix s’installe définitivement pour que le pays puisse se développer. » Elle espère aussi beaucoup du siège de la RDC au Conseil de sécurité à partir de janvier 2026, un levier pour soutenir la mission qui reste.

Avant de prendre son vol, Bintou Keita laisse une MONUSCO dirigée conjointement par ses deux adjoints, en attente d’un successeur. Elle retourne à la vie civile, peut-être à la retraite, après une carrière marathon au service de la paix.

Son bilan ? Mixte, comme tout bilan dans l’enfer congolais. Des vies sauvées, des élections tenues, une mission recentrée. Mais aussi des souffrances qui persistent, des conflits non résolus, une paix encore fragile.

Elle part sans fanfare, avec la modestie de celles qui savent que la paix ne se décrète pas, mais se construit, jour après jour, souvent dans l’ombre. La « dame de fer aux yeux doux » laisse une trace : celle d’une femme qui a tenu bon, dans la tempête, jusqu’au bout.

Nord-Kivu : le M23 utilise l’aéroport de Goma comme arme de pression

GOMA – Le sort de centaines de milliers de civils pris au piège dans le Nord-Kivu se joue sur une piste d’atterrissage. Ce mercredi 26 novembre, l’Alliance Fleuve Congo/M23 a fermement rejeté tout argument humanitaire pour justifier la réouverture de l’aéroport international de Goma, qu’il contrôle depuis janvier 2025. Une position qui transforme cette infrastructure vitale en instrument de pression politique et isole un peu plus une région au bord de la catastrophe humanitaire.

Lors d’une conférence de presse, le porte-parole du mouvement rebelle a balayé d’un revers de main les appels internationaux, dont ceux répétés du président français Emmanuel Macron. Pour le M23, l’urgence humanitaire invoquée par la communauté internationale ne serait qu’un prétexte masquant des « objectifs politiques et logistiques autres ».

Une crise humanitaire délibérément ignorée

Cette prise de position place les organisations humanitaires dans une impasse critique. L’aéroport de Goma est le poumon logistique de toute la région, permettant l’acheminement rapide de vivres, de médicaments et le transport du personnel urgentiste. Sa fermeture force les convois à emprunter des routes terrestres périlleuses, rallongeant considérablement les délais et le coût des opérations de secours.

« La situation dans les camps de déplacés autour de Goma est catastrophique. Le choléra et la malnutrition progressent. Chaque jour de fermeture de l’aéroport se compte en vies perdues », témoigne sous couvert d’anonymat un travailleur humanitaire présent sur place.

Un levier stratégique pour le M23

En niant la réalité de l’urgence humanitaire, le M23 envoie un message clair à Kinshasa et à ses partenaires internationaux : toute concession, même humanitaire, devra passer par une négociation politique. Le contrôle de l’aéroport représente pour la rébellion un atout stratégique majeur dans le bras de fer qui l’oppose au gouvernement congolais.

Cette position intransigeante intervient alors que le mouvement, qui a récemment formé l’AFC et consolidé ses positions avec la prise de Katoyi, semble vouloir durcir le ton. La communauté internationale, qui espérait une ouverture humanitaire, se retrouve face à un mur.

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU suit la situation avec inquiétude, la balle est désormais dans le camp des diplomates. Mais pour les populations civiles du Nord-Kivu, le temps presse bien plus vite que celui des négociations.

L’UE renforce son pari militaire en RDC

BRUXELLES – L’Union européenne (UE) persiste dans son soutien aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Le Conseil de l’UE a officialisé l’adoption d’une nouvelle mesure d’assistance, d’un montant de 10 millions d’euros, destinée à fournir un équipement militaire répondant aux « besoins opérationnels » congolais.

Cette enveloppe, puisée dans le Fonds européen pour la paix (FPE), marque une étape significative. Il s’agit de la deuxième mesure d’assistance directe aux FARDC, portant le total de l’aide européenne via ce mécanisme à 30 millions d’euros. Un signal fort de l’engagement continu de Bruxelles aux côtés de Kinshasa, dans un contexte sécuritaire toujours volatile dans l’Est du pays.

Une aide ciblée : du commandement aux patrouilles fluviales

Contrairement à un soutien militaire classique, cette aide se concentre sur des équipements « non létaux ». Son objectif est d’améliorer l’efficacité opérationnelle des FARDC sans alimenter directement la puissance de feu. Le paquet prévu est précis :

  • Commande et contrôle : Des équipements pour fluidifier la communication et la coordination entre les unités.

  • Soutien logistique et médical : Du matériel pour améliorer les conditions de déploiement des troupes et leur prise en charge sanitaire.

  • Surveillance des frontières : Un volet crucial pour sécuriser les frontières fluviales, des axes souvent empruntés par les groupes armés.

Les premières livraisons de ce matériel sont attendues avant la fin de 2026. Cette aide vise explicitement à renforcer la capacité des FARDC à « accomplir leurs missions essentielles de protection des civils et de rétablissement de l’autorité de l’État ».

Un engagement européen dans la durée

Cette décision n’est pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans la lignée d’un premier soutien apporté en 2023 à la 31e brigade de réaction rapide de Kindu. Bruxelles y voit la preuve de son « engagement constant » en faveur de la réforme du secteur de la sécurité en RDC.

Pour l’UE, le soutien aux FARDC via le Fonds européen pour la paix n’est qu’une pièce d’un puzzle plus vaste. Cette aide militaire s’accompagne d’un ensemble de mesures combinant d’autres instruments, notamment l’aide au développement, afin d’agir à la fois sur les symptômes de l’instabilité et sur ses causes profondes. Un pari sur la durée, dans un conflit qui n’en finit pas.

Nuit de Terreur à Uvira : Le Conte Cruel des « Faux Wazalendo »

UVIRA, Sud-Kivu – Dimanche 23 novembre 2025. La nuit qui devait être comme les autres a viré au cauchemar. Sous un ciel indifférent, les rues d’Uvira, habituées aux tensions de l’Est de la République Démocratique du Congo, ont soudain retenti de crépitements sinistres. Ce n’était pas une attaque venue de l’extérieur, mais une guerre fratricide qui éclatait en son sein. Le drame se jouait entre deux factions se réclamant d’un même nom : « Wazalendo » – les patriotes. Un nom que l’armée allait rapidement qualifier de « faux ».

Le récit de cette nuit sanglante nous est raconté par les bilans, secs et froids, mais qui cachent une réalité chaotique. Quatre vies fauchées. Un militaire des FARDC, fidèle à son uniforme. Deux miliciens, abattus dans un conflit dont l’origine reste trouble. Et un civil, tragique victime collatérale, pris dans des tirs qu’il n’avait pas choisis. Quatorze autres personnes, dont neuf civils, deux soldats et trois miliciens, ont été marquées dans leur chair, évacuées en urgence vers les hôpitaux militaire et général d’Uvira.

L’armée, tampon dans la tourmente

L’histoire prend un tournant décisif avec l’entrée en scène des Forces Armées de la RDC (FARDC). Le sous-lieutenant Mbuyi Kalonji Reagan, porte-parole des opérations Sukola 2, rapporte que l’armée est intervenue alors que des « tirs sporadiques » déchiraient la nuit. Face à ce qui était présenté comme une menace interne, la réaction fut ferme. Trois fusils d’assaut AK-47 ont été récupérés sur les miliciens neutralisés, symboles macabres de cette escalade.

Mais au-delà de la simple restitution des faits, l’armée dessine les contours d’un récit plus sombre, celui d’un complot. Dans un communiqué véhément, les FARDC dénoncent un « plan machiavélique ». Leur thèse : des « ennemis » de l’extérieur, désignés comme les réseaux « M23-AFC soutenus par les RDF », instrumentaliseraient ces « faux Wazalendo » pour semer le chaos et fragiliser les efforts de pacification de la région.

L’appel au calme dans une mer d’intoxication

Pour clore ce chapitre de violence, la voix du général de brigade Ilunga Kabamba Jean-Jacques s’est élevée. Le commandant de la région militaire a lancé un appel solennel à la population : ne pas céder à « l’intoxication », ne pas se laisser manipuler. Un plaidoyer pour la confiance en une armée se présentant comme le seul rempart loyaliste face à la déstabilisation.

Alors que le soleil se levait ce lundi 24 novembre, une accalmie précaire s’était installée sur Uvira. La situation était « sous contrôle », assurait le porte-parole militaire. Mais derrière les portes closes, dans le silence revenu, une autre bataille commençait : celle du sens, de la vérité, et du deuil à faire pour une communauté une fois de plus éprouvée par le cycle infernal de la violence à l’Est du Congo. L’histoire de cette nuit est terminée, mais son écho, lui, résonne encore.

Washington relance la paix en RD Congo

Washington – Dans une salle où se joue une partie de l’avenir des Grands Lacs, les représentants de la RDC et du Rwanda se sont retrouvés les 19 et 20 novembre pour la quatrième réunion du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM). Cette rencontre a donné un nouvel élan à l’accord de paix signé le 27 juin dans la capitale américaine.

Dès l’ouverture des travaux, les deux délégations ont fixé un objectif précis : faire avancer l’ordre d’opération destiné à neutraliser les FDLR, un groupe armé qui empoisonne depuis longtemps les relations entre Kinshasa et Kigali. Les observateurs internationaux ont salué des efforts concrets, notamment la poursuite des opérations de démobilisation et le rapatriement de plusieurs combattants.

Les participants ont mené des discussions qualifiées d’« ouvertes ». Ils ont analysé les progrès de la première phase : partage de renseignements, campagnes d’information pour encourager les redditions, actions pour réduire l’influence du groupe. Chaque avancée a été évaluée, et chaque défi clairement identifié. En parallèle, les deux parties ont commencé les travaux de la deuxième phase, qui vise à neutraliser définitivement la menace et à créer les conditions pour que le Rwanda lève ses mesures défensives.

Convergence des processus de paix et prochaines étapes

La nouveauté de cette réunion réside surtout dans la convergence entre les processus de paix de Washington et de Doha. Les participants ont salué la signature récente du Cadre de Doha entre le gouvernement congolais et le M23. Ils ont reconnu l’importance de maintenir une coordination étroite entre les négociations conduites au Qatar et celles tenues aux États-Unis. Cette stratégie commune pourrait changer la dynamique régionale.

Les remerciements échangés montrent une volonté réelle d’avancer. La RDC et le Rwanda ont exprimé leur gratitude aux États-Unis, au Qatar et à l’Union africaine pour leur rôle de facilitation. Ils ont aussi salué le Togo, qui organisera le 17 janvier à Lomé une réunion de haut niveau destinée à consolider ces avancées encore fragiles.

Dans les couloirs du Département d’État, un espoir prudent se dessine : celui de voir émerger une paix durable dans l’est de la RDC. Le chemin reste difficile, mais Washington a, une nouvelle fois, fourni le cadre où cette paix tente de se construire, étape après étape.

RDC-Russie : Kabombo et Moscau scellent leur alliance militaire

KINSHASA – La poignée de main était ferme, le sourire mesuré. Ce mercredi 19 novembre, dans le bureau feutré du vice-Premier ministre de la Défense, Me Guy Kabombo Muadiamvita, s’est joué un nouveau chapitre de la diplomatie militaire congolaise. Face à lui, l’ambassadeur de la Fédération de Russie, SE Karl Tikhazé, est venu acter le renforcement d’une coopération qui dessine peu à peu une nouvelle carte des alliances en Afrique centrale.

Les deux hommes ont eu un entretien « cordial et constructif », selon les termes officiels. Au cœur des discussions : l’avancement de la collaboration militaire entre Kinshasa et Moscou, et les perspectives de son renforcement. Une coopération que la partie congolaise assure vouloir développer « dans le strict respect des instruments internationaux ratifiés par la RDC » – une précision qui sonne comme un message à l’attention des autres partenaires du pays.

Un dialogue technique renforcé

L’ambassadeur Tikhazé a présenté au ministre le nouvel attaché de défense russe accrédité en RDC. Kabombo lui a souhaité « plein succès » dans ses fonctions, affirmant sa « disponibilité à poursuivre un dialogue technique régulier ». Objectif affiché : la professionnalisation et le développement des Forces armées de la RDC (FARDC).

Le ministre a salué « le sens d’écoute » de son homologue russe, qui a pour sa part insisté sur « l’ouverture du pays à tous ses partenaires ». Une déclaration qui contraste avec le recentrage stratégique opéré par Kinshasa ces derniers mois, marqué par un rapprochement visible avec Moscou au détriment d’alliés traditionnels.

Un partenariat aux implications régionales

Cette rencontre intervient dans un contexte sécuritaire tendu dans l’est de la RDC, où les FARDC font face à plusieurs groupes armés. Le renforcement de la coopération avec la Russie laisse entrevoir un possible changement d’équipement, de formation ou même de doctrine militaire pour l’armée congolaise.

Alors que les grandes puissances se disputent l’influence en Afrique centrale, la RDC semble ainsi affirmer sa souveraineté en diversifiant ses partenariats stratégiques. Le dialogue entamé ce mercredi ne concerne pas que les armes et les stages militaires : il engage, plus profondément, le positionnement géopolitique de toute une région.

Kabombo Muadiamvita trace un nouvel axe de défense à Bamako

BAMAKO. – Sur le stand congolais du premier salon « BAMZEX 25 », les échanges avaient des allures de traités stratégiques. Guy Kabombo Muadiamvita, vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, a profité de cette tribune à Bamako pour consolider un réseau militaire en pleine recomposition.
Burkina Faso, Niger, Russie : le gouvernement congolais esquisse une nouvelle alliance défensive avec des partenaires africains et des puissances non traditionnelles.

« L’Afrique dispose des ressources humaines, techniques et morales nécessaires pour assurer elle-même sa sécurité », a affirmé le ministre. Il a ainsi repris la vision du président Félix Tshisekedi d’une « Afrique solidaire et maîtresse de sa sécurité ».
Cette déclaration, faite depuis la capitale malienne, sonne comme un signal géopolitique fort à l’occasion du premier Salon de la défense et de la sécurité.

Une diplomatie de défense à plusieurs voix

Les rencontres se sont succédé à un rythme soutenu. Celle avec le vice-ministre russe de la Défense a toutefois marqué un tournant symbolique.
Dans un contexte de rivalités internationales croissantes, la RDC veut diversifier ses partenariats sans rompre avec ses alliés traditionnels.

Aux côtés des responsables burkinabè et nigériens, le ministre congolais a évoqué des coopérations concrètes : formation des troupes, échanges de renseignements et transfert de technologies.
Ces initiatives visent à renforcer une armée congolaise encore en reconstruction, confrontée aux défis persistants dans l’Est du pays.

BAMZEX 25 : la souveraineté africaine en vitrine

Placée sous le thème « L’Afrique au cœur des innovations mondiales de défense », la première édition de BAMZEX a permis à la délégation congolaise de découvrir des solutions adaptées aux réalités du terrain.
Guy Kabombo Muadiamvita veut transformer cette expérience en levier pour dynamiser l’industrie de défense nationale, encore naissante.

« Cette démarche s’inscrit dans la recherche d’une sécurité autonome, conçue par et pour les Africains », a-t-il souligné.
Cette vision repose sur deux axes : renforcer la coopération Sud-Sud et établir des partenariats stratégiques équilibrés avec des puissances prêtes à partager leur expertise sans ingérence.

Alors que les menaces sécuritaires se multiplient sur le continent, la RDC affirme sa volonté de devenir un acteur central des nouveaux équilibres africains.
Le message lancé depuis Bamako est clair : Kinshasa ne veut plus subir sa sécurité — elle veut désormais la construire.

Grands Lacs : les chefs militaires en conclave à Kinshasa

KINSHASA – Dans la salle de conférence aux lumières tamisées, les uniformes se mêlent aux costumes. Ce jeudi, Kinshasa accueille la 19e réunion des chefs d’état-major des armées de la région des Grands Lacs. Douze pays représentés, une mission commune : trouver les voies d’une paix insaisissable dans une région minée par les conflits.

Une réunion aux enjeux stratégiques

Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, ouvre la séance au nom du gouvernement congolais. À ses côtés, son homologue de l’Intégration régionale, Anzulini. Les deux hommes font face aux plus hauts responsables militaires de la CIRGL, rassemblés pour examiner l’épineuse situation sécuritaire et humanitaire de la région.

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Trois dossiers brûlants dominent les discussions : l’analyse de la crise persistante dans l’Est de la RDC, l’évaluation du mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, et la préparation des recommandations pour le sommet des chefs d’État prévu le 15 novembre. Des travaux techniques qui pourraient changer la donne sur le terrain.

Le poids de l’histoire

Julien Paluku, dans une intervention remarquée, convoque la mémoire collective. « J’étais présent au Sommet de Kampala en novembre 2012 », rappelle-t-il, évoquant les décisions cruciales prises à l’époque face à la rébellion du M23. Treize ans plus tard, le même mouvement armé défie à nouveau l’autorité de l’État congolais.

« L’histoire va-t-elle se répéter ? Wait and see ! », lance-t-il, dans une formule qui sonne comme un avertissement. Cette référence historique plane sur les débats, rappelant que les erreurs du passé pourraient éclairer les solutions de demain.

Un test pour la diplomatie congolaise

Cette réunion représente bien plus qu’une simple rencontre technique. Pour la RDC, qui assure la coordination des travaux, il s’agit d’un véritable test diplomatique. Le pays démontre sa volonté de jouer un rôle moteur dans la résolution des crises régionales.

Les recommandations qui émergeront de ces travaux alimenteront directement le sommet des chefs d’État dans neuf jours. Les militaires préparent ainsi le terrain pour des décisions politiques potentiellement historiques.

Alors que les discussions se poursuivent dans les salles climatisées de Kinshasa, une question demeure : ces échanges déboucheront-ils sur des actions concrètes capables d’apaiser les tensions dans les Kivus ? La réponse se joue autant dans les couloirs de la conférence que sur les collines du Nord-Kivu, où les armes continuent de parler.

Goma : La piste humanitaire qui divise les Grands Lacs

La piste d’atterrissage de l’aéroport de Goma est devenue, soudainement, la nouvelle ligne de front diplomatique des Grands Lacs. Depuis Paris, le jeudi 30 octobre, Emmanuel Macron a annoncé sa réouverture prochaine aux vols humanitaires, provoquant aussitôt un tollé du Rwanda et du mouvement rebelle M23.

Derrière cette décision en apparence technique, se joue en réalité un bras de fer géopolitique où chaque mot compte. Le président français, s’exprimant lors de la conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, a déclaré :
« L’aéroport rouvrira dans les prochaines semaines pour des corridors humanitaires, dans le strict respect de la souveraineté congolaise. »

Cette annonce vise avant tout à désenclaver l’Est de la République démocratique du Congo, asphyxié par près d’un an de combats acharnés entre l’armée congolaise et la rébellion du M23.

Kigali oppose un veto diplomatique

Le Rwanda riposte dans l’heure. Son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, conteste violemment la légitimité de Paris : « L’aéroport se trouve sous le contrôle des autorités de fait, le M23. Une telle décision relève des négociations de Doha, pas d’une conférence parisienne. » Un rejet catégorique qui sonne comme un désaveu pour la diplomatie française.

Dans le camp rebelle, Corneille Nangaa, coordinateur politique du M23, enfonce le clou : « Cette annonce inopportune ignore totalement la réalité du terrain. Comment parler de réouverture quand les bombardements de Kinshasa détruisent ponts et aérodromes ? » L’ancien président de la CENI congolaise accuse même les « lobbys humanitaires » de « profiter de la détresse des populations ».

Kinshasa célèbre une victoire souveraine

Le gouvernement congolais, lui, savoure une revanche diplomatique. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, tonne : « Ni l’agitation du père Rwanda ni celle du fils M23 n’entraveront cette avancée humanitaire. Vouloir marchander l’aide aux déplacés révèle le cynisme de nos agresseurs. »

Les mots choisis trahissent l’amertume accumulée : le « père » et le « fils » dessinent une filiation jugée indécente entre Kigali et la rébellion. Le message est clair : Kinshasa considère cette réouverture comme un acte de souveraineté retrouvée.

Derrière cette batille sémantique, l’urgence humanitaire persiste. Des millions de déplacés attendent médicaments et nourriture. La France espère que ces vols humanitaires soulageront des vies, mais la réaction violente du Rwanda et du M23 prouve qu’à Goma, chaque piste d’atterrissage reste un enjeu de pouvoir. La région des Grands Lacs retient son souffle, suspendue au premier atterrissage.

Crise des Grands Lacs : le casting inédit de la diplomatie française

Ils sont venus à Paris, portant le poids d’une crise et l’espoir ténu d’une médiation. Autour de la table, ce jeudi, le président congolais Félix Tshisekedi, dont le pays saigne dans l’indifférence relative, écoute. Face à lui, le président togolais Faure Gnassingbé, en sage mandaté par l’Union africaine, et l’influent ministre qatari Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, négociateur des dossiers impossibles. Les États-Unis et l’Union européenne, représentés par Massad Boulos et Kaja Kallas, complètent ce casting diplomatique réuni à l’initiative de l’Élysée.

Mais dans le théâtre feutré de la diplomatie internationale, les silences en disent souvent plus long que les discours. Et à Paris, les absents résonnent avec une force particulière. Les fauteuils vides des présidents Paul Kagame du Rwanda, Évariste Ndayishimiye du Burundi et Yoweri Museveni de l’Ouganda dessinent les contours de l’impasse. Leur boycott, poli mais ferme, rappelle une évidence cruelle : on ne peut imposer la paix à des belligérants qui refusent de s’asseoir ensemble.

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La France tente pourtant de jouer les facilitateurs. En conviant les soutiens continentaux et les bailleurs internationaux, elle espère créer un momentum, une dynamique suffisante pour faire plier les récalcitrants. Les attentes sont colossales : débloquer une aide humanitaire d’urgence, imaginer des perspectives économiques et, surtout, réinjecter une once de confiance dans un dialogue régional au point mort.

Paris lance un pari audacieux sur l’échiquier des Grands Lacs. Mais la première règle de la diplomatie est de réunir toutes les parties autour de la table. Aujourd’hui, en réussissant à rassembler les médiateurs mais en échouant à convaincre les principaux protagonistes, l’Élysée donne à voir les limites de son influence. La conférence de Paris pourrait bien n’être qu’une répétition générale, en attendant que les véritables stars daignent enfin monter sur scène.

Crise des Grands Lacs : l’ultime appel de Paris

PARIS — Ce jeudi 30 octobre, les lumières de la diplomatie mondiale se braquent sur la capitale française. Dans le silence feutré des salons officiels, une cinquantaine de nations s’apprêtent à ausculter une crise qui ne fait plus la une, mais qui continue de broyer des vies. Au cœur des débats : l’urgence humanitaire dans la région des Grands Lacs, un dossier où la générosité internationale s’épuise, tandis que les besoins, eux, explosent.

Sous le double patronage de la France et du Togo, cette conférence se veut un électrochoc. Un ultime sursaut pour « resensibiliser » des bailleurs en proie à ce que les diplomates appellent, avec une froide pudeur, la « fatigue ». La fermeture des programmes de l’USAID en RDC n’est que la partie émergée d’un iceberg de désengagement.

L’heure du constat amer

« Les efforts de financement sont en baisse », constate, sans fard, Rémy Maréchaux, ambassadeur de France en RDC. Sa voix porte l’urgence des terrains oubliés. Pour lui, la bataille se gagne d’abord par les mots : il faut « réexpliquer » l’indicible. C’est la mission dévolue aux humanitaires et aux représentants de la société civile congolaise invités à cette table ronde : donner un visage et un nom à des statistiques qui ne font plus frémir.

Au-delà de l’argent, l’accès

La seconde partie des assises s’annonce plus ardue encore. Il ne s’agira plus seulement de comptes, mais de principes : le respect du droit international humanitaire. Comment acheminer l’aide quand les routes sont coupées, les humanitaires menacés, les zones de conflit inaccessibles ?

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« Ce qui est important, c’est que les acteurs humanitaires puissent travailler librement », insiste l’ambassadeur. Son plaidoyer trace une ligne rouge : sans accès garanti, sans entraves levées, les fonds les plus colossaux resteront lettre morte.

Paris tente donc un pari : ranimer la flamme d’une solidarité à bout de souffle. Dans les coulisses, on espère que cette « autopsie » ne se transformera pas en oraison funèbre de l’aide internationale, mais en son sursaut salvateur. Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. Les millions de déplacés de l’Est congolais, et au-delà, attendent que les mots prononcés sous les ors de Paris se transforment enfin en pain et en médicaments.

Le hold-up de la place Victoire et l’énigme des 10 500 dollars

KINSHASA – Dans le prétoire, l’accusation dessine les contours d’un casse méthodique : une bande organisée, un braquage ciblé, une banque dévalisée. Mais depuis le début de l’instruction, mardi 28 octobre 2025, c’est une tout autre version qui émerge, plus trouble, où les rôles de prédateurs et de victimes semblent se brouiller. Au cœur des débats, une énigme : que sont devenus les 10 500 dollars volés à l’agence Rawbank de la place Victoire ?

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Les trois prévenus, dont Honorine Porche, pointent unanimement du doigt les hommes en uniforme. L’argent ? Saisi par les agents de l’ordre lors de l’interpellation, affirment-ils. La présumée braqueuse raconte une arrestation violente. « Les agents m’ont battue avant de s’emparer du sac contenant l’argent, puis m’ont arrêtée », témoigne-t-elle, dessinant les contours d’une scène où la force policière aurait basculé en opportunisme pur.

Le chef de la sécurité accuse à son tour

Le doute s’installe davantage avec la déposition de l’AC Kashama, pourtant chef de poste de la sécurité de la banque ce jour-là. Son témoignage est une bombe. Il désigne nommément les unités impliquées : la « Task Force » et une autre unité seraient, selon lui, les seules à connaître la destination finale des 10 500 dollars. Une accusation grave, qui jette une ombre sur l’intégrité de l’opération policière.

Un double procès pour une même affaire

L’affaire est si trouble qu’elle a engendré une procédure judiciaire parallèle. La Cour militaire s’est saisie des sévices infligés à Honorine Porche lors de son arrestation. Pourtant, dans le prétoire civil, un détail interpelle : la victime des violences affirme ne reconnaître aucun de ses agresseurs parmi les forces de l’ordre présentes. « Je n’ai vu au procès aucun policier parmi ceux qui m’ont battue », constate-t-elle, amère.

L’étrange répartition des charges

Face à la justice, tous les prévenus sont poursuivis pour « association de malfaiteurs » et « terrorisme ». Mais le ministère public a réservé une inculpation supplémentaire, et exclusive, à Honorine Porche : « vol à main armée ». Selon l’accusation, les accusés auraient formé une bande structurée dans le seul but de dévaliser la Rawbank.

Pourtant, au fil des audiences, c’est bien le récit officiel qui semble se fissurer. L’argent a-t-il été récupéré par la banque ? A-t-il disparu dans les poches des braqueurs ? Ou, comme l’affirment les principaux suspects, a-t-il été confisqué par ceux-là mêmes chargés de le restituer ? À la place Victoire, le temple de l’argent, le procès du braquage est en train de se muer en une enquête sur la probité des uniformes.

« Nous reprendrons notre marche vers Kinshasa » : le M23 lance un ultimatum

La conférence de presse tenue jeudi à Goma par les dirigeants de l’AFC/M23 avait des allures d’ultimatum. Devant les médias, Corneille Nangaa, coordonnateur politique du mouvement rebelle, a dégainé la menace suprême : « Si Kinshasa s’obstine à saboter les négociations, nous allons reprendre notre marche vers Kinshasa ». Des paroles qui font froid dans le dos, alors que se poursuivent à Doha les pourparls de paix sous médiation qatarienne.

« Nous répondrons coup sur coup » prévient la rébellion

Le ton était à l’escalade. Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint, a surenchéri : « Nous répondrons désormais à toute attaque, coup sur coup ». La rébellion accuse les FARDC et leurs alliés wazalendo de multiples violations du cessez-le-feu dans les territoires de Walikale, Masisi et Kalehe. Plus grave encore, elle dénonce des bombardements contre la mine d’or de Twangiza les 17 et 23 octobre, imputés directement à la famille Tshisekedi.

« J’étais mort et je suis ressuscité. Ils me tuent chaque jour », a lancé Corneille Nangaa, dans une formule théâtrale qui résume l’exaspération du mouvement rebelle. Ce dernier met en garde : « Nous avons la capacité de détruire ces drones. Nous l’avons déjà fait par le passé ».

Kinshasa dénonce des « élucubrations »

En réponse, le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya a balayé d’un revers de main ces accusations, les qualifiant « d’élucubrations ». Lors d’un briefing à Kinshasa, il a rappelé les « progrès » accomplis à Doha, notamment sur le mécanisme de cessez-le-feu et la question des prisonniers. « Nous savons qui tue à Goma, à Bukavu, nous savons qui a massacré à Rutshuru », a-t-il rétorqué, sans jamais mentionner directement les violations du cessez-le-feu dénoncées par le M23.

Le gouvernement congolais maintient sa ligne : le M23 reste un mouvement « terroriste » et « supplétif de l’armée rwandaise ». Des accusations que la rébellion rejette en bloc, affirmant plutôt dialoguer avec Kinshasa « par la force des choses ».

Alors que la communauté internationale mise sur le processus de Doha pour apaiser les tensions, cette conférence de presse sonne comme un coup de semonce. La menace d’une reprise des hostilités à grande échelle plane désormais ouvertement sur l’est de la RDC, dans un jeu de dupes où chaque camp accuse l’autre de torpiller les efforts de paix. Le dialogue semble à bout de souffle, et les armes pourraient bien avoir à nouveau le dernier mot.

Braquage déjoué à Kinshasa : Crépitements de balles et tension au rond-point Victoire

KINSHASA – Ce jeudi matin, la routine du rond-point Victoire a volé en éclats. Vers 9h30, les crépitements secs d’armes automatiques ont déchiré l’air, transformant ce carrefour stratégique entre Kasa-Vubu et Kalamu en théâtre d’une violente confrontation. Des échanges de tirs nourris ont opposé les forces de l’ordre à un groupe de braqueurs retranchés dans une agence de la Rawbank. l’agence Rawbank, prise pour cible par un groupe de braqueurs déterminés.

Selon les premiers témoignages, les criminels, lourdement armés, avaient choisi leur cible avec précision. Mais leur plan a tourné court lorsque les éléments des Forces armées et de la Police nationale congolaise, alertés avec célérité, ont encerclé le périmètre. Le bourgmestre de Kalamu, Charly Luboya, joint téléphoniquement, confirme le scénario : « Certains ont fui, un des leurs a été arrêté – disons leur chauffeur – et d’autres sont retenus à l’intérieur de la banque par les agents de l’ordre ».

La tension palpable

Rapidement, les renforts affluent. Plusieurs véhicules de police prennent position autour de l’immeuble bancaire, tandis que des éléments de l’armée, en tenue de combat, se déploient avec méthode. La tension devient palpable dans ce quartier habituellement animé. « Les balles continuent à pleuvoir dans ce coin de la capitale », rapporte le bourgmestre, alors que des centaines de curieux, malgré les risques, se massent à distance pour assister à l’assaut.

Peu avant 10h30, après près d’une heure de siège .Les forces de l’ordre, professionnelles, verrouillent l’accès au bâtiment. Les policiers en tenue bleue se postent stratégiquement, protégés par leurs véhicules blindés, tandis que les militaires préparent l’assaut final. Chaque détonation fait sursauter la foule, maintenue à distance de sécurité.

La fin des hostilités

la Rawbank a fait parvenir un communiqué officiel : l’incident sécuritaire est « maîtrisé ». Les assaillants ont été « neutralisés » grâce à la « réactivité exemplaire des autorités et à la coordination des équipes de sécurité de la banque ». Le bilan est rassurant : « Aucun blessé n’est à déplorer parmi le personnel ou les clients présents sur place ».

L’établissement bancaire salue le « professionnalisme » et « l’efficacité » des forces de sécurité, tout en remerciant la population pour son « calme » et sa « coopération ». Le périmètre reste néanmoins temporairement sécurisé, le temps que les autorités procèdent aux constats d’usage.

Ce braquage avorté témoigne de la recrudescence de l’insécurité dans la capitale congolaise, mais aussi de la capacité de réaction des forces de l’ordre. Alors que la nuit tombe sur Kinshasa, le rond-point Victoire retrouve peu à peu son calme, marqué par les stigmates d’une journée qui aurait pu tourner au drame.

Le M23/AFC accuse Kinshasa d’avoir violé le cessez-le-feu

À peine l’encre de l’accord de Doha avait-elle séché que la confiance s’effritait déjà. Le mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23 accuse le gouvernement congolais d’avoir violé le cessez-le-feu, moins de 24 heures après la signature du Mécanisme conjoint de surveillance et de vérification, le mardi 14 octobre 2025.

Dans un communiqué au ton ferme, le M23 affirme que les forces coalisées du régime de Kinshasa ont mené, dès le lendemain, d’intenses bombardements sur des zones civiles et sur plusieurs de leurs positions dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon le mouvement, ces attaques auraient été conduites à l’aide de drones et d’avions de combat SUKHOI-25, suivies d’assauts terrestres à Kadasomwa, Lumbishi et Kasake.

Une accusation grave qui fragilise le processus de Doha

Pour l’AFC/M23, ces offensives constituent « une trahison cynique » du processus de paix de Doha, signé sous la médiation du Qatar, des États-Unis et de l’Union africaine. Le mouvement estime que Kinshasa aurait délibérément choisi la voie des armes, au mépris des engagements pris devant la communauté internationale.

« Cette attitude belliqueuse démontre à la face du monde que le régime de Kinshasa a tourné le dos au processus de paix », dénonce le M23, évoquant un bilan humain lourd et des bombardements ayant touché des civils. Le groupe rebelle parle d’“atrocités” aggravant une crise humanitaire déjà aiguë dans l’Est du pays.

Appel à la communauté internationale et avertissement du M23

Face à ce qu’il qualifie de “sabotage du processus de paix”, le M23 en appelle directement aux observateurs du Mécanisme de surveillance et de vérification – à savoir le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine – afin qu’ils constatent ces violations présumées et interviennent pour éviter une reprise généralisée des hostilités.

Dans le même communiqué, le mouvement réaffirme son “engagement indéfectible à défendre la population congolaise par tous les moyens”, tout en réitérant sa solidarité envers les civils pris dans les combats.

Entre diplomatie et méfiance : le fragile équilibre de Doha

Ces accusations surviennent alors que la signature du Mécanisme de vérification M23 Doha, saluée comme une avancée diplomatique majeure, devait marquer le retour de la confiance entre les deux camps.
Mais à peine 24 heures plus tard, la flamme de la paix vacille déjà, laissant planer une question lourde de sens : le processus de Doha survivra-t-il à sa première épreuve ?

M23 Doha : Un mécanisme conjoint pour surveiller le cessez-le-feu entre Kinshasa et les rebelles

Sous les lustres du palais diplomatique de Doha, une poignée de main symbolique a marqué, mardi, une nouvelle étape du processus de paix entre Kinshasa et le M23. Le gouvernement congolais et le groupe politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23 ont paraphé un mécanisme conjoint de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, sous la médiation du Qatar et avec l’appui des États-Unis et de l’Union africaine.

Dans un communiqué empreint de solennité, le ministère qatari des Affaires étrangères a salué une “étape essentielle pour renforcer la confiance mutuelle et progresser vers un accord de paix global”. Doha précise que le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine y participeront comme observateurs, un gage de transparence et de crédibilité pour un processus souvent miné par la méfiance.

Des attentes et des doutes autour du mécanisme de Doha

Pour le M23, tout repose désormais sur la bonne foi de Kinshasa.
« Si le gouvernement congolais respecte pleinement ses engagements, ce mécanisme créera un climat de sérénité et de sécurité, propice à la discussion sur les causes profondes du conflit », a déclaré le mouvement rebelle dans un communiqué.

Côté congolais, le ton se veut résolument optimiste. Le gouvernement assure que cette signature traduit « la volonté de parvenir à une cessation effective des hostilités, de garantir la sécurité des populations et de préparer les conditions d’un accord de paix durable, dans le cadre du processus de Doha soutenu par la communauté internationale ».

Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. Juvénal Munubo, ancien député et observateur attentif des questions sécuritaires, s’interroge :
« Pourquoi avoir attendu près de trois mois après la Déclaration de principes du 19 juillet pour signer ce mécanisme ? Et surtout, quand viendront les mesures concrètes sur le terrain ? »

Entre espoirs et réalités du terrain

La création du mécanisme de vérification M23 Doha symbolise un tournant, mais la route reste longue. Alors que le front de l’Est congolais demeure instable, les populations civiles attendent des actes tangibles plutôt que de nouvelles signatures.

Pour l’heure, le Qatar et les États-Unis, désormais observateurs officiels, misent sur la diplomatie pour transformer la promesse de paix en réalité. Dans les coulisses, un défi s’impose : faire du cessez-le-feu M23 Doha non pas une simple clause diplomatique, mais un véritable instrument de réconciliation durable.

Global Gateway : l’Union européenne débloque 180 millions d’euros pour consolider la paix entre la RDC et le Rwanda

BRUXELLES – L’Union européenne franchit un nouveau cap dans son engagement pour la stabilité de l’Afrique centrale. En marge du Global Gateway Forum 2025, la présidente de la Commission européenne a annoncé un financement de 180 millions d’euros pour renforcer la paix, l’intégration régionale et le développement durable entre la RDC et le Rwanda.

Un soutien clair au processus de paix

« Le processus de paix en cours, facilité par les États-Unis, est une excellente nouvelle pour l’Est de la RDC », a déclaré la présidente. Elle a salué l’accord signé sous la médiation du président américain Donald Trump et soutenu par l’Union africaine. Selon elle, « l’Europe veut contribuer à le rendre durable, avec ses partenaires africains ».

Le Global Gateway, moteur d’un partenariat concret

Ce financement s’inscrit dans la dynamique du Global Gateway, l’initiative européenne qui renforce les infrastructures durables sur le continent africain. L’enveloppe européenne sera répartie dans quatre secteurs prioritaires :

  • Énergie : modernisation des réseaux et promotion des sources propres ;

  • Transports : développement des corridors commerciaux ;

  • Biodiversité : protection des écosystèmes régionaux ;

  • Mines durables : exploitation responsable des ressources.

Ces investissements visent à stabiliser l’économie régionale tout en réduisant les tensions liées à la concurrence minière.

Kagame salue un « partenariat gagnant-gagnant »

Présent à Bruxelles, le président Paul Kagame a estimé que ce soutien européen « ouvre la voie à une intégration régionale plus forte et à des investissements durables ». Il a salué le rôle du Global Gateway, déjà engagé dans le développement du secteur biomédical rwandais.

L’Union européenne prévoit d’ajouter 95 millions d’euros pour soutenir la production de vaccins et l’innovation médicale à Kigali. Cette initiative consolide l’ambition du Rwanda de devenir un pôle continental de biotechnologie.

Une diplomatie du développement en action

Entre diplomatie et économie, le Global Gateway s’impose comme un levier de paix et un outil d’avenir pour l’Afrique centrale. Il relie désormais les efforts politiques de Washington et de l’Union africaine à la vision européenne d’une coopération fondée sur la croissance partagée et la stabilité durable.

Tshisekedi et Kagame à Bruxelles : entre main tendue et accusations, la diplomatie africaine sous tension

BRUXELLES – La scène diplomatique africaine a pris des airs de théâtre politique ce jeudi au Global Gateway Forum 2025. Le président congolais Félix Tshisekedi a tendu la main à son homologue rwandais Paul Kagame, qui a saisi l’occasion pour rappeler sa vision du partenariat.

Kagame plaide pour des partenariats équitables

« Nous sommes ici pour discuter de partenariat, mais le sens du terme varie selon les personnes », a déclaré Kagame, d’une voix calme mais ferme. « Pour certains, il s’agit de donner des instructions et de faire des conneries. Pour d’autres, il s’agit de se plaindre. »

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Il a insisté sur l’importance de relations égalitaires, où risques et bénéfices sont partagés. Selon lui, la croissance africaine ne prospère que si elle circule dans les deux sens. « Un bon partenariat ne crée pas de dépendance, il crée de la valeur », a-t-il martelé, prônant une Afrique intégrée et autonome.

Une main tendue contestée

La proposition de Tshisekedi n’a pas trouvé un écho unanime. Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères, a dénoncé ce qu’il qualifie de « cinéma politique ». Selon lui, le chef de l’État congolais a détourné un forum consacré à la coopération pour aborder le conflit à l’Est de la RDC.

Il a accusé Kinshasa d’avoir violé les accords de paix de Washington du 27 juin, notamment par des bombardements contre l’AFC/M23 et les villages banyamulenge du Sud-Kivu. Nduhungirehe a rappelé les épisodes passés : menaces de bombardements sur Kigali, envoi de soldats congolais sur le territoire rwandais et recours à des mercenaires étrangers.

Une diplomatie complexe et tendue

Le ministre rwandais a dénoncé une manipulation médiatique, accusant Tshisekedi de séduire l’opinion publique congolaise tout en refusant le dialogue direct avec le M23. « Faire semblant de tendre la main alors que vous violez les accords existants, c’est du cynisme et des mensonges inacceptables au niveau d’un chef d’État », a-t-il tranché.

À Bruxelles, entre la main tendue et la réplique cinglante, la diplomatie congolo-rwandaise révèle toute sa complexité : un mélange de coopération affichée, de tensions historiques et de calculs politiques. Ces dynamiques continuent de peser sur l’avenir de la paix et de l’intégration régionale en Afrique.

Tshisekedi à Kagame : « Je vous tends la main pour une paix des braves »

BRUXELLES – Dans un geste diplomatique spectaculaire, le président congolais Félix Tshisekedi a tendu la main, jeudi, à son homologue rwandais Paul Kagame. Il propose de conclure « une paix des braves » afin de mettre fin au conflit qui ravage l’Est de la RDC.

Un appel solennel et une condition claire

Lors du Global Gateway Forum, le chef de l’État congolais a surpris par sa modération.
« À aucun moment, je n’ai affiché une attitude belliqueuse à l’égard du Rwanda ou de l’Ouganda », a-t-il déclaré, sous le regard du président angolais João Lourenço, médiateur et président de l’Union africaine.

Félix Tshisekedi a ensuite précisé la condition sine qua non de cette main tendue :

« Je prends à témoin ce forum pour vous tendre la main, monsieur le Président, afin que nous fassions la paix des braves. Cela demande que vous donniez l’ordre aux troupes du M23, soutenues par votre pays, d’arrêter cette escalade qui a déjà fait trop de morts. »

Pour montrer sa bonne foi, le président congolais a aussi suspendu temporairement son plaidoyer pour des sanctions contre Kigali.
« Les plaidoyers que j’avais prévus pour appeler à des sanctions, je préfère les suspendre pour un moment, en attendant d’avoir une réponse du président Paul Kagame », a-t-il ajouté.

Un tournant vers la paix régionale

Le chef de l’État a révélé que le processus de paix conduit par l’Angola avait presque abouti.
« Nous étions à 98 % de recouvrer une paix durable, mais vous avez boycotté la cérémonie », a-t-il lancé à Kagame.

Tshisekedi a insisté sur leur responsabilité commune :

« Nous vivons cette situation, et nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade. »

Aujourd’hui, la balle est dans le camp du président rwandais. La communauté internationale observe attentivement si cette main tendue ouvrira enfin la voie à une paix durable ou si elle restera un simple vœu pieux dans un conflit vieux de plusieurs décennies.

Guy Kabombo en mission à Muanda : restructuration militaire et lutte contre les fake news

MUANDA – Le Vice-Premier ministre de la Défense nationale, Me Guy Kabombo Muandiamvita, a enchaîné les visites stratégiques ce mercredi dans la ville de Muanda, au Kongo Central. Au programme : restructuration de la base navale, lutte contre la désinformation et remontée en puissance de l’armée congolaise.

Une base navale en transformation

À la base navale de Banana, le ministre a présidé un briefing décisif. Première annonce majeure : la nécessité de délocaliser cette base vers le camp Kindofula. « Le Vice-Premier ministre a insisté sur l’accélération des travaux de construction de la deuxième phase de Kindofula », rapporte-t-on sur place.

L’objectif est double : libérer l’espace pour faire avancer les travaux du port en eau profonde de Banana, projet stratégique pour la RDC, et moderniser les infrastructures militaires. Le ministre a également promis des « solutions urgentes » pour les demandes du commandant de la base, incluant le déplacement des élèves, la dotation d’ambulances et la construction d’un centre de santé.

Chasse aux fake news à la mairie

Dans un geste inédit, Me Kabombo s’est rendu à la mairie de Muanda pour vérifier en personne des allégations virales sur les réseaux sociaux. Ces rumeurs prétendaient que certains élèves avaient été renvoyés du camp Baki en raison de leur appartenance linguistique.

« Après vérification sur place, il s’agissait du renvoi des tierces personnes qui se faisaient passer pour des recrus alors qu’il n’en était pas le cas », a constaté le ministre, démontrant la détermination du gouvernement à combattre la désinformation qui mine le moral des troupes.

Soutien aux futurs cadres de l’armée

Le ministre a ensuite tenu une « causerie morale » avec les stagiaires sous-officiers et les recrues en formation au centre d’instruction de Kitona. Au nom du président Félix Tshisekedi, il a encouragé ces jeunes à « combattre pour la nation en cette période d’agression ».

Sans langue de bois, les élèves militaires ont soulevé leurs préoccupations : amélioration de la qualité de formation, dotation en matériel moderne et conditions sociales. Le VPM a promis de transmettre ces doléances au président de la République et à la Première ministre Judith Suminwa.

Un message fort pour les femmes soldats

Enfin, le ministre a rencontré les militaires évacués de Goma, leur assurant le soutien du gouvernement en attendant leur redéploiement. Un message particulier a été adressé à la Première ministre de la part d’une PMF (Police Militaire Féminine) sollicitant son soutien pour « défendre la patrie contre les agresseurs et assurer la protection des femmes victimes d’agression sexuelle à l’Est ».

Cette visite marathon démontre la volonté du gouvernement de redynamiser l’armée congolaise sur tous les fronts : infrastructure, formation et moral des troupes, alors que la RDC fait face à des défis sécuritaires majeurs dans l’Est du pays.

RDC-Rwanda : le bras de fer silencieux qui bloque le retour des réfugiés

GENÈVE – Derrière les beaux discours diplomatiques, une réalité cruelle persiste : des centaines de milliers de Congolais errent en exil tandis que leur terre natale reste sous la coupe de combattants. À la tribune des Nations Unies, Kinshasa a jeté un pavé dans la mare en posant des conditions inflexibles pour le retour de ses réfugiés.

Les trois lignes rouges de Kinshasa

La position congolaise, portée par le vice-Premier ministre Jacquemain Shabani à Genève, est sans équivoque : pas de retour sous la botte du M23. Le gouvernement exige trois préalables non-négociables :

  1. Un cessez-le-feu effectif

  2. La restauration de l’autorité de l’État congolais

  3. La vérification de la nationalité des candidats au retour

« Ce retour que nous souhaitons durable devra être accompagné des activités de réintégration et de reconstruction post-conflit », a précisé le ministre, soulignant la nécessité d’une « cohabitation pacifique » entre rapatriés et communautés locales.

L’énorme défi humanitaire

Les chiffres donnent le vertige. Rien qu’en Ouganda, plus de 600 000 Congolais survivent dans des camps de réfugiés. Neuf pays voisins au total abritent des exilés fuyant les violences dans l’Est de la RDC.

Pendant ce temps, sur le terrain, la rébellion du M23 – soutenue selon Kinshasa par Kigali – continue son expansion. Un terrible paradoxe : plus le conflit s’étend, plus le nombre de déplacés augmente, et plus le retour devient impossible.

Les accord qui n’avancent pas

La situation est d’autant plus frustrante qu’un accord tripartite RDC-Rwanda-HCR a été signé il y a trois mois à Addis-Abeba. Objectif affiché : faciliter le rapatriement volontaire. Mais sur le terrain, rien ne bouge.

La question des réfugiés reste l’une des pommes de discorde les plus explosives entre Kinshasa et Kigali, capable à elle seule de faire capoter les processus de paix américain et qatari.

Alors que les diplomates débattent à Genève, des milliers de familles congolaises attendent dans la précarité. Leur espoir ? Que la communauté internationale trouve la clé pour briser l’impasse. Leur crainte ? Que leur exil ne devienne… éternel.

Reprise des négociations M23 Doha : Kinshasa et la rébellion face à leurs divergences

DOHA/KINSHASA – L’espoir d’une trêve dans l’Est de la RDC se joue à nouveau à Doha. Cette semaine, les délégations du gouvernement congolais et de la rébellion de l’AFC/M23 se retrouvent dans la capitale qatarie pour relancer les négociations, alors que la tension monte sur le terrain.

La question des prisonniers au centre du blocage

La question de l’échange de prisonniers reste la principale pierre d’achoppement. Le M23 la considère comme une condition essentielle à toute avancée. Les parties ont confié au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) le rôle d’intermédiaire neutre. Pourtant, malgré ce cadre, les discussions stagnent. « Aucune avancée concrète n’a été enregistrée », estiment plusieurs observateurs.

Sur le terrain, la guerre remplace la diplomatie

Pendant que les diplomates préparent la table des négociations, les forces en présence renforcent leurs positions. Dans le Nord-Kivu, près de sept mille combattants du M23 viennent de terminer leur entraînement à Tshanzu. Deux semaines plus tôt, un effectif similaire, comprenant d’anciens militaires des FARDC et des miliciens Wazalendo, a été présenté à Rumangabo.

Cette montée en puissance des deux camps inquiète la société civile. Elle redoute une nouvelle escalade de la violence et d’éventuelles offensives contre des localités stratégiques du Nord et du Sud-Kivu.

Un processus de paix sous tension

La reprise des pourparlers à Doha se déroule dans un climat de méfiance totale. Le Qatar tente de maintenir le dialogue, mais la réalité du terrain montre que la paix reste fragile.

Tandis que les négociateurs échangent dans le confort des salons climatisés de Doha, les collines du Kivu bruissent du bruit des armes. La semaine s’annonce décisive pour l’avenir d’une région toujours en quête de stabilité.

Crise sécuritaire et embouteillages : le gouvernement Congolais en session cruciale

Ce vendredi, le président Félix Tshisekedi a présidé la 61e réunion du Conseil des ministres RDC. Depuis la Cité de l’Union africaine, il a rappelé l’urgence de trouver des réponses concrètes à la crise humanitaire et aux violences armées qui frappent les provinces de l’Est. Le chef de l’État a demandé au gouvernement Suminwa d’agir rapidement pour protéger les populations.

Kinshasa paralysée par les embouteillages

Le Conseil a également abordé la mobilité urbaine, devenue un cauchemar quotidien pour les Kinois. Les ministres ont présenté un plan opérationnel pour désengorger la capitale. Ce programme confirme que la circulation routière est désormais une priorité nationale. Le gouvernement a aussi discuté de la prévention des naufrages sur les voies navigables, une problématique récurrente dans ce vaste pays au réseau fluvial vital.

La réunion a préparé le 9ᵉ sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, prévu le 5 novembre 2025 à Kinshasa. Les discussions porteront sur la paix et la sécurité régionales, directement liées à la crise dans l’Est du pays.

Réformes et mémoire nationale

Le Conseil a fait le point sur la réforme foncière, un dossier à fort enjeu économique et social. Il a aussi examiné la valorisation du patrimoine des anciens combattants, afin de préserver la mémoire nationale.

La condamnation à mort de Kabila divise et menace la paix

Alors que Kinshasa célèbre la condamnation à mort de l’ancien président Joseph Kabila, l’Est du pays résonne d’une autre tonalité. Dans les Kivus, berceau de son influence, le verdict de la Haute cour militaire apparaît comme une persécution politique. Pour beaucoup, il risque de compromettre des mois d’efforts de paix dans une région déjà marquée par les conflits.

Une condamnation qui fragilise la paix

« Condamner Kabila, c’est montrer qu’ils sont toujours contre les gens de l’Est du pays », dénonce Samy Jean Takimbula, président intérimaire de la société civile du Sud-Kivu. Quelques mois plus tôt, l’ancien chef de l’État avait mené des consultations à Goma en faveur de la paix. Sa condamnation est donc vécue comme un camouflet pour ceux qui espéraient un apaisement.

Le timing interroge. Kinshasa négocie actuellement avec le groupe armé M23 à Doha. Or, le jugement de Kabila jette un froid. « S’ils veulent la paix, ils doivent d’abord dialoguer entre eux », s’insurge Bauma Safari, habitant de Goma. Sur le terrain, les combats reprennent autour de Rumangabo, et le M23 étend son emprise.

Un procès contesté et lourd de conséquences

Le jugement du 30 septembre soulève de lourdes questions. Joseph Kabila a été jugé par contumace, sans avocat, et devant un tribunal militaire. Or, les standards internationaux interdisent que des civils soient jugés par des juridictions militaires.

Pour de nombreux observateurs, ce procès ressemble moins à une quête de justice qu’à une stratégie politique pour écarter un rival influent. Le choix du moment renforce les doutes sur les motivations du pouvoir.

Au-delà du cas Kabila, l’enjeu dépasse la personne. Refuser un procès équitable à un ancien président crée un précédent dangereux pour tous les opposants. Ce verdict, s’il est exécuté, pourrait accentuer les vengeances politiques et fragiliser davantage la paix dans l’Est.

Alors que l’attention se concentre sur les combats contre le M23, une autre bataille se joue : celle de l’État de droit.

RDC-Rwanda : le 1er octobre, date clé pour la neutralisation des FDLR

WASHINGTON/KINSHASA – C’est une date qui pourrait marquer un tournant dans la sécurisation de l’Est de la République démocratique du Congo. Kinshasa et Kigali se sont accordés sur le 1er octobre 2025 comme point de départ des opérations de neutralisation des FDLR – les Forces démocratiques de libération du Rwanda, groupe armé hutu rwandais basé dans l’Est congolais – et de la levée des « mesures défensives » prises par le Rwanda. Cette échéance a été actée lors de la réunion du mécanisme conjoint de coordination sécuritaire, les 17 et 18 septembre à Washington, en présence des États-Unis, du Qatar, du Togo et de l’Union africaine.

Pour les médiateurs américains, le principal succès réside dans le simple maintien d’un cadre d’échange entre les deux capitales depuis la signature de l’accord de paix du 27 juin. Car sur le fond, les négociations ont été ardues, minées par des divergences d’interprétation persistantes.

Les points de blocage déminés un à un

La principale difficulté concernait la séquence des actions : la levée des mesures défensives rwandaises doit-elle être simultanée au lancement des opérations contre les FDLR ? Qui doit traquer ces combattants ? Comment agir contre les FDLR présents dans les zones sous contrôle du M23 ? Autant de questions épineuses qui ont été discutées pendant deux jours.

Face aux progrès limités sur le terrain, les parties ont convenu d’un Ordre opérationnel destiné à accélérer la mise en œuvre du « Concept des opérations ». Celui-ci doit entrer en vigueur dès le 1er octobre.

Une première phase préparatoire, loin des combats

Mais il ne faut pas s’attendre à des opérations militaires d’envergure dès le premier jour. La première phase consistera en des actions de préparation : sensibilisation des populations, planification tactique, coordination interarmées et échange de renseignements avec les partenaires internationaux. Les véritables combats contre les FDLR sont encore loin.

Un processus fragile dans un contexte volatile

L’Est de la RDC reste une poudrière. Malgré la signature de l’accord de Washington en juin et celle d’une déclaration de principe avec le M23 en juillet au Qatar, les violences persistent sur le terrain. La résurgence du M23, qui a pris Goma en janvier puis Bukavu en février, a encore complexifié la donne.

Le 1er octobre représente donc un premier pas – nécessaire, mais insuffisant – vers une paix durable. Reste à voir si les bonnes intentions affichées à Washington résisteront à la réalité du terrain. Pour des millions de Congolais, l’espoir est permis, mais la méfiance, de rigueur.

Nzibira tombe aux mains du M23 : un tournant stratégique au Sud-Kivu

La guerre pour le contrôle de l’Est de la RDC a connu un nouveau tournant critique ce dimanche 21 septembre. Les rebelles du M23 se sont emparés de la cité stratégique de Nzibira, dans le territoire de Walungu (Sud-Kivu), à l’issue de plusieurs heures de combats intenses contre les Forces armées de la RDC (FARDC) et leurs alliés, les combattants Wazalendo.

Dès le matin, les assaillants ont lancé une offensive multi-frontale, appuyée par des bombardements soutenus et l’usage de véhicules blindés, selon des sources locales et militaires. Les affrontements se sont rapidement étendus aux villages voisins de Cisaza, Cibanda, Muyange, Karhuliza et Kalongo, provoquant un déplacement massif de civils fuyant les violences.

Une perte stratégique et symbolique

La chute de Nzibira constitue un revers significatif pour l’armée congolaise. Cette cité n’est pas qu’un point géographique ; elle est un carrefour économique et militaire crucial, situé au cœur d’une zone riche en cassitérite et en or. Sa perte compromet les efforts de sécurisation de la région et offre au M23 un nouveau bastion d’où étendre son influence.

Les Wazalendo, qui participaient à la défense du secteur, ont justifié leur retrait par la nécessité de « préserver les vies des populations civiles ». Une argumentation qui peine à masquer la réalité tactique : la supériorité militaire momentanée des rebelles.

Le Nord-Kivu aussi sous pression

Dans le même temps, les FARDC ont tenté de reprendre l’initiative dans la province voisine du Nord-Kivu, en pilonnant plusieurs positions rebelles dans les territoires de Masisi et Walikale. Une offensive destinée à soulager la pression sur le Sud-Kivu et à déstabiliser les arrières du M23.

Samedi déjà, les responsables militaires de la 3e zone de défense avaient dénoncé une série d’attaques « ciblées et coordonnées » de la coalition RDF/AFC/M23 contre plusieurs localités des deux Kivu. Preuve que la rébellion mène une campagne concertée sur multiple fronts.

Une population prise en étau

Derrière les rapports militaires, c’est le drame humanitaire qui s’aggrave. Les habitants de Nzibira et des villages alentour ont fui en masse, sans aucun garantie de sécurité ni d’accès à l’aide humanitaire. Les organisations sur place redoutent une nouvelle crise des déplacés dans une région déjà saturée par des années de conflit.

La communauté internationale, souvent silencieuse, observe une nouvelle fois la situation se dégrader sans parvenir à imposer une solution politique ou militaire crédible.

La prise de Nzibira par le M23 n’est pas qu’une victoire tactique ; c’est un signal fort envoyé à Kinshasa et à la communauté internationale : la rébellion reste capable de prendre l’initiative, et la guerre est loin d’être terminée.

Nord-Kivu : les FARDC pilonnent les positions du M23 à Bibwe, les rebelles se renforcent

Le grondement des avions de guerre a réveillé le groupement de Bashali Mokoto aux aurores. Depuis ce vendredi 19 septembre, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) mènent une offensive d’envergure contre les positions de la rébellion du M23 autour de Bibwe, dans le territoire de Masisi. Des bombardements aériens ciblés ont été lancés pour disloquer les lignes adverses, alors que les renseignements congolais signalent un renforcement massif des rebelles dans la zone depuis jeudi.

Selon des sources militaires et locales, les combattants de l’AFC/M23 convergent depuis Kitshanga et Kalembe vers les localités de Minjenje, Bibwe, Malemo et Mpety. L’objectif de ce regroupement reste flou, mais il intervient au lendemain de la reprise par les FARDC des villages de Katobi et Luola, dans le groupement voisin de Kisimba (territoire de Walikale). Une perte stratégique qui semble avoir poussé les rebelles à consolider leurs positions dans le secteur de Bibwe.

Psychose et incertitude chez les civils

Les détonations de bombes et d’artillerie lourde ont plongé les habitants des villages environnants dans la panique. Beaucoup, habitués aux soubresauts violents de ce conflit qui n’en finit pas, redoutent une nouvelle escalade des combats – et avec elle, son cortège de déplacés et de destructions.

« On entend les avions et les explosions depuis le matin. Personne n’ose bouger. On vit dans la peur permanente », confie un habitant de Bashali contacté par téléphone.

Une offensive pour contrer un renforcement rebelle

Les récentes avancées des FARDC à Katobi et Luola avaient marqué un succès tactique certain. Mais le M23 semble déjà réagir en ramenant des troupes et en préparant une contre-offensive ou une défense en profondeur. La zone de Bibwe, carrefour d’accès vers plusieurs localités clés, constitue un enjeu militaire de taille.

En engageant l’aviation, les FARDC visent visiblement à frapper fort et vite, pour désorganiser les mouvements ennemis et empêcher la constitution d’un front stabilisé. Preuve que les opérations se professionnalisent, mais aussi que la guérilla pour le contrôle des territoires continue de plus belle.

La guerre de l’information, autre champ de bataille

Dans ce conflit où chaque camp communique autant par les armes que par la propagande, les versions peinent à coïncider. Les FARDC affirment mener une opération préemptive contre des « regroupements terroristes » ; le M23, de son côté, se présente souvent en posture défensive.

Une chose est sûre : la région reste un brasier sous cendres chaudes. Et chaque mouvement tactique, chaque bombe lâchée, chaque village repris ou perdu, influence l’équilibre précaire – et le destin de milliers de civils pris au piège.

La communauté internationale, elle, observe, s’alarme, mais peine à imposer une paix durable. En attendant, sur le terrain, c’est la loi des armes qui continue de parler.

Le M23 exhibe sa nouvelle armée, Kinshasa crie à la « mascarade » et saisit les médiateurs

 La scène avait des allures de provocation calculée. À Rumangabo, dans le Nord-Kivu, la rébellion du M23 a exhibé, ce mercredi, la fin de formation militaire de plus de 7 000 hommes. Des images de parade, diffusées largement, montrant des rangs serrés et une logistique apparente. La réaction de Kinshasa n’a pas tardé : le gouvernement va porter l’affaire devant les médiations américaine et qatarie, estimant « inacceptable » qu’un groupe engagé dans des pourparlers de paix se livre à de telles démonstrations de force.

« Il ne faut pas vous fier à toute cette campagne que vous voyez », a tonné Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, lors d’un point presse hebdomadaire. « Nous savons tous que c’est la brigade avancée de l’armée rwandaise. Dans ce que j’ai vu, il y a sûrement des enfants, des prisonniers et tout ce qui ne devrait normalement pas figurer sur ce montage grossier. »

Des recrues forcées et des prisonniers utilisés comme figurants ?

L’accusation est grave. Selon des sources proches du dossier, une grande partie des hommes présentés comme de « nouveaux recrues » seraient en réalité des militaires et policiers capturés à Goma et Bukavu, puis contraints à endosser l’uniforme rebelle. Or, ces mêmes personnels sont officiellement listés comme prisonniers devant être échangés dans le cadre du mécanisme de confiance du processus de Doha.

« Un Congolais qui aime sa patrie ne peut s’allier avec ceux qui n’ont pour seul dessein que de tuer, intimider », a insisté Muyaya, dépeignant une situation d’« horreur » dans les zones sous occupation rebelle.

Doha : des discussions qui patinent dans le sang

Alors que les délégués des deux parties poursuivent tant bien que mal leurs discussions à Doha sous l’égide du Qatar, la réalité sur le terrain est tout autre. Les violations du cessez-le-feu se multiplient, chaque camp rejetant la faute sur l’autre. La mise en œuvre des mesures de confiance, dont l’échange des prisonniers, est au point mort.

Pire : cette exhibition militaire à Rumangabo semble torpiller délibérément l’esprit des déclarations de principes signées à Doha et à Washington. « Tous les actes qui violent cet esprit sont rapportés », a prévenu le porte-parole, laissant entendre que Kinshasa pourrait revoir son engagement dans des pourparlers qu’il juge désormais piégés.

La guerre de la communication, avant-coureur d’une reprise des combats ?

Cette parade n’est pas qu’une démonstration de force ; c’est aussi un coup médiatique. Le M23, en montrant sa capacité à former massivement et rapidement, envoie un message clair à Kinshasa et à la communauté internationale : nous sommes prêts à durer, et à combattre.

La réponse de Kinshasa, par la voix de Muyaya, est tout aussi claire : nous ne sommes pas dupes, et nous utiliserons tous les canaux diplomatiques pour dénoncer la supercherie.

Reste que sur le front, les tensions sont palpables. Les accrochages se intensifient, la rhétorique se durcit, et la confiance, déjà ténue, s’effrite davantage. L’exhibition de Rumangabo pourrait bien être le prélude non pas d’une paix retrouvée, mais d’une nouvelle escalade meurtrière dans l’Est congolais. Le processus de Doha vit ses heures les plus critiques.