RDC-Rwanda : Paix Fragile et Mines en Jeu après Washington

Dans une interview récente, Donald Trump avait déclaré : « J’ai mis fin à la guerre entre le Congo et le Rwanda. Ils m’ont dit : ‘S’il vous plaît, nous aimerions que vous veniez prendre nos minérales.’ Et c’est ce qu’on va faire. » Une déclaration choc, qui mêlait paix, prospérité économique et ambitions stratégiques américaines, et qui relançait le débat sur le véritable moteur de l’accord RDC-Rwanda signé à Washington.

Mais derrière cette communication triomphante se cachait une réalité plus nuancée. Paul Kagame, dans une interview exclusive à Al Jazeera, avait révélé que c’était en réalité la RDC qui avait initié les négociations à Doha et à Washington, et non le Rwanda. Le président rwandais avait émis un scepticisme implicite sur les intentions de Tshisekedi, accusé d’avoir tenté d’orienter le processus à son avantage, tout en soulignant la qualité des ressources minières rwandaises et en rejetant les accusations d’exploitation des minerais congolais.

Ce contraste posait une question centrale : la paix entre Kinshasa et Kigali était-elle un véritable succès diplomatique ou servait-elle surtout des intérêts économiques et géostratégiques ?

Les États-Unis, eux, avaient affiché une stratégie claire : sécuriser l’accès aux minerais stratégiques de la RDC, réorienter les corridors logistiques vers l’Ouest pour contrer l’influence chinoise et inscrire durablement la région dans leurs chaînes d’approvisionnement. Du tungstène rwandais de haute qualité au lithium et cobalt congolais, chaque ressource devenait un levier économique et stratégique, tandis que Kinshasa et Washington bâtissaient une réserve stratégique d’actifs miniers.

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Derrière les discours sur la paix, c’était un véritable ballet diplomatique et économique qui se jouait, mêlant rivalités sino-américaines, ambitions locales et enjeux régionaux. Tshisekedi, au centre de ce dispositif, devait transformer ce fragile équilibre en levier de développement national, prouvant sa crédibilité et sa capacité à gérer ses ressources.

Une paix déjà ébranlée

À peine cinq jours après la signature de l’accord, la ville stratégique d’Uvira était tombée aux mains du M23, un groupe soutenu par le Rwanda. Le 8 décembre, dans son septième discours sur l’état de la Nation, Félix Tshisekedi avait dénoncé avec vigueur les attaques provenant de Bugarama, qu’il qualifiait de violation flagrante du cessez-le-feu. « Au lendemain même de la signature, des unités des Forces de défense du Rwanda avaient conduit et appuyé des attaques à l’arme lourde tirées depuis la ville rwandaise de Bugarama, provoquant de lourds dégâts humains et matériels », avait-il déclaré, accusant directement Kigali de trahir ses engagements pris à Washington.

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De son côté, Paul Kagame, face aux nouveaux membres de son gouvernement, avait rejeté fermement ces accusations. Il avait pointé la présence de troupes burundaises en RDC et défendu la légitimité de la défense rwandaise. Selon lui, le Rwanda n’avait fait que répondre à un vide sécuritaire, et ce n’était pas à son pays d’assumer les problèmes régionaux. Cette contre-offensive diplomatique illustrait un double récit : Tshisekedi parlait de trahison, Kagame de légitime défense.

L’accord RDC-Rwanda, présenté comme un cadre de paix et de prospérité, apparaissait donc déjà comme fragile. Entre les ambitions minières, les enjeux stratégiques américains et les tensions sur le terrain, la paix signée à Washington semblait déjà mise à l’épreuve.

La signature à Washington avait marqué un tournant historique, mais la réalité sur le terrain révélait que la paix était, pour l’instant, un échec concret. Entre intérêts économiques, rivalités régionales et violations du cessez-le-feu, la région des Grands Lacs montrait que la diplomatie seule ne suffisait pas à garantir la stabilité.

Sud-Kivu : le bilan monte à 413 morts après l’offensive sur Uvira

Le mercredi 10 décembre 2025 résonne comme un sombre paradoxe. Jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a été marqué par des bombardements et des violences à Uvira. Le lendemain, le 11 décembre, le gouvernement provincial du Sud-Kivu a livré un bilan provisoire glaçant : 413 morts, dont des femmes et des enfants, dans les combats liés à la prise de cette ville stratégique par l’AFC/M23, appuyée selon Kinshasa par l’armée rwandaise.

Une offensive éclair et ses conséquences humaines

Ce chiffre illustre l’ampleur de l’attaque lancée sur Uvira, ville portuaire cruciale du Sud-Kivu. Les autorités congolaises qualifient ces attaques de « tentative d’occupation ». Elles ont transformé la cité en champ de bataille et violé le cessez-le-feu prévu par l’accord de paix signé seulement six jours plus tôt, le 4 décembre.

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Au-delà des pertes humaines, la crise est humanitaire. Kinshasa avait déjà signalé près de 200 000 déplacés en quelques jours. L’entrée du M23 à Uvira a précipité un exode massif, poussant des milliers de familles vers la frontière burundaise. Les secours tentent de s’organiser dans un climat d’extrême tension, tandis que la situation reste instable.

Pression diplomatique et inquiétude internationale

Face à l’escalade, les réactions officielles se durcissent. Kinshasa exige le retrait immédiat des forces rwandaises et des combattants de l’AFC/M23 autour d’Uvira. Le gouvernement appelle aussi la communauté internationale à exercer une pression diplomatique. Les autorités accusent Kigali d’avoir « violé » l’accord de paix récemment parrainé par l’ancien président américain Donald Trump.

Les Nations unies, via leur coordonnateur humanitaire en RDC, expriment une « vive inquiétude » face à la situation au Sud-Kivu. Elles rappellent les violations documentées, y compris les violences sexuelles, soulignant la dimension systématique et cruelle de l’attaque.

Le bilan d’Uvira reste provisoire. Pourtant, il dessine déjà l’une des pages les plus sombres du conflit cyclique qui frappe l’Est congolais, écrite le jour même où le monde célèbre les droits de l’homme.

L’ancien député Daniel Safu rejoint l’AFC/M23

L’annonce est tombée ce jeudi comme une onde de choc dans le paysage politique déjà fracturé de la République démocratique du Congo. Daniel Safu Butupe, ancien député national de Kinshasa élu sous la bannière d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, a officialisé son ralliement à l’Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23). Cette décision intervient seulement quelques jours après la chute stratégique d’Uvira. Elle semble dessiner une nouvelle carte des allégeances dans un Est en pleine tourmente.

Un ralliement motivé par des enjeux humanitaires et sécuritaires

Lors d’une interview exclusive accordée à un média local, l’ancien élu explique son virage par des raisons humanitaires et sécuritaires. Il affirme vouloir « protéger les populations abandonnées par Kinshasa » et « mettre fin à l’insécurité et aux exactions » dans la région du Kivu. Ces propos frappent directement le gouvernement central, souvent accusé de délaisser l’Est du pays.

Le parcours de Daniel Safu Butupe renforce la portée symbolique de ce ralliement. Proche un temps de la coalition Lamuka, il avait été invalidé par la Cour constitutionnelle avant de retrouver son siège après une longue bataille judiciaire. Cette épreuve avait déjà marqué son divorce avec les institutions. Ensuite, après avoir quitté le parti de Moïse Katumbi, il avait rejoint « Sauvons la RDC » de Joseph Kabila, avant de rejoindre aujourd’hui l’AFC/M23.

Une stratégie politique et militaire coordonnée

Ce ralliement s’inscrit dans la stratégie plus large du mouvement rebelle. L’AFC/M23 cherche à élargir sa base politique et à légitimer son action en attirant des élus et des cadres, tant dans les zones contrôlées que hors de celles-ci. La venue d’une figure politique de Kinshasa constitue un revers psychologique et médiatique pour le pouvoir central. Cette situation survient au moment où les combats s’intensifient et où la communauté internationale s’inquiète.

En pleine offensive militaire dans le Sud-Kivu et au lendemain de la prise d’Uvira, l’AFC/M23 envoie un signal clair. Sa lutte ne se limite pas aux champs de bataille : elle gagne aussi l’arène politique. Ainsi, la question se pose maintenant à Kinshasa : ce ralliement restera-t-il isolé ou déclenchera-t-il d’autres défections ? Le climat reste tendu, et la défiance envers la capacité de l’État à pacifier l’Est grandit.

Pendant que des centaines de milliers de civils fuient les combats, le jeu des alliances politiques bascule. Daniel Safu Butupe vient de franchir une ligne. Son choix pourrait résonner bien au-delà des frontières du Kivu.

Uvira : l’offensive qui a torpillé l’accord de Washington

Kinshasa / Uvira — Le calendrier est brutal. Six jours seulement après la signature solennelle de l’accord de paix de Washington, la ville d’Uvira, au Sud-Kivu, est tombée ce mercredi 10 décembre sous le contrôle de la coalition AFC/M23. Une offensive éclair qui a provoqué un exode massif de plus de 200 000 personnes et plongé la région dans une escalade qualifiée de « dramatique » par Kinshasa.

Dans un communiqué cinglant, le gouvernement congolais a dénoncé une offensive généralisée menée par les Forces de défense du Rwanda (RDF) et le M23 sur l’axe Kamanyola-Uvira. Il accuse l’armée rwandaise d’avoir utilisé des drones kamikazes et d’autres armes « tactiques », causant des pertes civiles considérables et violant ouvertement le cessez-le-feu. Pour Kinshasa, le président rwandais Paul Kagame a « tourné le dos » à l’accord à peine une semaine après l’avoir signé.

Cette prise de contrôle rapide, intervenue après celles de Goma et Bukavu, n’est pas le fruit du hasard. Elle soulève une question stratégique centrale : quelles sont les intentions réelles de l’AFC/M23 en lançant une telle offensive au mépris d’un accord de paix à peine inké ?

Plusieurs lectures émergent des milieux d’experts et d’observateurs du conflit. La première pointe l’absence de confiance et de sincérité entre les signataires dès l’origine. Selon plusieurs sources, la signature à Washington aurait été le résultat d’une forte pression de l’ancien président américain Donald Trump, sans engagement véritable des parties.

La deuxième explication, avancée par l’AFC/M23 elle-même, est d’ordre militaire : il s’agirait de « neutraliser l’équation burundaise ». Le groupe armé considère le Burundi comme une base arrière stratégique des FARDC, fournissant un appui logistique, opérationnel et même aérien. Prendre Uvira, ville frontalière, reviendrait à couper cette ligne de soutien, comme cela a été fait précédemment avec les troupes de la SADC.

La troisième lecture est politique et diplomatique. En démontrant sa puissance militaire, l’AFC/M23 chercherait à forcer la main de Kinshasa dans les négociations en cours, notamment dans le cadre du processus de Doha. L’objectif : obtenir des concessions plus larges et une reconnaissance de son rapport de force sur le terrain.

Face à cette avancée, Kinshasa se retrouve à un carrefour. Va-t-il lancer une contre-offensive militaire risquée, ou accentuer la pression diplomatique sur les garants des processus de Washington et de Doha ? La réponse déterminera non seulement le sort d’Uvira, mais aussi l’équilibre précaire de toute la région des Grands Lacs, déjà secouée par des tirs d’artillerie ayant franchi la frontière burundaise.

Alors que les humanitaires tentent de faire face à un afflux de déplacés dans des conditions précaires, une chose est certaine : la prise d’Uvira n’est pas une fin en soi. C’est un coup stratégique dont les répercussions – militaires, politiques et humaines – sont encore en train d’écrire l’avenir tourmenté de l’Est de la RDC.

Corneille Nangaa défie l’ONU et accuse le Burundi d’alimenter la crise en RDC

Lors d’une conférence de presse tenue mardi après-midi à Goma, le coordonnateur de l’AFC/M23, Corneille Nangaa, a vivement contesté les conclusions du groupe d’experts de l’ONU, selon lesquelles les principaux cadres du mouvement seraient de nationalité rwandaise. Pour lui, ces allégations sont infondées et ne reflètent ni la réalité du terrain ni la nature du mouvement.

« C’est une blague », a tranché Nangaa, refusant même d’aborder les chiffres avancés par l’ONU, qui évoque la présence de 6 000 à 7 000 soldats rwandais aux côtés du M23 dans le Nord et le Sud-Kivu.

Face aux accusations d’attaques contre le Burundi, Nangaa se veut catégorique :
« Nous n’avons aucun intérêt à nous attaquer au Burundi. C’est au Burundi d’arrêter de nous attaquer. Notre cause est congolaise. »
Il accuse directement Bujumbura d’avoir pris « la lourde responsabilité » d’un engagement militaire contre les populations du Kivu, se demandant :
« Pourquoi nos frères burundais s’invitent-ils dans un conflit qui ne leur appartient pas ? »

Tout en dénonçant ces ingérences, Corneille Nangaa affirme que l’AFC/M23 reste attachée à la voie politique pour résoudre la crise RDC M23. Selon lui, cette crise est « avant tout interne » et nécessite des solutions profondes aux problèmes structurels du pays, « avec ou sans Félix Tshisekedi » à la tête de l’État.

Sur le plan militaire, Nangaa accuse le gouvernement congolais d’avoir violé le cessez-le-feu en vigueur à 31 reprises entre juillet et novembre 2025. Il parle d’une « guerre brutale » lancée simultanément sur plusieurs fronts, avec la complicité du Burundi, où la province de Cibitoke servirait — selon lui — de base arrière aux opérations d’envergure menées contre l’AFC/M23.

Le coordonnateur dit avoir rendu publics plusieurs incidents pour prouver ces attaques et alerter la communauté internationale.

En conclusion, Nangaa repose la même question :
« Pourquoi le Burundi s’invite-t-il dans une crise interne de la RDC ? »

Uvira tombée, le flot des déplacés submerge le Burundi

Des milliers de personnes ont franchi la frontière ces derniers jours, fuyant l’avancée des combattants de l’AFC/M23 à Uvira, mercredi 10 décembre. Silhouettes courbées sous le poids de ballots précipités, ces civils cherchent un refuge immédiat. La frontière burundaise s’est rapidement transformée en un espace d’accueil, étroit mais vital.

L’urgence humanitaire sur le terrain

Sur place, l’urgence est totale. Les équipes du HCR et de l’Office national burundais de protection des réfugiés (ONPRA) se mobilisent pour organiser les arrivées et protéger les déplacés. À Musenyi, une mission de l’agence européenne ECHO a constaté plus de 10 000 réfugiés dans des abris de fortune. Les conditions y restent « très précaires », surtout pour les personnes handicapées. Les humanitaires insistent : le soutien des donateurs est « vital » pour garantir un minimum de dignité.

Premières relocalisations à Bweru

À Bweru, le gouvernement burundais a ouvert un site pour accueillir les familles. Sur place, la mission conjointe constate que le terrain reste à aménager. Les premières relocalisations volontaires depuis le camp de transit de Ndava ont commencé, avec l’installation des premiers abris d’urgence. Le HCR qualifie ce geste de « pas décisif, humain et nécessaire », tout en rappelant que « les besoins restent immenses ».

Cet afflux s’ajoute à une situation déjà critique. Le Burundi héberge actuellement plus de 100 000 personnes déplacées, dont environ 91 000 réfugiés et demandeurs d’asile, majoritairement congolais. La situation se complique après de nouvelles arrivées début 2025 et des milliers de demandes d’asile l’année précédente.

Fermeture de la frontière et tensions sécuritaires

La prise d’Uvira a provoqué un choc sécuritaire jusqu’à Bujumbura. Selon des sources burundaises, le pays aurait fermé sa frontière avec la RDC après l’avancée du M23, un groupe soutenu, selon l’ONU et plusieurs pays occidentaux, par l’armée rwandaise. Cette mesure vise à protéger le territoire face aux combattants à ses portes.

Cependant, le ministre burundais des Affaires étrangères, Edouard Bizimana, a démenti cette fermeture. Sur le terrain, les mouvements de civils semblent désormais canalisés et contrôlés, traduisant une fermeture de facto, officielle ou non.

Alors que le M23 consolide sa prise sur Uvira, la crise humanitaire s’aggrave. Des milliers de vies dépendent désormais de la capacité du Burundi à leur tendre la main. La réponse de la communauté internationale reste cruciale, alors que le monde détourne parfois le regard.

Tshisekedi : « Le Rwanda attaque déjà après l’accord de Washington »

Le président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi, a prononcé ce lundi 8 décembre 2025 son septième discours sur l’état de la Nation devant le Parlement réuni en Congrès. Dans une adresse forte et émotionnelle, il a dénoncé de nouvelles attaques attribuées au Rwanda survenant « au lendemain même » de la signature de l’accord de paix de Washington, et réaffirmé avec fermeté la souveraineté congolaise sur ses minerais stratégiques.

« Au lendemain même de la signature, des attaques depuis Bugarama »

Le chef de l’État a condamné avec une sévérité rare les « nouvelles attaques menées depuis la ville rwandaise de Bugarama contre les populations congolaises de Katogota et des localités environnantes, dans la province du Sud-Kivu ». Il a parlé d’une « violation flagrante du cessez-le-feu », pourtant établi après la signature de l’accord de paix de Washington le 4 décembre.

« Au lendemain même de la signature, des unités des Forces de défense du Rwanda ont conduit et appuyé des attaques à l’arme lourde tirées depuis la ville rwandaise de Bugarama, provoquant de lourds dégâts humains et matériels », a déclaré Tshisekedi, accusant ainsi directement Kigali de trahir ses engagements pris à Washington.

« Une guerre d’agression par procuration » pour les minerais

Le président congolais a livré une analyse sans concession des motivations du conflit : « Qu’on ne s’y trompe pas : nous ne sommes ni face à un simple conflit communautaire, ni devant une rébellion interne de plus. Il s’agit d’une guerre d’agression par procuration visant à contester notre souveraineté sur un espace hautement stratégique, riche en minerais critiques ».

Tshisekedi a décrit les actions du M23 soutenu par le Rwanda comme « une entreprise organisée de prédation de nos ressources naturelles et de déstabilisation de nos institutions », accompagnée de « violations graves et systématiques des droits humains : exécutions sommaires des civils innocents, violences sexuelles érigées en méthode de combat et déplacements forcés de communautés entières ».

Washington : « Aucun partage de notre souveraineté »

Face aux interrogations sur la portée des accords de Washington, le président a tenu à rassurer : « Permettez-moi d’être parfaitement clair : ces accords ne consacrent aucune forme de partage de notre souveraineté. Ils ne valident ni les prétentions territoriales de qui que ce soit, ni le bradage de nos ressources. »

Il a ajouté avec fermeté : « Ils ne sauraient non plus être interprétés comme une amnistie déguisée des crimes perpétrés contre notre peuple. La justice suivra son cours, avec rigueur, jusqu’au bout, et sans complaisance. »

Quatre priorités pour la paix

Le chef de l’État a énoncé quatre priorités pour sortir de la crise :

  1. « Obtenir le retrait total et vérifiable de toute force armée étrangère opérant sur notre territoire »

  2. « Couper les circuits financiers et logistiques de la violence » en éradiquant l’exploitation illicite des ressources

  3. « Assurer la protection effective des civils », particulièrement femmes et enfants

  4. « Ancrer la paix dans la durée » par une combinaison de fermeté sécuritaire et de développement local

Hommage aux victimes et appel à l’unité

Dans un moment d’émotion, Tshisekedi s’est incliné « devant la mémoire de toutes les victimes des conflits et des violences qui ont, encore cette année, endeuillé nos familles, particulièrement à l’Est de la République ». Aux déplacés et blessés, il a assuré : « Votre souffrance ne nous est ni étrangère ni indifférente ; l’État est, et restera à vos côtés. »

Il a conclu par un appel à l’unité nationale : « Notre histoire nous a appris deux choses simples : nous ne sommes jamais condamnés et nous ne sommes grands que rassemblés. […] Choisissons un Congo qui n’attend plus, mais qui avance — en paix, en justice et en solidarité. »

Ce discours intervient dans un contexte de tension extrême entre Kinshasa et Kigali, malgré la signature récente de l’accord de Washington. Les accusations directes de Tshisekedi contre le Rwanda, ainsi que sa ferme défense de la souveraineté congolaise sur les minerais, montrent que la route vers la paix reste semée d’obstacles, malgré les efforts diplomatiques internationaux.

Washington éclaboussé : l’ONU accuse le Rwanda et le M23 d’exactions en RDC

Alors que l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, signé jeudi 4 décembre à Washington, est encore frais dans les mémoires, un rapport explosif des Nations unies vient jeter une lumière crue sur la réalité du terrain. Consulté par l’AFP et révélé ce lundi 8 décembre, ce document d’experts onusiens affirme que le M23 et l’armée rwandaise (RDF) ont commis des exécutions sommaires, des destructions de villages et provoqué des déplacements massifs dans l’Est de la RDC – des conclusions qui contredisent brutalement l’esprit de l’accord de paix.

Des accusations graves qui fragilisent l’accord de Washington

Le rapport semestriel du groupe d’experts de l’ONU dresse un tableau accablant de la situation dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon ses conclusions, les Forces armées rwandaises (RDF) ont directement participé aux opérations du M23, officiellement menées contre les FDLR. Les experts affirment que soldats rwandais et combattants du M23 ont « systématiquement détruit et incendié » des habitations civiles, ciblant notamment des civils hutu jugés proches des FDLR.

Ces révélations interviennent à un moment particulièrement sensible : quatre jours seulement après la signature solennelle à Washington d’un accord présenté comme « un pas décisif vers la résolution du conflit ». Le contraste entre les engagements de paix et les pratiques décrites par l’ONU est saisissant.

6 000 à 7 000 soldats rwandais toujours en RDC selon l’ONU

L’un des éléments les plus accablants du rapport concerne l’estimation de la présence militaire rwandaise en RDC. Les experts onusiens affirment qu’entre 6 000 et 7 000 militaires rwandais – soit au moins deux brigades et deux bataillons de forces spéciales – sont toujours présents dans les deux provinces congolaises. Cette estimation contredit directement les dénégations répétées de Kigali, qui nie toute présence officielle de ses troupes en RDC.

Cette présence massive, si elle est confirmée, remet en question la sincérité des engagements rwandais dans l’accord de Washington, qui prévoit précisément le retrait des forces étrangères du territoire congolais.

Le M23, « principal auteur » des violations des droits humains

Le rapport confirme et précise les précédentes accusations contre le M23. Début août, les Nations unies avaient déjà accusé le groupe d’avoir tué 319 civils dans le Nord-Kivu. Le nouveau document établit que, entre avril et octobre 2025, le M23 est considéré comme le « principal auteur » des violations des droits humains en RDC, responsable notamment de 45 % des exécutions sommaires recensées.

Les experts dénoncent également une campagne de « recrutement forcé systématique » menée par le groupe dans toutes les zones qu’il contrôle. Ces pratiques violent clairement les principes de protection des civils que l’accord de Washington est censé renforcer.

Kinshasa également épinglé pour sa coopération avec les FDLR

Le gouvernement congolais n’échappe pas aux critiques des experts onusiens. Malgré ses engagements pris dans l’accord de Washington, Kinshasa « a continué à coopérer avec le FDLR », assurent les auteurs du rapport. Cette accusation complique la position diplomatique de la RDC, qui exige du Rwanda qu’il cesse son soutien au M23 tout en maintenant elle-même des relations avec un groupe que Kigali considère comme une menace existentielle.

Un accord de Washington déjà mis à l’épreuve

Ces révélations plongent l’accord de Washington dans une crise de crédibilité précoce. Comment croire à un processus de paix alors que, selon l’ONU, l’une des parties signataires (le Rwanda) maintient des milliers de soldats sur le territoire de l’autre et participe directement à des exactions contre les civils ?

La publication de ce rapport risque de raviver les tensions diplomatiques à un moment où les mécanismes de mise en œuvre de l’accord de Washington commencent à peine à se mettre en place. Elle pose également la question de l’efficacité des processus de paix conclus loin du terrain, sans prise en compte réelle des dynamiques locales.

L’Est de la RDC, entre espoirs de paix et réalité de la guerre

Alors que le M23 contrôle désormais de vastes territoires et la ville stratégique de Goma, l’Est de la RDC reste au cœur d’un conflit régional aux ramifications profondes et persistantes. Les conclusions du rapport de l’ONU rappellent cruellement que, malgré les signatures protocolaires, la guerre continue de faire des victimes et que les mécanismes de violence restent profondément ancrés.

La balle est désormais dans le camp des signataires de l’accord de Washington et de la communauté internationale : ignorer ces révélations ou en tenir compte pour exiger des changements concrets sur le terrain ? La réponse à cette question déterminera si l’accord de Washington restera une feuille de papier ou deviendra véritablement un instrument de paix.

Burundi : le M23 accusé d’avoir bombardé le territoire burundais

Les violents combats qui ensanglantent depuis cinq jours la plaine de la Ruzizi, dans l’est de la République démocratique du Congo, ont franchi une dangereuse étape : l’internationalisation du conflit. Ce vendredi, le Burundi a formellement dénoncé un bombardement de l’AFC/M23 sur son territoire, tandis que la rébellion accuse réciproquement Bujumbura de frappes en RDC.

Le Burundi victime d’un « acte inacceptable »

Le ministre burundais des Affaires étrangères, Edouard Bizimana, a lancé une accusation grave : « Les terroristes de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda ont largué une bombe sur le territoire burundais ce 4/12/2025 ». Une déclaration qui intervient alors que les combats font rage à la frontière entre les deux pays.

Selon des sources locales, des bombes tirées à partir de la RDC ont effectivement touché la province burundaise de Cibitoke, frontalière avec le Sud-Kivu congolais. Face à cette escalade, le chef de la diplomatie burundaise a averti : « Une telle provocation est inacceptable et des actions appropriées seront prises pour protéger la population burundaise ».

Contexte : l’engagement militaire burundais en RDC

Cette accusation survient alors que l’armée burundaise prend part aux combats sur le sol congolais aux côtés des Forces armées de la RDC (FARDC) et des miliciens Wazalendo. Cet engagement s’inscrit dans le cadre d’un accord bilatéral de défense signé entre Kinshasa et Bujumbura, qui autorise la présence de troupes burundaises en RDC pour lutter contre les groupes armés.

Le Burundi, qui partage avec la RDC une frontière longue et poreuse dans la région des Grands Lacs, considère la stabilité de l’est du Congo comme cruciale pour sa propre sécurité. La province frontalière de Cibitoke a déjà été le théâtre d’incursions de groupes armés opérant depuis la RDC par le passé.

Le M23 contre-accuse le Burundi

Dans un rebondissement typique des conflits complexes de la région, la rébellion de l’AFC/M23 a immédiatement répliqué aux accusations burundaises. Ce vendredi, elle a dénoncé des « bombardements en RDC, coordonnés et menés à partir du territoire burundais ».

Selon le M23, ces frappes seraient « à l’origine des déplacements massifs des populations civiles fuyant pour se réfugier à Bukavu et au Rwanda ». La rébellion, qui contrôle actuellement plusieurs zones du Sud-Kivu, présente ainsi le Burundi comme l’agresseur, inversant les rôles décrits par Bujumbura.

Une escalade dangereuse dans un contexte diplomatique fragile

Cette double accusation croisée intervient à un moment particulièrement sensible sur le plan diplomatique. Elle survient en effet quelques heures seulement après la signature solennelle à Washington de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, censé apaiser les tensions régionales.

Le fait que des bombardements traversent la frontière RDC-Burundi montre à quel point la dynamique militaire sur le terrain échappe au contrôle des processus diplomatiques. Alors que Washington célèbre un accord de paix, les armes continuent de parler dans la plaine de la Ruzizi, avec désormais un risque avéré de régionalisation du conflit.

Les conséquences humanitaires : un nouvel exode de populations

Les combats intenses de ces cinq derniers jours ont déjà provoqué des déplacements massifs de populations. Des milliers de civis fuient les zones de combat, cherchant refuge soit à Bukavu, capitale du Sud-Kivu, soit au Rwanda voisin, soit au Burundi lui-même.

Cette situation crée une crise humanitaire complexe dans une région déjà éprouvée par des décennies de conflits cycliques. Les organisations humanitaires peinent à atteindre les populations affectées, les lignes de front étant mouvantes et les conditions de sécurité extrêmement précaires.

Perspectives inquiétantes

L’extension des combats au territoire burundais marque un tournant dangereux dans ce conflit. Elle risque de déclencher une spirale de représailles entre le Burundi et le M23 (et potentiellement son soutien rwandais présumé), menaçant de déstabiliser toute la sous-région.

La réaction de Bujumbura – qui promet des « actions appropriées » – laisse craindre une escalade militaire supplémentaire. Dans le même temps, la contre-accusation du M23 contre le Burundi complique encore la recherche d’une solution diplomatique.

Cette nouvelle crise frontalière montre une fois encore que, malgré les signatures d’accords dans les capitales étrangères, la paix dans l’est de la RDC reste un objectif lointain. Les combats dans la plaine de la Ruzizi, avec leurs retombées transfrontalières, rappellent cruellement que la guerre a sa propre logique, souvent imperméable aux efforts de diplomatie internationale.

Accord RDC-Rwanda signé à Washington : pourquoi les combats continuent-ils au Sud-Kivu ?

Ce jeudi 4 décembre 2025, dans une atmosphère de glace diplomatique au bureau ovale de la Maison Blanche, une scène pour le moins étrange s’est déroulée. Les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont signé l’accord de paix tant attendu entre la RDC et le Rwanda, mais sans échanger la moindre poignée de main, sans sourire, dans une froideur protocolaire qui en disait long sur l’état réel des relations. Pendant que les deux dirigeants exhibaient fièrement le document signé, une réalité bien plus brutale s’imposait à des milliers de kilomètres de là : les combats s’intensifiaient au Sud-Kivu.

Une signature sous haute tension, une paix déjà mise à l’épreuve

La cérémonie de Washington avait tout du rituel diplomatique forcé. Les images des deux présidents évitant soigneusement tout contact physique, se contentant de brandir l’accord pour les photographes, ont circulé dans le monde entier. Cette froideur visible pose question : peut-on vraiment bâtir une paix durable sur une telle méfiance affichée ?

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À Kinshasa pourtant, l’enthousiasme officiel contraste violemment avec cette scène. André Mbata, secrétaire de l’Union Sacrée, appelle à « célébrer » et à réserver un accueil triomphal au président Tshisekedi à l’aéroport de N’djili, le saluant comme « l’artisan de la fin de 30 ans de conflit ». Mais cet enthousiasme sonne étrangement creux face aux informations qui remontent du terrain.

Le M23, l’absent gênant de l’accord de Washington

Pourquoi l’accord de Washington élude-t-il si soigneusement la question du M23 ? Cette rébellion, que plusieurs rapports internationaux lient à Kigali, constitue pourtant le cœur du conflit à l’Est de la RDC. La position du président kényan William Ruto – « Le M23 n’est pas un problème du Rwanda, c’est une affaire entre Congolais » – offre une échappatoire commode à Kagame, mais elle ne résout rien sur le terrain.

Les accords de Doha, négociés entre la RDC et le M23 sous médiation qatarie, prévoyaient pourtant un cadre précis : cessez-le-feu permanent, déclaration de principes, feuille de route avec 8 protocoles couvrant tous les aspects du conflit. Mais ces engagements restent largement théoriques, et la réalité sur le terrain leur donne un cruel démenti.

Sur le terrain, la guerre continue son cours implacable

Neuf heures seulement après la signature solennelle de Washington, la brutalité de la guerre reprenait ses droits. Ce vendredi à 9h00, le village de Luvungi était sous contrôle des FARDC tandis que Katogota jusqu’à Kamanyola restait aux mains du M23. Vers Kamanyola, une antenne de télécommunication venait d’être touchée par une bombe.

Les habitants de Luvungi, paniqués, fuyaient vers Uvira, certains se dirigeant vers le Rwanda ou le Burundi. Des enfants, des femmes, des personnes à mobilité réduite marchaient sur les routes, fuyant des combats qui, contrairement aux déclarations diplomatiques, ne montraient aucun signe d’apaisement.

Le double jeu décomplexé et ses complices internationaux

Les événements des dernières heures illustrent ce que des observateurs appellent le « double jeu décomplexé » de Paul Kagame : signer la paix à Washington tout en maintenant la pression militaire via le M23. Cette stratégie lui permet de répondre aux exigences diplomatiques américaines sans lâcher ses leviers sur le terrain.

Mais ce double jeu semble trouver des complicités surprenantes. Comment expliquer que Bruxelles, tout en dénonçant régulièrement Kigali, s’apprête à lui octroyer 1 milliard d’euros via le Global Gateway ? Cette contradiction alimente les critiques les plus sévères : « En RDC les massacres continuent, et l’Europe finance les coupables », dénoncent certains analystes.

Deux processus parallèles qui s’ignorent

La coexistence des processus de Washington (entre États) et de Doha (avec le M23) crée une situation de schizophrénie diplomatique. Washington règle les relations interétatiques, Doha traite des questions internes congolaises, mais aucun mécanisme ne relie véritablement les deux processus. Cette disjonction risque de faire échouer les deux initiatives, car la paix ne peut être sectorisée : elle doit être globale ou elle ne sera pas.

Pendant ce temps, comme le constate amèrement un humanitaire sur place, « les combats s’intensifient, les déplacés se multiplient ». La signature de Washington apparaît de plus en plus comme un écran de fumée diplomatique, permettant à chaque partie de revendiquer des avancées de paix tandis que la guerre continue de ravager l’Est congolais.

L’accueil triomphal préparé pour Tshisekedi à Kinshasa risque de sonner cruellement faux face aux images de civils fuyant les combats au Sud-Kivu. La question n’est plus de savoir si l’accord de Washington peut apporter la paix, mais combien de temps il survivra à la contradiction flagrante entre les signatures solennelles et les bombes qui continuent de tomber.

La paix dans les Grands Lacs ne se signera pas dans le bureau ovale, mais dans les collines du Kivu. Et pour l’instant, ces collines résonnent encore du bruit des armes, malgré les beaux discours de Washington et les célébrations prévues à Kinshasa. La véritable épreuve de cet accord ne sera pas son existence sur papier, mais sa capacité à faire taire, enfin, les armes à l’Est de la RDC.

Le jeu d’échecs de Washington : comment les États-Unis veulent désamorcer la bombe des Grands Lacs

Jeudi 4 décembre 2025, Washington s’apprête à réécrire l’histoire des Grands Lacs africains. Dans le Bureau ovale, Donald Trump recevra Antoine Tshisekedi et Paul Kagame pour une rencontre présentée comme décisive pour l’Afrique centrale. Derrière les gestes protocolaires, un scénario refait pourtant surface. Il rappelle celui de 2002, lorsque Washington avait obligé Kigali à retirer ses 23 000 soldats du Congo en moins de trois mois.

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Le manuel de 2002 : la partition que Washington ressort

En 2002, l’administration Bush avait imposé un retrait rwandais grâce à une stratégie directe et redoutablement efficace. Les États-Unis exploitaient alors la dépendance totale du Rwanda à leur soutien militaire, financier et diplomatique. Ils menaçaient de suspendre toute coopération si Kigali résistait. Parallèlement, la RDC acceptait de désarmer les milices ex-FAR et Interahamwe sous la supervision stricte de la MONUC. Des mécanismes de vérification rigoureux empêchaient aussi le retour discret des troupes rwandaises.

Aujourd’hui, la Maison-Blanche ressort la même méthode. Cependant, les enjeux ont profondément changé. Le cobalt, le lithium et le tantale de l’Est congolais sont devenus essentiels à la transition énergétique mondiale. Ces minerais stratégiques représentent désormais une priorité pour les États-Unis. Cette réalité explique l’implication personnelle du président Trump.

La double rhétorique de Kagame : un discours évolutif pour un objectif constant

Les justifications du Rwanda ont peu changé. En 2002 comme en 2025, Kigali évoque la menace persistante des FDLR et accuse Kinshasa de soutenir ces milices. Toutefois, Paul Kagame ajoute aujourd’hui un nouvel argument : la protection des communautés banyamulenge. Il affirme que cette minorité tutsie congolaise vit sous oppression et fait face à des menaces graves. Cette double narration lui permet de légitimer son ingérence, tout en préservant l’accès du Rwanda aux minerais stratégiques et en maintenant son influence régionale.

Le dilemme de Kagame : les ressources contre la survie diplomatique

Pour forcer Kigali à signer un nouvel accord, Washington modernise ses pressions. D’abord, il coordonne son action avec l’Union européenne, le Royaume-Uni, la France, le Canada et plusieurs pays africains. Cette coalition isole progressivement le Rwanda et agite la menace d’une marginalisation économique et diplomatique.

Ensuite, les États-Unis proposent une alternative sécuritaire. Avec la RDC et l’Union africaine, ils s’engagent à neutraliser la menace des FDLR. Cette démarche retire à Kigali son principal prétexte. En parallèle, des garanties solides protègent toutes les communautés civiles, y compris les Banyamulenge. Ainsi, Kagame perd aussi son argument humanitaire.

Face à cette pression, le président rwandais se retrouve dans une impasse. Un refus ferait perdre à son régime le soutien américain pourtant indispensable. Il risquerait également des sanctions économiques et une exclusion progressive de l’Union africaine. Accepter l’accord, en revanche, signifierait un recul stratégique majeur. Kigali perdrait son influence en RDC, ses circuits miniers parallèles et son rôle clé dans la sécurité régionale.

Tshisekedi : entre victoire diplomatique et défi titanesque

Si l’accord voit le jour, Félix Tshisekedi remportera une victoire historique. La souveraineté congolaise sur l’Est du pays serait enfin reconnue et restaurée. Toutefois, les défis à venir seront immenses. Le président devra démanteler des réseaux politico-militaires ancrés depuis trois décennies. Il devra aussi récupérer les zones contrôlées par le M23 sans créer un vide sécuritaire. De plus, il devra prouver que la RDC ne soutient pas les FDLR. Sans cette preuve, Kigali retrouverait immédiatement des arguments. Enfin, rétablir l’autorité de l’État dans des zones longtemps échappées au contrôle gouvernemental sera probablement l’étape la plus complexe.

Washington, laboratoire de la nouvelle géopolitique des ressources

Cette rencontre dépasse largement le conflit RDC–Rwanda. Elle sert de test pour mesurer la capacité des États-Unis à imposer un ordre stable dans une région cruciale pour leurs chaînes d’approvisionnement. Elle évalue aussi leur aptitude à gérer un allié devenu embarrassant sans provoquer son effondrement. Enfin, elle inaugure un modèle de résolution de conflits fondé sur une pression diplomatique concertée et des garanties sécuritaires renforcées.

La réussite de cette stratégie se mesurera dans les six mois suivant la signature. Les indicateurs seront clairs : un retrait effectif du M23 des zones minières, la fin du soutien rwandais aux rebelles et une amélioration tangible de la situation à Goma, Bukavu et dans les zones voisines.

En 2002, Washington avait démontré qu’il pouvait contraindre Kigali à retirer ses troupes. En 2025, il veut prouver qu’il peut créer les conditions d’une paix durable. La mission est plus complexe. Il ne s’agit plus seulement de retirer des soldats, mais de bâtir un système politique, sécuritaire et économique assez solide pour empêcher leur retour.

Jeudi, à Washington, ce n’est pas seulement l’avenir de l’Est congolais qui se joue. C’est une démonstration : dans la géopolitique du XXIᵉ siècle, les ressources stratégiques redessinent la diplomatie. Elles imposent un mélange de coercition et d’incitation. Les leçons de 2002 planent encore dans le Bureau ovale. Pour Paul Kagame, face à Donald Trump, cette ombre sera aussi lourde que les satellites et drones qui surveilleront désormais chaque mouvement à la frontière entre le Rwanda et la RDC.

 

Bintou Keita : la mission inachevée d’une femme de paix en RDC

Ils l’appelaient « la dame de fer aux yeux doux ». Quand Bintou Keita a posé ses valises à Kinshasa en mars 2021, nommée par António Guterres pour piloter la plus grande et la plus complexe mission de paix des Nations unies, beaucoup ont douté. Une Guinéenne, experte des crises humanitaires, à la tête de la MONUSCO en République démocratique du Congo ? Cinq ans plus tard, à l’heure de son départ anticipé fin novembre 2025, son empreinte reste indélébile.

Ce vendredi 28 novembre, dans le bureau feutré de la ministre des Affaires étrangères congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, l’atmosphère est empreinte d’une étrange dualité. On se dit au revoir, mais on insiste : « Je ne dis pas au revoir. » Parce que les Nations unies, elles, restent. Bintou Keita, accompagnée de ses adjoints Bruno Le Marquis et Viviane Van Deperre, transmet le flambeau. Avec humilité, et une pointe de regret.

« Très clairement, je ne peux pas dire que tout a été fait à 100 %, puisqu’il y a encore beaucoup de situations de souffrance de la population, et moi, ça me touche énormément », avoue-t-elle, la voix voilée d’une émotion rare chez une diplomate aguerrie.

Un parcours taillé pour l’impossible

Son arrivée en 2021 n’était pas un hasard. Bintou Keita n’était pas une novice. Avant la RDC, elle avait dirigé les opérations de maintien de la paix au Département des affaires politiques de l’ONU, après avoir été secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires. Elle connaissait les couloirs de New York, mais aussi le terrain africain. En succédant à l’Algérienne Leila Zerrougui, elle devenait la deuxième femme – et la première originaire d’Afrique subsaharienne – à commander la MONUSCO.

Sa mission ? Stabiliser un pays en guerre permanente dans l’Est, protéger les civils, soutenir des élections crédibles et superviser le retrait progressif d’une mission controversée. Une équation presque impossible.

2023 : l’exploit électoral

Son plus grand accomplissement restera sans doute l’organisation des élections de décembre 2023. Dans un pays aussi vaste que l’Europe de l’Ouest, avec des infrastructures défaillantes et des zones en conflit, elle a orchestré un ballet logistique titanesque. Sous sa direction, la MONUSCO a transporté plus de 250 tonnes de matériel électoral à travers jungles, rivières et territoires contestés.

« Nous avons veillé à ce que chaque bureau de vote, même le plus isolé, reçoive le nécessaire », rappelle-t-elle. Le scrutin s’est tenu, globalement apaisé. Un succès stratégique qui a renforcé la légitimité des institutions congolaises.

Sur la ligne de front humanitaire

Mais le cœur de son mandat a toujours battu à l’Est, dans le Nord-Kivu et l’Ituri, où les groupes armés continuaient de semer la terreur. « Nous nous sommes retirés dans le Kasaï, Tanganyika et Sud-Kivu, mais nous sommes restés là où les civils étaient le plus en danger », explique-t-elle.

Sous son commandement, la MONUSCO a sauvé des centaines de vies au quotidien – par des patrouilles, des évacuations médicales, la protection des sites de déplacés. « La MONUSCO continue de sauver des vies, chaque jour », insiste-t-elle, réfutant implicitement les critiques sur l’efficacité de la mission.

Le défi du retrait et l’héritage

Son départ anticipé, elle l’a choisi. Pas de procédure disciplinaire, pas d’enquête interne – simplement une décision personnelle, alors que son mandat devait s’achever en février 2026. Elle laisse derrière elle une mission en transition, avec un retrait en cours mais toujours des zones de tempête.

« Nous avons encore des problèmes avec des groupes armés qui ne sont pas encore désarmés et démobilisés. C’est parmi les défis », reconnaît-elle.

Son dernier message est un appel à la responsabilité collective. « Faites en sorte que la paix s’installe définitivement pour que le pays puisse se développer. » Elle espère aussi beaucoup du siège de la RDC au Conseil de sécurité à partir de janvier 2026, un levier pour soutenir la mission qui reste.

Avant de prendre son vol, Bintou Keita laisse une MONUSCO dirigée conjointement par ses deux adjoints, en attente d’un successeur. Elle retourne à la vie civile, peut-être à la retraite, après une carrière marathon au service de la paix.

Son bilan ? Mixte, comme tout bilan dans l’enfer congolais. Des vies sauvées, des élections tenues, une mission recentrée. Mais aussi des souffrances qui persistent, des conflits non résolus, une paix encore fragile.

Elle part sans fanfare, avec la modestie de celles qui savent que la paix ne se décrète pas, mais se construit, jour après jour, souvent dans l’ombre. La « dame de fer aux yeux doux » laisse une trace : celle d’une femme qui a tenu bon, dans la tempête, jusqu’au bout.

Nord-Kivu : le M23 utilise l’aéroport de Goma comme arme de pression

GOMA – Le sort de centaines de milliers de civils pris au piège dans le Nord-Kivu se joue sur une piste d’atterrissage. Ce mercredi 26 novembre, l’Alliance Fleuve Congo/M23 a fermement rejeté tout argument humanitaire pour justifier la réouverture de l’aéroport international de Goma, qu’il contrôle depuis janvier 2025. Une position qui transforme cette infrastructure vitale en instrument de pression politique et isole un peu plus une région au bord de la catastrophe humanitaire.

Lors d’une conférence de presse, le porte-parole du mouvement rebelle a balayé d’un revers de main les appels internationaux, dont ceux répétés du président français Emmanuel Macron. Pour le M23, l’urgence humanitaire invoquée par la communauté internationale ne serait qu’un prétexte masquant des « objectifs politiques et logistiques autres ».

Une crise humanitaire délibérément ignorée

Cette prise de position place les organisations humanitaires dans une impasse critique. L’aéroport de Goma est le poumon logistique de toute la région, permettant l’acheminement rapide de vivres, de médicaments et le transport du personnel urgentiste. Sa fermeture force les convois à emprunter des routes terrestres périlleuses, rallongeant considérablement les délais et le coût des opérations de secours.

« La situation dans les camps de déplacés autour de Goma est catastrophique. Le choléra et la malnutrition progressent. Chaque jour de fermeture de l’aéroport se compte en vies perdues », témoigne sous couvert d’anonymat un travailleur humanitaire présent sur place.

Un levier stratégique pour le M23

En niant la réalité de l’urgence humanitaire, le M23 envoie un message clair à Kinshasa et à ses partenaires internationaux : toute concession, même humanitaire, devra passer par une négociation politique. Le contrôle de l’aéroport représente pour la rébellion un atout stratégique majeur dans le bras de fer qui l’oppose au gouvernement congolais.

Cette position intransigeante intervient alors que le mouvement, qui a récemment formé l’AFC et consolidé ses positions avec la prise de Katoyi, semble vouloir durcir le ton. La communauté internationale, qui espérait une ouverture humanitaire, se retrouve face à un mur.

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU suit la situation avec inquiétude, la balle est désormais dans le camp des diplomates. Mais pour les populations civiles du Nord-Kivu, le temps presse bien plus vite que celui des négociations.

L’UE renforce son pari militaire en RDC

BRUXELLES – L’Union européenne (UE) persiste dans son soutien aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Le Conseil de l’UE a officialisé l’adoption d’une nouvelle mesure d’assistance, d’un montant de 10 millions d’euros, destinée à fournir un équipement militaire répondant aux « besoins opérationnels » congolais.

Cette enveloppe, puisée dans le Fonds européen pour la paix (FPE), marque une étape significative. Il s’agit de la deuxième mesure d’assistance directe aux FARDC, portant le total de l’aide européenne via ce mécanisme à 30 millions d’euros. Un signal fort de l’engagement continu de Bruxelles aux côtés de Kinshasa, dans un contexte sécuritaire toujours volatile dans l’Est du pays.

Une aide ciblée : du commandement aux patrouilles fluviales

Contrairement à un soutien militaire classique, cette aide se concentre sur des équipements « non létaux ». Son objectif est d’améliorer l’efficacité opérationnelle des FARDC sans alimenter directement la puissance de feu. Le paquet prévu est précis :

  • Commande et contrôle : Des équipements pour fluidifier la communication et la coordination entre les unités.

  • Soutien logistique et médical : Du matériel pour améliorer les conditions de déploiement des troupes et leur prise en charge sanitaire.

  • Surveillance des frontières : Un volet crucial pour sécuriser les frontières fluviales, des axes souvent empruntés par les groupes armés.

Les premières livraisons de ce matériel sont attendues avant la fin de 2026. Cette aide vise explicitement à renforcer la capacité des FARDC à « accomplir leurs missions essentielles de protection des civils et de rétablissement de l’autorité de l’État ».

Un engagement européen dans la durée

Cette décision n’est pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans la lignée d’un premier soutien apporté en 2023 à la 31e brigade de réaction rapide de Kindu. Bruxelles y voit la preuve de son « engagement constant » en faveur de la réforme du secteur de la sécurité en RDC.

Pour l’UE, le soutien aux FARDC via le Fonds européen pour la paix n’est qu’une pièce d’un puzzle plus vaste. Cette aide militaire s’accompagne d’un ensemble de mesures combinant d’autres instruments, notamment l’aide au développement, afin d’agir à la fois sur les symptômes de l’instabilité et sur ses causes profondes. Un pari sur la durée, dans un conflit qui n’en finit pas.

Nuit de Terreur à Uvira : Le Conte Cruel des « Faux Wazalendo »

UVIRA, Sud-Kivu – Dimanche 23 novembre 2025. La nuit qui devait être comme les autres a viré au cauchemar. Sous un ciel indifférent, les rues d’Uvira, habituées aux tensions de l’Est de la République Démocratique du Congo, ont soudain retenti de crépitements sinistres. Ce n’était pas une attaque venue de l’extérieur, mais une guerre fratricide qui éclatait en son sein. Le drame se jouait entre deux factions se réclamant d’un même nom : « Wazalendo » – les patriotes. Un nom que l’armée allait rapidement qualifier de « faux ».

Le récit de cette nuit sanglante nous est raconté par les bilans, secs et froids, mais qui cachent une réalité chaotique. Quatre vies fauchées. Un militaire des FARDC, fidèle à son uniforme. Deux miliciens, abattus dans un conflit dont l’origine reste trouble. Et un civil, tragique victime collatérale, pris dans des tirs qu’il n’avait pas choisis. Quatorze autres personnes, dont neuf civils, deux soldats et trois miliciens, ont été marquées dans leur chair, évacuées en urgence vers les hôpitaux militaire et général d’Uvira.

L’armée, tampon dans la tourmente

L’histoire prend un tournant décisif avec l’entrée en scène des Forces Armées de la RDC (FARDC). Le sous-lieutenant Mbuyi Kalonji Reagan, porte-parole des opérations Sukola 2, rapporte que l’armée est intervenue alors que des « tirs sporadiques » déchiraient la nuit. Face à ce qui était présenté comme une menace interne, la réaction fut ferme. Trois fusils d’assaut AK-47 ont été récupérés sur les miliciens neutralisés, symboles macabres de cette escalade.

Mais au-delà de la simple restitution des faits, l’armée dessine les contours d’un récit plus sombre, celui d’un complot. Dans un communiqué véhément, les FARDC dénoncent un « plan machiavélique ». Leur thèse : des « ennemis » de l’extérieur, désignés comme les réseaux « M23-AFC soutenus par les RDF », instrumentaliseraient ces « faux Wazalendo » pour semer le chaos et fragiliser les efforts de pacification de la région.

L’appel au calme dans une mer d’intoxication

Pour clore ce chapitre de violence, la voix du général de brigade Ilunga Kabamba Jean-Jacques s’est élevée. Le commandant de la région militaire a lancé un appel solennel à la population : ne pas céder à « l’intoxication », ne pas se laisser manipuler. Un plaidoyer pour la confiance en une armée se présentant comme le seul rempart loyaliste face à la déstabilisation.

Alors que le soleil se levait ce lundi 24 novembre, une accalmie précaire s’était installée sur Uvira. La situation était « sous contrôle », assurait le porte-parole militaire. Mais derrière les portes closes, dans le silence revenu, une autre bataille commençait : celle du sens, de la vérité, et du deuil à faire pour une communauté une fois de plus éprouvée par le cycle infernal de la violence à l’Est du Congo. L’histoire de cette nuit est terminée, mais son écho, lui, résonne encore.

Washington relance la paix en RD Congo

Washington – Dans une salle où se joue une partie de l’avenir des Grands Lacs, les représentants de la RDC et du Rwanda se sont retrouvés les 19 et 20 novembre pour la quatrième réunion du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM). Cette rencontre a donné un nouvel élan à l’accord de paix signé le 27 juin dans la capitale américaine.

Dès l’ouverture des travaux, les deux délégations ont fixé un objectif précis : faire avancer l’ordre d’opération destiné à neutraliser les FDLR, un groupe armé qui empoisonne depuis longtemps les relations entre Kinshasa et Kigali. Les observateurs internationaux ont salué des efforts concrets, notamment la poursuite des opérations de démobilisation et le rapatriement de plusieurs combattants.

Les participants ont mené des discussions qualifiées d’« ouvertes ». Ils ont analysé les progrès de la première phase : partage de renseignements, campagnes d’information pour encourager les redditions, actions pour réduire l’influence du groupe. Chaque avancée a été évaluée, et chaque défi clairement identifié. En parallèle, les deux parties ont commencé les travaux de la deuxième phase, qui vise à neutraliser définitivement la menace et à créer les conditions pour que le Rwanda lève ses mesures défensives.

Convergence des processus de paix et prochaines étapes

La nouveauté de cette réunion réside surtout dans la convergence entre les processus de paix de Washington et de Doha. Les participants ont salué la signature récente du Cadre de Doha entre le gouvernement congolais et le M23. Ils ont reconnu l’importance de maintenir une coordination étroite entre les négociations conduites au Qatar et celles tenues aux États-Unis. Cette stratégie commune pourrait changer la dynamique régionale.

Les remerciements échangés montrent une volonté réelle d’avancer. La RDC et le Rwanda ont exprimé leur gratitude aux États-Unis, au Qatar et à l’Union africaine pour leur rôle de facilitation. Ils ont aussi salué le Togo, qui organisera le 17 janvier à Lomé une réunion de haut niveau destinée à consolider ces avancées encore fragiles.

Dans les couloirs du Département d’État, un espoir prudent se dessine : celui de voir émerger une paix durable dans l’est de la RDC. Le chemin reste difficile, mais Washington a, une nouvelle fois, fourni le cadre où cette paix tente de se construire, étape après étape.

RDC-Russie : Kabombo et Moscau scellent leur alliance militaire

KINSHASA – La poignée de main était ferme, le sourire mesuré. Ce mercredi 19 novembre, dans le bureau feutré du vice-Premier ministre de la Défense, Me Guy Kabombo Muadiamvita, s’est joué un nouveau chapitre de la diplomatie militaire congolaise. Face à lui, l’ambassadeur de la Fédération de Russie, SE Karl Tikhazé, est venu acter le renforcement d’une coopération qui dessine peu à peu une nouvelle carte des alliances en Afrique centrale.

Les deux hommes ont eu un entretien « cordial et constructif », selon les termes officiels. Au cœur des discussions : l’avancement de la collaboration militaire entre Kinshasa et Moscou, et les perspectives de son renforcement. Une coopération que la partie congolaise assure vouloir développer « dans le strict respect des instruments internationaux ratifiés par la RDC » – une précision qui sonne comme un message à l’attention des autres partenaires du pays.

Un dialogue technique renforcé

L’ambassadeur Tikhazé a présenté au ministre le nouvel attaché de défense russe accrédité en RDC. Kabombo lui a souhaité « plein succès » dans ses fonctions, affirmant sa « disponibilité à poursuivre un dialogue technique régulier ». Objectif affiché : la professionnalisation et le développement des Forces armées de la RDC (FARDC).

Le ministre a salué « le sens d’écoute » de son homologue russe, qui a pour sa part insisté sur « l’ouverture du pays à tous ses partenaires ». Une déclaration qui contraste avec le recentrage stratégique opéré par Kinshasa ces derniers mois, marqué par un rapprochement visible avec Moscou au détriment d’alliés traditionnels.

Un partenariat aux implications régionales

Cette rencontre intervient dans un contexte sécuritaire tendu dans l’est de la RDC, où les FARDC font face à plusieurs groupes armés. Le renforcement de la coopération avec la Russie laisse entrevoir un possible changement d’équipement, de formation ou même de doctrine militaire pour l’armée congolaise.

Alors que les grandes puissances se disputent l’influence en Afrique centrale, la RDC semble ainsi affirmer sa souveraineté en diversifiant ses partenariats stratégiques. Le dialogue entamé ce mercredi ne concerne pas que les armes et les stages militaires : il engage, plus profondément, le positionnement géopolitique de toute une région.

Kabombo Muadiamvita trace un nouvel axe de défense à Bamako

BAMAKO. – Sur le stand congolais du premier salon « BAMZEX 25 », les échanges avaient des allures de traités stratégiques. Guy Kabombo Muadiamvita, vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, a profité de cette tribune à Bamako pour consolider un réseau militaire en pleine recomposition.
Burkina Faso, Niger, Russie : le gouvernement congolais esquisse une nouvelle alliance défensive avec des partenaires africains et des puissances non traditionnelles.

« L’Afrique dispose des ressources humaines, techniques et morales nécessaires pour assurer elle-même sa sécurité », a affirmé le ministre. Il a ainsi repris la vision du président Félix Tshisekedi d’une « Afrique solidaire et maîtresse de sa sécurité ».
Cette déclaration, faite depuis la capitale malienne, sonne comme un signal géopolitique fort à l’occasion du premier Salon de la défense et de la sécurité.

Une diplomatie de défense à plusieurs voix

Les rencontres se sont succédé à un rythme soutenu. Celle avec le vice-ministre russe de la Défense a toutefois marqué un tournant symbolique.
Dans un contexte de rivalités internationales croissantes, la RDC veut diversifier ses partenariats sans rompre avec ses alliés traditionnels.

Aux côtés des responsables burkinabè et nigériens, le ministre congolais a évoqué des coopérations concrètes : formation des troupes, échanges de renseignements et transfert de technologies.
Ces initiatives visent à renforcer une armée congolaise encore en reconstruction, confrontée aux défis persistants dans l’Est du pays.

BAMZEX 25 : la souveraineté africaine en vitrine

Placée sous le thème « L’Afrique au cœur des innovations mondiales de défense », la première édition de BAMZEX a permis à la délégation congolaise de découvrir des solutions adaptées aux réalités du terrain.
Guy Kabombo Muadiamvita veut transformer cette expérience en levier pour dynamiser l’industrie de défense nationale, encore naissante.

« Cette démarche s’inscrit dans la recherche d’une sécurité autonome, conçue par et pour les Africains », a-t-il souligné.
Cette vision repose sur deux axes : renforcer la coopération Sud-Sud et établir des partenariats stratégiques équilibrés avec des puissances prêtes à partager leur expertise sans ingérence.

Alors que les menaces sécuritaires se multiplient sur le continent, la RDC affirme sa volonté de devenir un acteur central des nouveaux équilibres africains.
Le message lancé depuis Bamako est clair : Kinshasa ne veut plus subir sa sécurité — elle veut désormais la construire.

Grands Lacs : les chefs militaires en conclave à Kinshasa

KINSHASA – Dans la salle de conférence aux lumières tamisées, les uniformes se mêlent aux costumes. Ce jeudi, Kinshasa accueille la 19e réunion des chefs d’état-major des armées de la région des Grands Lacs. Douze pays représentés, une mission commune : trouver les voies d’une paix insaisissable dans une région minée par les conflits.

Une réunion aux enjeux stratégiques

Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, ouvre la séance au nom du gouvernement congolais. À ses côtés, son homologue de l’Intégration régionale, Anzulini. Les deux hommes font face aux plus hauts responsables militaires de la CIRGL, rassemblés pour examiner l’épineuse situation sécuritaire et humanitaire de la région.

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Trois dossiers brûlants dominent les discussions : l’analyse de la crise persistante dans l’Est de la RDC, l’évaluation du mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, et la préparation des recommandations pour le sommet des chefs d’État prévu le 15 novembre. Des travaux techniques qui pourraient changer la donne sur le terrain.

Le poids de l’histoire

Julien Paluku, dans une intervention remarquée, convoque la mémoire collective. « J’étais présent au Sommet de Kampala en novembre 2012 », rappelle-t-il, évoquant les décisions cruciales prises à l’époque face à la rébellion du M23. Treize ans plus tard, le même mouvement armé défie à nouveau l’autorité de l’État congolais.

« L’histoire va-t-elle se répéter ? Wait and see ! », lance-t-il, dans une formule qui sonne comme un avertissement. Cette référence historique plane sur les débats, rappelant que les erreurs du passé pourraient éclairer les solutions de demain.

Un test pour la diplomatie congolaise

Cette réunion représente bien plus qu’une simple rencontre technique. Pour la RDC, qui assure la coordination des travaux, il s’agit d’un véritable test diplomatique. Le pays démontre sa volonté de jouer un rôle moteur dans la résolution des crises régionales.

Les recommandations qui émergeront de ces travaux alimenteront directement le sommet des chefs d’État dans neuf jours. Les militaires préparent ainsi le terrain pour des décisions politiques potentiellement historiques.

Alors que les discussions se poursuivent dans les salles climatisées de Kinshasa, une question demeure : ces échanges déboucheront-ils sur des actions concrètes capables d’apaiser les tensions dans les Kivus ? La réponse se joue autant dans les couloirs de la conférence que sur les collines du Nord-Kivu, où les armes continuent de parler.

Goma : La piste humanitaire qui divise les Grands Lacs

La piste d’atterrissage de l’aéroport de Goma est devenue, soudainement, la nouvelle ligne de front diplomatique des Grands Lacs. Depuis Paris, le jeudi 30 octobre, Emmanuel Macron a annoncé sa réouverture prochaine aux vols humanitaires, provoquant aussitôt un tollé du Rwanda et du mouvement rebelle M23.

Derrière cette décision en apparence technique, se joue en réalité un bras de fer géopolitique où chaque mot compte. Le président français, s’exprimant lors de la conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, a déclaré :
« L’aéroport rouvrira dans les prochaines semaines pour des corridors humanitaires, dans le strict respect de la souveraineté congolaise. »

Cette annonce vise avant tout à désenclaver l’Est de la République démocratique du Congo, asphyxié par près d’un an de combats acharnés entre l’armée congolaise et la rébellion du M23.

Kigali oppose un veto diplomatique

Le Rwanda riposte dans l’heure. Son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, conteste violemment la légitimité de Paris : « L’aéroport se trouve sous le contrôle des autorités de fait, le M23. Une telle décision relève des négociations de Doha, pas d’une conférence parisienne. » Un rejet catégorique qui sonne comme un désaveu pour la diplomatie française.

Dans le camp rebelle, Corneille Nangaa, coordinateur politique du M23, enfonce le clou : « Cette annonce inopportune ignore totalement la réalité du terrain. Comment parler de réouverture quand les bombardements de Kinshasa détruisent ponts et aérodromes ? » L’ancien président de la CENI congolaise accuse même les « lobbys humanitaires » de « profiter de la détresse des populations ».

Kinshasa célèbre une victoire souveraine

Le gouvernement congolais, lui, savoure une revanche diplomatique. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, tonne : « Ni l’agitation du père Rwanda ni celle du fils M23 n’entraveront cette avancée humanitaire. Vouloir marchander l’aide aux déplacés révèle le cynisme de nos agresseurs. »

Les mots choisis trahissent l’amertume accumulée : le « père » et le « fils » dessinent une filiation jugée indécente entre Kigali et la rébellion. Le message est clair : Kinshasa considère cette réouverture comme un acte de souveraineté retrouvée.

Derrière cette batille sémantique, l’urgence humanitaire persiste. Des millions de déplacés attendent médicaments et nourriture. La France espère que ces vols humanitaires soulageront des vies, mais la réaction violente du Rwanda et du M23 prouve qu’à Goma, chaque piste d’atterrissage reste un enjeu de pouvoir. La région des Grands Lacs retient son souffle, suspendue au premier atterrissage.

Crise des Grands Lacs : le casting inédit de la diplomatie française

Ils sont venus à Paris, portant le poids d’une crise et l’espoir ténu d’une médiation. Autour de la table, ce jeudi, le président congolais Félix Tshisekedi, dont le pays saigne dans l’indifférence relative, écoute. Face à lui, le président togolais Faure Gnassingbé, en sage mandaté par l’Union africaine, et l’influent ministre qatari Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, négociateur des dossiers impossibles. Les États-Unis et l’Union européenne, représentés par Massad Boulos et Kaja Kallas, complètent ce casting diplomatique réuni à l’initiative de l’Élysée.

Mais dans le théâtre feutré de la diplomatie internationale, les silences en disent souvent plus long que les discours. Et à Paris, les absents résonnent avec une force particulière. Les fauteuils vides des présidents Paul Kagame du Rwanda, Évariste Ndayishimiye du Burundi et Yoweri Museveni de l’Ouganda dessinent les contours de l’impasse. Leur boycott, poli mais ferme, rappelle une évidence cruelle : on ne peut imposer la paix à des belligérants qui refusent de s’asseoir ensemble.

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La France tente pourtant de jouer les facilitateurs. En conviant les soutiens continentaux et les bailleurs internationaux, elle espère créer un momentum, une dynamique suffisante pour faire plier les récalcitrants. Les attentes sont colossales : débloquer une aide humanitaire d’urgence, imaginer des perspectives économiques et, surtout, réinjecter une once de confiance dans un dialogue régional au point mort.

Paris lance un pari audacieux sur l’échiquier des Grands Lacs. Mais la première règle de la diplomatie est de réunir toutes les parties autour de la table. Aujourd’hui, en réussissant à rassembler les médiateurs mais en échouant à convaincre les principaux protagonistes, l’Élysée donne à voir les limites de son influence. La conférence de Paris pourrait bien n’être qu’une répétition générale, en attendant que les véritables stars daignent enfin monter sur scène.

Crise des Grands Lacs : l’ultime appel de Paris

PARIS — Ce jeudi 30 octobre, les lumières de la diplomatie mondiale se braquent sur la capitale française. Dans le silence feutré des salons officiels, une cinquantaine de nations s’apprêtent à ausculter une crise qui ne fait plus la une, mais qui continue de broyer des vies. Au cœur des débats : l’urgence humanitaire dans la région des Grands Lacs, un dossier où la générosité internationale s’épuise, tandis que les besoins, eux, explosent.

Sous le double patronage de la France et du Togo, cette conférence se veut un électrochoc. Un ultime sursaut pour « resensibiliser » des bailleurs en proie à ce que les diplomates appellent, avec une froide pudeur, la « fatigue ». La fermeture des programmes de l’USAID en RDC n’est que la partie émergée d’un iceberg de désengagement.

L’heure du constat amer

« Les efforts de financement sont en baisse », constate, sans fard, Rémy Maréchaux, ambassadeur de France en RDC. Sa voix porte l’urgence des terrains oubliés. Pour lui, la bataille se gagne d’abord par les mots : il faut « réexpliquer » l’indicible. C’est la mission dévolue aux humanitaires et aux représentants de la société civile congolaise invités à cette table ronde : donner un visage et un nom à des statistiques qui ne font plus frémir.

Au-delà de l’argent, l’accès

La seconde partie des assises s’annonce plus ardue encore. Il ne s’agira plus seulement de comptes, mais de principes : le respect du droit international humanitaire. Comment acheminer l’aide quand les routes sont coupées, les humanitaires menacés, les zones de conflit inaccessibles ?

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« Ce qui est important, c’est que les acteurs humanitaires puissent travailler librement », insiste l’ambassadeur. Son plaidoyer trace une ligne rouge : sans accès garanti, sans entraves levées, les fonds les plus colossaux resteront lettre morte.

Paris tente donc un pari : ranimer la flamme d’une solidarité à bout de souffle. Dans les coulisses, on espère que cette « autopsie » ne se transformera pas en oraison funèbre de l’aide internationale, mais en son sursaut salvateur. Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. Les millions de déplacés de l’Est congolais, et au-delà, attendent que les mots prononcés sous les ors de Paris se transforment enfin en pain et en médicaments.

Le hold-up de la place Victoire et l’énigme des 10 500 dollars

KINSHASA – Dans le prétoire, l’accusation dessine les contours d’un casse méthodique : une bande organisée, un braquage ciblé, une banque dévalisée. Mais depuis le début de l’instruction, mardi 28 octobre 2025, c’est une tout autre version qui émerge, plus trouble, où les rôles de prédateurs et de victimes semblent se brouiller. Au cœur des débats, une énigme : que sont devenus les 10 500 dollars volés à l’agence Rawbank de la place Victoire ?

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Les trois prévenus, dont Honorine Porche, pointent unanimement du doigt les hommes en uniforme. L’argent ? Saisi par les agents de l’ordre lors de l’interpellation, affirment-ils. La présumée braqueuse raconte une arrestation violente. « Les agents m’ont battue avant de s’emparer du sac contenant l’argent, puis m’ont arrêtée », témoigne-t-elle, dessinant les contours d’une scène où la force policière aurait basculé en opportunisme pur.

Le chef de la sécurité accuse à son tour

Le doute s’installe davantage avec la déposition de l’AC Kashama, pourtant chef de poste de la sécurité de la banque ce jour-là. Son témoignage est une bombe. Il désigne nommément les unités impliquées : la « Task Force » et une autre unité seraient, selon lui, les seules à connaître la destination finale des 10 500 dollars. Une accusation grave, qui jette une ombre sur l’intégrité de l’opération policière.

Un double procès pour une même affaire

L’affaire est si trouble qu’elle a engendré une procédure judiciaire parallèle. La Cour militaire s’est saisie des sévices infligés à Honorine Porche lors de son arrestation. Pourtant, dans le prétoire civil, un détail interpelle : la victime des violences affirme ne reconnaître aucun de ses agresseurs parmi les forces de l’ordre présentes. « Je n’ai vu au procès aucun policier parmi ceux qui m’ont battue », constate-t-elle, amère.

L’étrange répartition des charges

Face à la justice, tous les prévenus sont poursuivis pour « association de malfaiteurs » et « terrorisme ». Mais le ministère public a réservé une inculpation supplémentaire, et exclusive, à Honorine Porche : « vol à main armée ». Selon l’accusation, les accusés auraient formé une bande structurée dans le seul but de dévaliser la Rawbank.

Pourtant, au fil des audiences, c’est bien le récit officiel qui semble se fissurer. L’argent a-t-il été récupéré par la banque ? A-t-il disparu dans les poches des braqueurs ? Ou, comme l’affirment les principaux suspects, a-t-il été confisqué par ceux-là mêmes chargés de le restituer ? À la place Victoire, le temple de l’argent, le procès du braquage est en train de se muer en une enquête sur la probité des uniformes.

« Nous reprendrons notre marche vers Kinshasa » : le M23 lance un ultimatum

La conférence de presse tenue jeudi à Goma par les dirigeants de l’AFC/M23 avait des allures d’ultimatum. Devant les médias, Corneille Nangaa, coordonnateur politique du mouvement rebelle, a dégainé la menace suprême : « Si Kinshasa s’obstine à saboter les négociations, nous allons reprendre notre marche vers Kinshasa ». Des paroles qui font froid dans le dos, alors que se poursuivent à Doha les pourparls de paix sous médiation qatarienne.

« Nous répondrons coup sur coup » prévient la rébellion

Le ton était à l’escalade. Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint, a surenchéri : « Nous répondrons désormais à toute attaque, coup sur coup ». La rébellion accuse les FARDC et leurs alliés wazalendo de multiples violations du cessez-le-feu dans les territoires de Walikale, Masisi et Kalehe. Plus grave encore, elle dénonce des bombardements contre la mine d’or de Twangiza les 17 et 23 octobre, imputés directement à la famille Tshisekedi.

« J’étais mort et je suis ressuscité. Ils me tuent chaque jour », a lancé Corneille Nangaa, dans une formule théâtrale qui résume l’exaspération du mouvement rebelle. Ce dernier met en garde : « Nous avons la capacité de détruire ces drones. Nous l’avons déjà fait par le passé ».

Kinshasa dénonce des « élucubrations »

En réponse, le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya a balayé d’un revers de main ces accusations, les qualifiant « d’élucubrations ». Lors d’un briefing à Kinshasa, il a rappelé les « progrès » accomplis à Doha, notamment sur le mécanisme de cessez-le-feu et la question des prisonniers. « Nous savons qui tue à Goma, à Bukavu, nous savons qui a massacré à Rutshuru », a-t-il rétorqué, sans jamais mentionner directement les violations du cessez-le-feu dénoncées par le M23.

Le gouvernement congolais maintient sa ligne : le M23 reste un mouvement « terroriste » et « supplétif de l’armée rwandaise ». Des accusations que la rébellion rejette en bloc, affirmant plutôt dialoguer avec Kinshasa « par la force des choses ».

Alors que la communauté internationale mise sur le processus de Doha pour apaiser les tensions, cette conférence de presse sonne comme un coup de semonce. La menace d’une reprise des hostilités à grande échelle plane désormais ouvertement sur l’est de la RDC, dans un jeu de dupes où chaque camp accuse l’autre de torpiller les efforts de paix. Le dialogue semble à bout de souffle, et les armes pourraient bien avoir à nouveau le dernier mot.

Braquage déjoué à Kinshasa : Crépitements de balles et tension au rond-point Victoire

KINSHASA – Ce jeudi matin, la routine du rond-point Victoire a volé en éclats. Vers 9h30, les crépitements secs d’armes automatiques ont déchiré l’air, transformant ce carrefour stratégique entre Kasa-Vubu et Kalamu en théâtre d’une violente confrontation. Des échanges de tirs nourris ont opposé les forces de l’ordre à un groupe de braqueurs retranchés dans une agence de la Rawbank. l’agence Rawbank, prise pour cible par un groupe de braqueurs déterminés.

Selon les premiers témoignages, les criminels, lourdement armés, avaient choisi leur cible avec précision. Mais leur plan a tourné court lorsque les éléments des Forces armées et de la Police nationale congolaise, alertés avec célérité, ont encerclé le périmètre. Le bourgmestre de Kalamu, Charly Luboya, joint téléphoniquement, confirme le scénario : « Certains ont fui, un des leurs a été arrêté – disons leur chauffeur – et d’autres sont retenus à l’intérieur de la banque par les agents de l’ordre ».

La tension palpable

Rapidement, les renforts affluent. Plusieurs véhicules de police prennent position autour de l’immeuble bancaire, tandis que des éléments de l’armée, en tenue de combat, se déploient avec méthode. La tension devient palpable dans ce quartier habituellement animé. « Les balles continuent à pleuvoir dans ce coin de la capitale », rapporte le bourgmestre, alors que des centaines de curieux, malgré les risques, se massent à distance pour assister à l’assaut.

Peu avant 10h30, après près d’une heure de siège .Les forces de l’ordre, professionnelles, verrouillent l’accès au bâtiment. Les policiers en tenue bleue se postent stratégiquement, protégés par leurs véhicules blindés, tandis que les militaires préparent l’assaut final. Chaque détonation fait sursauter la foule, maintenue à distance de sécurité.

La fin des hostilités

la Rawbank a fait parvenir un communiqué officiel : l’incident sécuritaire est « maîtrisé ». Les assaillants ont été « neutralisés » grâce à la « réactivité exemplaire des autorités et à la coordination des équipes de sécurité de la banque ». Le bilan est rassurant : « Aucun blessé n’est à déplorer parmi le personnel ou les clients présents sur place ».

L’établissement bancaire salue le « professionnalisme » et « l’efficacité » des forces de sécurité, tout en remerciant la population pour son « calme » et sa « coopération ». Le périmètre reste néanmoins temporairement sécurisé, le temps que les autorités procèdent aux constats d’usage.

Ce braquage avorté témoigne de la recrudescence de l’insécurité dans la capitale congolaise, mais aussi de la capacité de réaction des forces de l’ordre. Alors que la nuit tombe sur Kinshasa, le rond-point Victoire retrouve peu à peu son calme, marqué par les stigmates d’une journée qui aurait pu tourner au drame.

Le M23/AFC accuse Kinshasa d’avoir violé le cessez-le-feu

À peine l’encre de l’accord de Doha avait-elle séché que la confiance s’effritait déjà. Le mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23 accuse le gouvernement congolais d’avoir violé le cessez-le-feu, moins de 24 heures après la signature du Mécanisme conjoint de surveillance et de vérification, le mardi 14 octobre 2025.

Dans un communiqué au ton ferme, le M23 affirme que les forces coalisées du régime de Kinshasa ont mené, dès le lendemain, d’intenses bombardements sur des zones civiles et sur plusieurs de leurs positions dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon le mouvement, ces attaques auraient été conduites à l’aide de drones et d’avions de combat SUKHOI-25, suivies d’assauts terrestres à Kadasomwa, Lumbishi et Kasake.

Une accusation grave qui fragilise le processus de Doha

Pour l’AFC/M23, ces offensives constituent « une trahison cynique » du processus de paix de Doha, signé sous la médiation du Qatar, des États-Unis et de l’Union africaine. Le mouvement estime que Kinshasa aurait délibérément choisi la voie des armes, au mépris des engagements pris devant la communauté internationale.

« Cette attitude belliqueuse démontre à la face du monde que le régime de Kinshasa a tourné le dos au processus de paix », dénonce le M23, évoquant un bilan humain lourd et des bombardements ayant touché des civils. Le groupe rebelle parle d’“atrocités” aggravant une crise humanitaire déjà aiguë dans l’Est du pays.

Appel à la communauté internationale et avertissement du M23

Face à ce qu’il qualifie de “sabotage du processus de paix”, le M23 en appelle directement aux observateurs du Mécanisme de surveillance et de vérification – à savoir le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine – afin qu’ils constatent ces violations présumées et interviennent pour éviter une reprise généralisée des hostilités.

Dans le même communiqué, le mouvement réaffirme son “engagement indéfectible à défendre la population congolaise par tous les moyens”, tout en réitérant sa solidarité envers les civils pris dans les combats.

Entre diplomatie et méfiance : le fragile équilibre de Doha

Ces accusations surviennent alors que la signature du Mécanisme de vérification M23 Doha, saluée comme une avancée diplomatique majeure, devait marquer le retour de la confiance entre les deux camps.
Mais à peine 24 heures plus tard, la flamme de la paix vacille déjà, laissant planer une question lourde de sens : le processus de Doha survivra-t-il à sa première épreuve ?

M23 Doha : Un mécanisme conjoint pour surveiller le cessez-le-feu entre Kinshasa et les rebelles

Sous les lustres du palais diplomatique de Doha, une poignée de main symbolique a marqué, mardi, une nouvelle étape du processus de paix entre Kinshasa et le M23. Le gouvernement congolais et le groupe politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23 ont paraphé un mécanisme conjoint de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, sous la médiation du Qatar et avec l’appui des États-Unis et de l’Union africaine.

Dans un communiqué empreint de solennité, le ministère qatari des Affaires étrangères a salué une “étape essentielle pour renforcer la confiance mutuelle et progresser vers un accord de paix global”. Doha précise que le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine y participeront comme observateurs, un gage de transparence et de crédibilité pour un processus souvent miné par la méfiance.

Des attentes et des doutes autour du mécanisme de Doha

Pour le M23, tout repose désormais sur la bonne foi de Kinshasa.
« Si le gouvernement congolais respecte pleinement ses engagements, ce mécanisme créera un climat de sérénité et de sécurité, propice à la discussion sur les causes profondes du conflit », a déclaré le mouvement rebelle dans un communiqué.

Côté congolais, le ton se veut résolument optimiste. Le gouvernement assure que cette signature traduit « la volonté de parvenir à une cessation effective des hostilités, de garantir la sécurité des populations et de préparer les conditions d’un accord de paix durable, dans le cadre du processus de Doha soutenu par la communauté internationale ».

Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. Juvénal Munubo, ancien député et observateur attentif des questions sécuritaires, s’interroge :
« Pourquoi avoir attendu près de trois mois après la Déclaration de principes du 19 juillet pour signer ce mécanisme ? Et surtout, quand viendront les mesures concrètes sur le terrain ? »

Entre espoirs et réalités du terrain

La création du mécanisme de vérification M23 Doha symbolise un tournant, mais la route reste longue. Alors que le front de l’Est congolais demeure instable, les populations civiles attendent des actes tangibles plutôt que de nouvelles signatures.

Pour l’heure, le Qatar et les États-Unis, désormais observateurs officiels, misent sur la diplomatie pour transformer la promesse de paix en réalité. Dans les coulisses, un défi s’impose : faire du cessez-le-feu M23 Doha non pas une simple clause diplomatique, mais un véritable instrument de réconciliation durable.

Global Gateway : l’Union européenne débloque 180 millions d’euros pour consolider la paix entre la RDC et le Rwanda

BRUXELLES – L’Union européenne franchit un nouveau cap dans son engagement pour la stabilité de l’Afrique centrale. En marge du Global Gateway Forum 2025, la présidente de la Commission européenne a annoncé un financement de 180 millions d’euros pour renforcer la paix, l’intégration régionale et le développement durable entre la RDC et le Rwanda.

Un soutien clair au processus de paix

« Le processus de paix en cours, facilité par les États-Unis, est une excellente nouvelle pour l’Est de la RDC », a déclaré la présidente. Elle a salué l’accord signé sous la médiation du président américain Donald Trump et soutenu par l’Union africaine. Selon elle, « l’Europe veut contribuer à le rendre durable, avec ses partenaires africains ».

Le Global Gateway, moteur d’un partenariat concret

Ce financement s’inscrit dans la dynamique du Global Gateway, l’initiative européenne qui renforce les infrastructures durables sur le continent africain. L’enveloppe européenne sera répartie dans quatre secteurs prioritaires :

  • Énergie : modernisation des réseaux et promotion des sources propres ;

  • Transports : développement des corridors commerciaux ;

  • Biodiversité : protection des écosystèmes régionaux ;

  • Mines durables : exploitation responsable des ressources.

Ces investissements visent à stabiliser l’économie régionale tout en réduisant les tensions liées à la concurrence minière.

Kagame salue un « partenariat gagnant-gagnant »

Présent à Bruxelles, le président Paul Kagame a estimé que ce soutien européen « ouvre la voie à une intégration régionale plus forte et à des investissements durables ». Il a salué le rôle du Global Gateway, déjà engagé dans le développement du secteur biomédical rwandais.

L’Union européenne prévoit d’ajouter 95 millions d’euros pour soutenir la production de vaccins et l’innovation médicale à Kigali. Cette initiative consolide l’ambition du Rwanda de devenir un pôle continental de biotechnologie.

Une diplomatie du développement en action

Entre diplomatie et économie, le Global Gateway s’impose comme un levier de paix et un outil d’avenir pour l’Afrique centrale. Il relie désormais les efforts politiques de Washington et de l’Union africaine à la vision européenne d’une coopération fondée sur la croissance partagée et la stabilité durable.

Tshisekedi et Kagame à Bruxelles : entre main tendue et accusations, la diplomatie africaine sous tension

BRUXELLES – La scène diplomatique africaine a pris des airs de théâtre politique ce jeudi au Global Gateway Forum 2025. Le président congolais Félix Tshisekedi a tendu la main à son homologue rwandais Paul Kagame, qui a saisi l’occasion pour rappeler sa vision du partenariat.

Kagame plaide pour des partenariats équitables

« Nous sommes ici pour discuter de partenariat, mais le sens du terme varie selon les personnes », a déclaré Kagame, d’une voix calme mais ferme. « Pour certains, il s’agit de donner des instructions et de faire des conneries. Pour d’autres, il s’agit de se plaindre. »

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Il a insisté sur l’importance de relations égalitaires, où risques et bénéfices sont partagés. Selon lui, la croissance africaine ne prospère que si elle circule dans les deux sens. « Un bon partenariat ne crée pas de dépendance, il crée de la valeur », a-t-il martelé, prônant une Afrique intégrée et autonome.

Une main tendue contestée

La proposition de Tshisekedi n’a pas trouvé un écho unanime. Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères, a dénoncé ce qu’il qualifie de « cinéma politique ». Selon lui, le chef de l’État congolais a détourné un forum consacré à la coopération pour aborder le conflit à l’Est de la RDC.

Il a accusé Kinshasa d’avoir violé les accords de paix de Washington du 27 juin, notamment par des bombardements contre l’AFC/M23 et les villages banyamulenge du Sud-Kivu. Nduhungirehe a rappelé les épisodes passés : menaces de bombardements sur Kigali, envoi de soldats congolais sur le territoire rwandais et recours à des mercenaires étrangers.

Une diplomatie complexe et tendue

Le ministre rwandais a dénoncé une manipulation médiatique, accusant Tshisekedi de séduire l’opinion publique congolaise tout en refusant le dialogue direct avec le M23. « Faire semblant de tendre la main alors que vous violez les accords existants, c’est du cynisme et des mensonges inacceptables au niveau d’un chef d’État », a-t-il tranché.

À Bruxelles, entre la main tendue et la réplique cinglante, la diplomatie congolo-rwandaise révèle toute sa complexité : un mélange de coopération affichée, de tensions historiques et de calculs politiques. Ces dynamiques continuent de peser sur l’avenir de la paix et de l’intégration régionale en Afrique.

Tshisekedi à Kagame : « Je vous tends la main pour une paix des braves »

BRUXELLES – Dans un geste diplomatique spectaculaire, le président congolais Félix Tshisekedi a tendu la main, jeudi, à son homologue rwandais Paul Kagame. Il propose de conclure « une paix des braves » afin de mettre fin au conflit qui ravage l’Est de la RDC.

Un appel solennel et une condition claire

Lors du Global Gateway Forum, le chef de l’État congolais a surpris par sa modération.
« À aucun moment, je n’ai affiché une attitude belliqueuse à l’égard du Rwanda ou de l’Ouganda », a-t-il déclaré, sous le regard du président angolais João Lourenço, médiateur et président de l’Union africaine.

Félix Tshisekedi a ensuite précisé la condition sine qua non de cette main tendue :

« Je prends à témoin ce forum pour vous tendre la main, monsieur le Président, afin que nous fassions la paix des braves. Cela demande que vous donniez l’ordre aux troupes du M23, soutenues par votre pays, d’arrêter cette escalade qui a déjà fait trop de morts. »

Pour montrer sa bonne foi, le président congolais a aussi suspendu temporairement son plaidoyer pour des sanctions contre Kigali.
« Les plaidoyers que j’avais prévus pour appeler à des sanctions, je préfère les suspendre pour un moment, en attendant d’avoir une réponse du président Paul Kagame », a-t-il ajouté.

Un tournant vers la paix régionale

Le chef de l’État a révélé que le processus de paix conduit par l’Angola avait presque abouti.
« Nous étions à 98 % de recouvrer une paix durable, mais vous avez boycotté la cérémonie », a-t-il lancé à Kagame.

Tshisekedi a insisté sur leur responsabilité commune :

« Nous vivons cette situation, et nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade. »

Aujourd’hui, la balle est dans le camp du président rwandais. La communauté internationale observe attentivement si cette main tendue ouvrira enfin la voie à une paix durable ou si elle restera un simple vœu pieux dans un conflit vieux de plusieurs décennies.