Aimé Boji Sangara : l’ascension méthodique d’un héritier politique

KINSHASA. – Le parcours est sans faute. À 57 ans, Aimé Boji Sangara Bamanyirue accède à la présidence de l’Assemblée nationale, couronnant une ascension politique méthodiquement construite. Élu jeudi 13 novembre avec 413 voix sur 423, ce technocrate discret succède à son mentor Vital Kamerhe, contraint à la démission il y a deux mois. Derrière le candidat unique se cache un héritier : fils de Boji Dieudonné, ancien gouverneur du Kivu en 1966, Sangara incarne une nouvelle génération d’hommes politiques congolais, formés à l’étranger mais ancrés dans les réalités locales.

Un parcours académique international

Né à Kabare au Sud-Kivu, le jeune Aimé Boji décroche son diplôme d’État en mathématiques et physique au prestigieux Collège Alfajiri de Bukavu avant de traverser la Manche. En Angleterre, il obtient une licence en économie et gestion à l’Université Oxford Brookes, puis une maîtrise en économie du développement à l’Université d’East Anglia. Un bagage qui fera de lui l’un des rares économistes de haut niveau dans l’arène politique congolaise.

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L’appareil du pouvoir maîtrisé

Son entrée en politique en 2006 comme député national sous la bannière de l’UNC de Vital Kamerhe marque le début d’une progression constante. Réélu en 2011 et 2023, il gravit les échelons : secrétaire général de l’UNC, ministre du Commerce extérieur en 2016, ambassadeur itinérant du président Tshisekedi en 2019. Les portes du gouvernement s’ouvrent : ministre du Budget de 2021 à 2025, puis ministre de l’Industrie en août 2025. Une démission stratégique en octobre lui permet de briguer – et d’obtenir – le perchoir.

Les défis de la succession

Le successeur de Kamerhe hérite d’une institution en quête de crédibilité. Dans son discours d’investiture, Sangara a promis de « travailler pour l’intérêt du peuple congolais », prônant une Assemblée « inclusive » et un espace d’expression « apaisé ». Il s’engage à replacer « les députés nationaux au centre des actions de l’Assemblée nationale », un message qui résonne comme une promesse d’autonomie face à l’exécutif.

Mais derrière les déclarations de principe, le nouveau président devra composer avec les réalités d’un parlement souvent miné par les divisions et les jeux d’influence. Son expérience d’économiste et sa connaissance des arcanes de l’État seront-elles des atouts décisifs ? L’avenir le dira. Pour l’heure, Aimé Boji Sangara incarne la continuité d’un système où la compétence technique et le réseautage politique font bon ménage.

Élection à l’Assemblée nationale Congolaise : prime ou principe ?

KINSHASA. – Le vote a eu lieu, mais dans une atmosphère lourde. Aimé Boji Sangara a été élu président du bureau de l’Assemblée nationale ce jeudi 13 novembre avec 413 voix sur 423. Ce résultat ne surprend pas, car il était le seul candidat présenté par l’Union sacrée de la Nation (USN). Clotilde Mutita a aussi été élue rapporteure adjointe sans difficulté.
Pourtant, plusieurs médias locaux affirment que les coulisses du Palais du Peuple ont été le théâtre de négociations douteuses.

Un vote retardé par une querelle de primes

Le scrutin, prévu dans l’après-midi, a accusé un long retard. Selon des sources parlementaires , un groupe de députés de l’USN a refusé de siéger. Ils réclamaient le versement d’une prime promise avant de valider le ticket unique.

Ces sources évoquent une demande de 6 000 USD par parlementaire. Une avance de 2 500 USD aurait déjà été remise, et le solde devait suivre après le vote.
Ce bras de fer aurait provoqué le report de la séance plénière. L’opposition a condamné ce comportement et parle d’un « spectacle désolant » qui affaiblit la démocratie.

Une majorité fissurée malgré l’apparence d’unité

Cet épisode révèle une fracture interne au sein de l’USN. La majorité présidentielle ne montre pas l’image d’un bloc soudé, mais plutôt celle d’une coalition d’intérêts.
« On a la preuve que l’Union sacrée n’a pas garanti son unité. C’est un groupe d’opportunistes », a commenté un député, sous anonymat, dans un média local.

La question reste posée : comment des élus peuvent-ils réclamer une prime pour voter un ticket déjà validé par leur propre famille politique ? Observateurs et membres de l’opposition dénoncent une dérive inquiétante.

Un résultat acquis, mais une crédibilité fragilisée

Malgré les tensions, le vote s’est conclu. Aimé Boji Sangara succède à Vital Kamerhe à la tête de l’Assemblée nationale. Mais les révélations sur les tractations internes interrogent la gouvernance et l’éthique au plus haut niveau de l’État.

Ce bras de fer, centré sur des avantages financiers, risque d’entamer durablement la crédibilité du Parlement. Alors que la nouvelle équipe dirigeante entre en fonction, une ombre persiste : celle d’un vote peut-être obtenu au prix fort, et non sur la seule conviction politique.

Denise Nyakeru plaide pour les femmes violées de Makala

KINSHASA. – Le cabinet du ministre de la Justice a accueilli une visite aussi rare que symbolique, ce jeudi 13 novembre. Denise Nyakeru Tshisekedi, Première Dame de la République, s’y est rendue, entourée des membres de sa fondation, pour interpeller l’État sur le sort des femmes victimes de violences sexuelles lors de la tentative d’évasion à la prison centrale de Makala, dans la nuit du 1er au 2 septembre 2024. Face à elle, le ministre d’État Guillaume Ngefa a salué une démarche « porteuse d’espoir » pour toutes les détenues congolaises.

Les deux personnalités ont d’abord rendu hommage à la justice militaire, qui a condamné à vingt ans de prison les cinquante-huit détenus reconnus coupables de viols lors de ces événements. « Un signal fort contre l’impunité des violences sexuelles », ont-elles unanimement souligné. Mais au-delà du verdict, restait la question, plus épineuse, de l’accompagnement des survivantes et de l’amélioration des conditions de détention des femmes et des enfants.

Vers un partenariat stratégique

Au cœur des discussions : la mise en place d’un partenariat entre le ministère de la Justice et la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi (FDNT). L’objectif est double : assurer une prise en charge holistique des victimes de violences sexuelles en milieu carcéral et apporter un soutien institutionnel aux centres de détention. La Première Dame a insisté sur la nécessité d’une « synergie » entre les ministères de la Justice, des Affaires sociales et des Droits humains, afin de garantir la libération effective et la réinsertion sociale des femmes concernées.

« L’engagement de la Première Dame est un signal fort pour l’amélioration des conditions de détention des femmes et des enfants dans nos prisons », a déclaré le ministre Ngefa, réaffirmant sa volonté de « faire respecter les droits de chaque citoyen, y compris en prison », et de poursuivre la lutte contre la corruption au sein du système pénitentiaire.

Un plaidoyer qui fait écho

La visite de Denise Nyakeru Tshisekedi s’inscrit dans la continuité de son action en faveur des plus vulnérables. En venant au Palais de la Justice, elle a offert une caisse de résonance à un drame souvent tus : celui des violences sexuelles derrière les barreaux, où les victimes, déjà privées de liberté, voient leur dignité bafouée.

Alors que les échanges se sont conclus par une photo de famille, symbole d’une collaboration désormais officialisée, une certitude s’impose : la libération des corps ne suffit plus. Il faudra aussi reconstruire des vies brisées. Le plaidoyer de la Première Dame ouvre une voie – celle d’une justice qui, sans renoncer à punir, se souvient qu’elle doit aussi protéger.

Le procès fantôme de Roger Lumbala

PARIS. – Le box des accusés est resté désespérément vide, ce jeudi 13 novembre. Roger Lumbala, l’ancien chef de guerre congolais, a tenu parole : il a boudé son procès. Retranché dans une cellule du palais de justice de Paris, il a refusé d’en sortir, laissant la Cour d’assises face à un dilemme inédit. Faut-il le faire sortir de force ? Poursuivre sans lui ? La scène, surréaliste, a suspendu pendant plus de deux heures le cours de la justice.

Le président de la Cour avait pourtant prévenu la veille : il irait « le chercher de gré ou de force ». Mais face à la détermination du prévenu, la machine judiciaire a calé. Dans la salle d’audience, les avocats des parties civiles, déconcertés, ont dû improviser. Me Tuilier, l’un d’eux, s’est tourné vers les jurés – onze femmes et un homme – pour leur rappeler la légitimité de leur mission, malgré l’absence qui plane sur les débats.

La stratégie du vide

En récusant ses avocats, puis en refusant de comparaître, Lumbala mène une guerre d’usure. Il conteste farouchement la compétence de la justice française à le juger, lui, Congolais, pour des crimes commis en RDC il y a plus de vingt ans. Son procès, le premier en France visant un ressortissant congolais sur le fondement de la compétence universelle, se transforme en bras de fer judiciaire et symbolique.

La question de la compétence, soulevée mercredi juste avant le renvoi des défenseurs, n’a toujours pas été tranchée. Le président de la Cour a choisi de prendre son temps, laissant planer le doute sur la suite des procédures. Une suspension qui ajoute au sentiment de flottement.

La parole malgré tout

En l’absence de l’accusé, la parole s’est néanmoins libérée. Une spécialiste des violences sexuelles en temps de conflit a décrit l’enfer vécu par les populations civiles de l’Ituri au début des années 2000. Ces territoires déchirés entre milices, où les femmes payaient le prix fort. Son témoignage, poignant, a rappelé l’urgence et la nécessité de ce procès, même dans le vide apparent du box.

Mais sans Lumbala, sans défense pour contre-interroger, sans débat contradictoire, la justice peut-elle vraiment suivre son cours ? Les parties civiles, représentant les victimes des exactions du RCD-N, redoutent un procès en trompe-l’œil, où l’accusé, par son absence, nierait jusqu’à l’existence de la justice qui le condamne.

Alors que la Cour tente de maintenir le cap, une question demeure : comment juger un homme qui refuse d’être jugé ? La réponse se construira, jour après jour, dans l’obstination des juges, la douleur des témoins et le silence assourdissant d’un box toujours vide.

Kabombo Muadiamvita trace un nouvel axe de défense à Bamako

BAMAKO. – Sur le stand congolais du premier salon « BAMZEX 25 », les échanges avaient des allures de traités stratégiques. Guy Kabombo Muadiamvita, vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, a profité de cette tribune à Bamako pour consolider un réseau militaire en pleine recomposition.
Burkina Faso, Niger, Russie : le gouvernement congolais esquisse une nouvelle alliance défensive avec des partenaires africains et des puissances non traditionnelles.

« L’Afrique dispose des ressources humaines, techniques et morales nécessaires pour assurer elle-même sa sécurité », a affirmé le ministre. Il a ainsi repris la vision du président Félix Tshisekedi d’une « Afrique solidaire et maîtresse de sa sécurité ».
Cette déclaration, faite depuis la capitale malienne, sonne comme un signal géopolitique fort à l’occasion du premier Salon de la défense et de la sécurité.

Une diplomatie de défense à plusieurs voix

Les rencontres se sont succédé à un rythme soutenu. Celle avec le vice-ministre russe de la Défense a toutefois marqué un tournant symbolique.
Dans un contexte de rivalités internationales croissantes, la RDC veut diversifier ses partenariats sans rompre avec ses alliés traditionnels.

Aux côtés des responsables burkinabè et nigériens, le ministre congolais a évoqué des coopérations concrètes : formation des troupes, échanges de renseignements et transfert de technologies.
Ces initiatives visent à renforcer une armée congolaise encore en reconstruction, confrontée aux défis persistants dans l’Est du pays.

BAMZEX 25 : la souveraineté africaine en vitrine

Placée sous le thème « L’Afrique au cœur des innovations mondiales de défense », la première édition de BAMZEX a permis à la délégation congolaise de découvrir des solutions adaptées aux réalités du terrain.
Guy Kabombo Muadiamvita veut transformer cette expérience en levier pour dynamiser l’industrie de défense nationale, encore naissante.

« Cette démarche s’inscrit dans la recherche d’une sécurité autonome, conçue par et pour les Africains », a-t-il souligné.
Cette vision repose sur deux axes : renforcer la coopération Sud-Sud et établir des partenariats stratégiques équilibrés avec des puissances prêtes à partager leur expertise sans ingérence.

Alors que les menaces sécuritaires se multiplient sur le continent, la RDC affirme sa volonté de devenir un acteur central des nouveaux équilibres africains.
Le message lancé depuis Bamako est clair : Kinshasa ne veut plus subir sa sécurité — elle veut désormais la construire.

BBL, la mode mortelle qui affole le parlement Congolais

KINSHASA. – Dans l’hémicycle du Palais du Peuple, la voix du député Guy Mafuta Kabongo a tracé comme un scalpel. Ce jeudi 13 novembre, l’élu du Kasaï a interpellé le ministre de la Santé publique sur un phénomène en pleine expansion : la multiplication inquiétante de cliniques fantômes et de « boutiques » médicales pratiquant des chirurgies esthétiques à haut risque. En ligne de mire : le Brazilian Butt Lift (BBL), cette opération de augmentation fessière qui séduit de plus en plus de Congolaises, au péril de leur vie.

« Ces interventions exposent nos citoyennes à des dangers mortels », a alerté le parlementaire, dénonçant des établissements non agréés, dirigés par du personnel non qualifié et dépourvus du moindre équipement adéquat. Derrière les vitrines clinquantes et les publicités alléchantes sur les réseaux sociaux se cacherait une réalité sordide : celle de praticiens improvisés jouant avec la santé des femmes, dans un pays où la régulation fait cruellement défaut.

L’urgence d’une réponse gouvernementale

Face au silence des autorités sanitaires, le député a adressé une série de questions précises au ministre Roger Kamba. Ces cliniques sont-elles ne serait-ce qu’autorisées ? Disposent-elles du plateau technique requis ? Quelles qualifications exigées des praticiens ? Autant de points restés sans réponse, alors que les complications post-opératoires – infections, embolies graisseuses, parfois décès – se multiplient dans l’ombre.

La mode du BBL, popularisée par des influenceuses et certaines figures médiatiques, crée une pression sociale dangereuse. « Il est impératif que le gouvernement assume sa responsabilité dans la protection des citoyens et la préservation de l’éthique médicale », a plaidé Mafuta, appelant à un encadrement urgent de ces pratiques.

Un cadre légal inexistant

L’initiative du député relance un débat crucial sur la régulation des pratiques esthétiques en RDC. Dans un contexte où la quête de beauté frôle souvent l’obsession, l’absence de cadre expose les femmes les plus vulnérables à des dérives prédateurs. Quelles sanctions contre les centres illégaux ? Quelles mesures de prévention ? La balle est désormais dans le camp du ministre Kamba.

Alors que les réseaux sociaux continuent de véhiculer des images idéalisées de silhouettes remodelées, la réalité, elle, est tout autre : celle de femmes risquant leur vie sur des tables d’opération de fortune. Le parlement a tiré la sonnette d’alarme. Reste à savoir si le gouvernement entendra cet appel à la raison.

Kinshasa, capitale de la démocratie Africaine

KINSHASA. – Ils arriveront de tout le continent, porteurs des aspirations de leurs peuples et des défis de leurs nations. Du 18 au 22 novembre 2025, la capitale congolaise devient l’épicentre de la réflexion démocratique africaine, accueillant la 47e Conférence des Présidents de Parlement et la 8e session du Comité exécutif de l’Union Parlementaire Africaine (UPA). Dans l’écrin moderne du Golden Tulip Kin Oasis Hôtel, se jouera une partie essentielle de l’avenir institutionnel du continent.

Créée il y a près d’un demi-siècle à Abidjan, l’UPA rassemble aujourd’hui 42 parlements membres. Sa mission : tisser des liens entre les législations nationales, consolider les démocraties encore fragiles et construire une communauté juridique adaptée aux réalités africaines. Cette session de Kinshasa, organisée sous le double patronage de l’Assemblée nationale et du Sénat congolais, s’inscrit dans la continuité des décisions prises à N’Djamena puis à Rabat. Elle vise à renforcer les mécanismes institutionnels de l’Union et à approfondir la coopération entre parlements.

Au menu des travaux : l’Afrique de demain

Les débats s’annoncent riches et substantiels. Les présidents d’assemblées et leurs délégations devront adopter le plan annuel de travail pour 2026, examiner le budget de l’organisation, et étudier les rapports des différentes commissions. Mais au-delà de ces aspects techniques, des questions stratégiques seront au cœur des échanges : la souveraineté nationale comme levier du développement durable, les défis de la transition énergétique, ou encore la gouvernance numérique et ses implications pour les droits des femmes.

La participation du Comité des femmes parlementaires apportera une dimension essentielle à ces réflexions. Placée sous le thème de « l’autonomisation des femmes par la bonne gouvernance digitale », leur contribution témoigne de l’engagement de l’UPA en faveur de l’égalité de genre et de la modernisation des pratiques institutionnelles.

Kinshasa, vitrine diplomatique

Pour la République Démocratique du Congo, l’organisation de cet événement revêt une importance particulière. Elle confirme le rôle de Kinshasa comme carrefour diplomatique et plateforme privilégiée du débat démocratique africain. Le pays y voit l’occasion d’affirmer son ambition de jouer un rôle moteur dans la diplomatie parlementaire continentale, tout en participant activement à l’évolution des textes fondamentaux de l’UPA.

Alors que les délégués s’apprêtent à débattre de l’avenir du continent, une certesse s’impose : c’est dans ces enceintes, par le dialogue et la coopération, que se construisent les fondations d’une Afrique plus unie, plus démocratique et plus souveraine. La voix des parlements, expression de la volonté populaire, résonnera pendant cinq jours dans la capitale congolaise, rappelant que la démocratie n’est pas un vain mot, mais un chantier permanent.

Procès Lumbala à Paris : l’ex-chef rebelle appelle Bemba à la barre

PARIS. – Le coup de théâtre est venu des avocats de la défense. Alors que s’ouvrait le procès de Roger Lumbala, l’ancien chef rebelle congolais, pour complicité de crimes contre l’humanité, une requête inattendue a suspendu le cours normal des débats : la comparution de Jean-Pierre Bemba, actuel vice-Premier ministre de la RDC. La manœuvre, aussi audacieuse que calculée, transforme soudain ce procès pénal en enjeu diplomatique de premier ordre.

Dans le box des accusés, Lumbala, visage fermé, semble mesurer la portée de cette requête. L’ancien dirigeant du RCD-N, poursuivi pour des crimes commis entre 2002 et 2003 dans l’est de la RDC, ne se contente pas de se défendre. Il contre-attaque en exigeant la vérité de la bouche même de ceux qui, comme lui, ont tenu les rênes du pouvoir durant ces années sanglantes. Outre Bemba, il réclame aussi l’audition de Constant Ndima, ancien gouverneur militaire du Nord-Kivu, et d’anciens membres de son mouvement rebelle.

Un passe-droit diplomatique

La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises. La citation à comparaître, transmise via l’ambassade de France à Kinshasa dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale, place le gouvernement de la RDC devant un dilemme cornélien. Accepter de laisser son vice-Premier ministre témoigner dans un procès sensible ? Ou refuser, au risque de crisper les relations avec Paris ?

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En coulisses, la diplomatie française s’était préparée à cette éventualité. L’ambassadeur à Kinshasa avait multiplié les rencontres préventives avec pas moins de trois ministres de la Justice congolais successifs entre avril et septembre 2025. Une valse ministérielle destinée à « prévenir tout malentendu », selon les termes des procès-verbaux. Preuve que Paris anticipait les ondes de choc potentielles de cette affaire.

La mémoire comme stratégie de défense

En réclamant la comparution de Bemba, Lumbala et ses avocats jouent une carte risquée. Ils espèrent sans doute complexifier le procès, y introduire des considérations politiques qui dépassent la seule personne de l’accusé. Jean-Pierre Bemba n’est pas un témoin comme les autres. Ancien chef rebelle lui aussi, condamné puis acquitté en appel par la Cour pénale internationale, il incarne mieux que quiconque les zones d’ombre de cette période troublée.

« Ils veulent faire de ce procès le miroir de toutes les ambiguïtés de la transition congolaise », analyse un observateur judiciaire présent dans la salle. « En convoquant Bemba, Lumbala cherche à montrer que la frontière entre bourreaux et victimes, entre criminels et hommes d’État, fut souvent poreuse dans les conflits congolais. »

L’ombre de la CPI

Le procès Lumbala s’inscrit dans la continuité des procédures internationales visant les crimes commis en RDC. Mais il s’en distingue par sa nature : c’est la justice française, via le principe de compétence universelle, qui juge des crimes congolais. Une première pour un ressortissant congolais, et un test pour ce dispositif juridique encore contesté.

Alors que des dizaines de témoins doivent encore défiler à la barre, une question demeure : les autorités congolaises laisseront-elles Bemba témoigner ? La réponse pourrait bien déterminer l’issue non seulement de ce procès, mais aussi des futures coopérations judiciaires entre la France et la RDC. Dans les couloirs du palais de justice, on chuchote que Kinshasa pourrait opposer une fin de non-recevoir, invoquant l’immunité diplomatique de son vice-Premier ministre.

Le procès Lumbala venait de s’ouvrir, il est déjà entré dans l’histoire.

RDC – Mondial 2026 : la prime d’un million qui change la donne

KINSHASA. – L’appât du gain peut-il soulever des montagnes ? Faire d’une équipe de football les héros d’une nation ? À deux matchs d’un rêve qui hante le pays depuis des décennies, la République démocratique du Congo mise sur une arme secrète : un chèque d’un million de dollars. Par joueur. La promesse, venue du sommet de l’État, est simple, presque brutale. Qualifiez-vous pour les barrages intercontinentaux, et la banque ouvrira ses coffres. Même sans le sésame pour la Coupe du monde.

Sur le papier, le chemin semble tracé. Battre le Cameroun ce jeudi. Puis, le vainqueur de Gabon-Nigeria, dimanche. Deux victoires pour accéder à l’antichambre du Mondial 2026, et empocher la plus grosse prime de l’histoire du football congolais. L’information, confirmée par Sport News Africa, a dû faire son effet dans le vestiaire des Léopards. Le président Félix Tshisekedi lui-même aurait donné des consignes fermes à la Rawbank : en cas de succès, les virements seront exécutés. Immédiatement.

Une prime XXL, mais une cible ajustée. Car l’objectif n’est pas encore la phase finale de la Coupe du monde. Seulement les barrages intercontinentaux, ce ultime tournoi où six nations se disputeront les deux derniers billets pour l’Amérique du Nord. La RDC, si elle s’y hisse, y sera favorite. Face à la Nouvelle-Calédonie ou la Bolivie, le talent des Bakambu, Mbemba ou Wan-Bissaka pourrait faire la différence.

Sur le terrain, les circonstances semblent sourire aux Léopards. Face à eux, un Cameroun affaibli. Choupo-Moting et Zambo Anguissa forfaits, Onana incertain… Les Lions Indomptables ont la gueule de bois. Une aubaine pour une RDC qui n’a plus participé à une Coupe du monde depuis 1974, alors qu’elle s’appelait encore le Zaïre.

Reste une question, dans les couloirs du stade de Rabat : cet argent, s’il motive les joueurs, ne risque-t-il pas de les paralyser ? Le sélectionneur Sébastien Desabre, lui, devra composer avec cette pression dorée. Lui et son staff, d’ailleurs, ne toucheront pas un centime de ce pactole. Seuls les joueurs sont concernés. Une distinction qui pourrait créer des tensions, ou au contraire souder le groupe autour d’un objectif commun.

Ce jeudi, au coup d’envoi, ce ne seront pas seulement des footballeurs qui entreront sur la pelouse. Ce seront des hommes à un match d’un changement de vie. L’histoire du football congolais s’écrit ici, à Rabat, portée par l’espoir d’un peuple et le doux son des machines à billets.

L’Heure du Jugement : Un Seigneur de guerre Congolais face à ses crimes

PARIS – La lourde porte de la Cour d’assises s’ouvre sur un passé sanglant.
Sur le banc des accusés, un visage que l’on croyait intouchable : Roger Lumbala Tshitenga. L’ancien chef de guerre et ex-ministre congolais écoute l’acte d’accusation avec gravité. Pour Amnesty International, ce procès est « historique ». Ce n’est pas seulement un jugement ; c’est la fin d’un long silence.

Les faits remontent aux années 2002-2003, au cœur des guerres de l’Est congolais. À la tête du Rassemblement Congolais pour la Démocratie – National (RCD-N), Lumbala aurait dirigé l’opération « Effacer le tableau ».
Cette campagne d’épuration visait les populations Mbuti et Nande. Ses troupes auraient commis des atrocités : meurtres, viols, esclavage, pillages. L’accusation parle même de cannibalisme forcé.
Vingt ans plus tard, ces crimes réclament justice.

Un procès historique et un signal mondial

Ce procès marque une première. La France applique la compétence universelle pour juger un ressortissant congolais accusé de crimes commis sur le sol africain. Ce principe permet à un État de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité, où qu’ils se trouvent.
Roger Lumbala, longtemps protégé par l’exil et son statut politique, risque désormais la réclusion à perpétuité.

Pour les survivants, l’audience va au-delà du droit. C’est une reconnaissance tant attendue.
« Ils attendent justice depuis plus de vingt ans », rappelle Vongai Chikwanda, d’Amnesty International.
Selon lui, ce procès envoie un message clair : nul ne peut fuir éternellement la justice internationale.

Amnesty appelle aussi d’autres pays à suivre l’exemple français. L’organisation exhorte les États à juger les présumés criminels de guerre présents sur leur territoire. « L’inaction de la RDC ne doit plus servir de prétexte au silence du monde », martèle l’ONG.

justice qui rattrape le temps

Le procès Lumbala devient un symbole : celui d’une justice qui traverse les frontières et les années.
Pour les victimes, c’est la preuve que leur douleur n’a pas été oubliée.
Pour les bourreaux, un avertissement : aucun pouvoir, aucune forêt, aucun exil ne les protégera indéfiniment.

Le rideau se lève à Paris sur le théâtre de la justice.
Après vingt ans d’attente, la vérité, enfin, prend la parole.