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Centrafrique: les bébés, premières victimes du désert médical

Dans la maternité de Boali, à 100 km de la capitale centrafricaine Bangui, les gémissements qui filtrent de la salle…

Dans la maternité de Boali, à 100 km de la capitale centrafricaine Bangui, les gémissements qui filtrent de la salle d’accouchement n’expriment aucune promesse de bonheur

 

Dans la maternité de Boali, à 100 km de la capitale centrafricaine Bangui, les gémissements qui filtrent de la salle d’accouchement n’expriment aucune promesse de bonheur. Dans une salle sombre, sur un lit métallique cerclé de rideaux violets, une femme pleure son enfant mort en couche.

Ici, comme dans beaucoup de centres de santé du pays, le sol bétonné est imbibé des larmes de mères endeuillées. Car cette femme n’est ni la première, ni la dernière à subir un tel drame: en Centrafrique, un enfant sur 24 meurt durant son premier mois de vie, le deuxième pire taux de mortalité néonatale au monde, selon un rapport de l’Unicef paru mercredi.

Le taux de mortalité infantile (décès dans les 5 premières années de vie), est lui de 124 pour mille. Ces chiffres alarmants sont dus au manque cruel de médecins et spécialistes, selon l’Unicef, qui estime que plus de la moitié des infrastructures de santé du pays sont gérées par du personnel non qualifié ou des volontaires.

Le docteur N-Eloi Mboufoungou en est conscient: il est le seul médecin-généraliste de la sous-préfecture de Boali, qui compte un peu plus de 33.000 habitants.

Assisté de 25 agents de santé, dont seuls 9 sont qualifiés, il ne peut que déplorer le manque de suivi des femmes enceintes ou des jeunes enfants: « les femmes viennent faire une consultation pour leur première grossesse, puis elles disparaissent souvent dans la nature », explique-t-il.

A l’échelle du pays, le constat est identique. En ville, une femme sur 2 bénéficie d’au moins une consultation prénatale. La proportion tombe à un quart en milieu rural, selon l’Unicef.

Manque d’équipement
Cette faible fréquentation est d’abord due au coût des soins et des médicaments, tous à la charge du patient. En Centrafrique, un accouchement coûte 1.000 francs CFA (1,5 euros) alors que 76% de la population vit dans l’extrême pauvreté, soit avec moins de 1,9 dollars par jour, selon la Banque mondiale.

Sans compter les frais de déplacement, en voiture ou en taxi-moto, pour ceux qui en ont les moyens. « J’ai marché 3 km à pied pour venir, car je n’avais pas d’argent pour le transport », raconte Judith, d’une voix lasse.

Elle est arrivée à midi à la maternité de Boali et a accouché trois heures plus tard. Elle repartira bientôt, comme cette autre femme, qui titube jusqu’à un taxi-moto où l’attend son mari. Une grimace déchire son visage lorsqu’elle s’assoit sur la selle. Elle aussi vient d’accoucher.

Inutile de compter sur l’ambulance de l’hôpital: elle rouille, sans ses roues, à l’ombre du bloc opératoire. « Cela pose des problèmes logistiques, pour faire descendre les malades avec des complications à Bangui », euphémise le docteur.

Car, du fait du manque criant de matériel en provinces, de nombreux cas « atterrissent » à Bangui. Au complexe pédiatrique de la capitale, les taux de mortalité néonatale et infantile sont légèrement meilleurs, du fait de la concentration d’équipement dans cet établissement.

Cet hôpital est le seul à disposer de couveuses et autres matériels adaptés et draine en conséquence de nombreux cas avec complications (prématurés, notamment) de Bangui et de province. Il concentre également les uniques pédiatres du pays.

« Tout est concentré ici a Bangui, cela laisse voir ce qu’il manque pour le reste du pays, en équipement, en ressources humaines », explique le professeur Jean-Chrysostome Gody, du complexe pédiatrique banguissois.

La République centrafricaine et ses 4,5 millions d’habitants ne compte que 5 pédiatres – qui travaillent tous au service pédiatrique du complexe -, 7 gynécologues obstétriciens – qui résident tous à Bangui – et environ 300 sage-femmes.

Et même dans la capitale, les conditions restent difficiles: « Les grand prématurés, nous avons très peu de moyen pour eux, sinon aucun ». Et d’ajouter: « ce peu de moyens, ça pèse énormément dans la mortalité ».

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