La tension était palpable, ce mardi 2 septembre, aux abords de la Cour de cassation. Après une nuit d’agitation et un report d’audience qui avait jeté de l’huire sur le feu, la haute juridiction a finalement rendu son arrêt. L’ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba, a été condamné à trois ans de travaux forcés pour le détournement de 19 millions de dollars américains destinés à la construction d’une prison à Kisangani.
Une peine lourde de conséquences, mais bien en deçà des dix ans requis par le ministère public, créant un choc dans l’opinion entre ceux qui y voient une clémence calculée et d’autres, une justice qui passe.
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La capitale sous pression
Dès la nuit de lundi à mardi, Kinshasa avait montré les dents. Vers trois heures du matin, la police est intervenue pour disperser des dizaines de partisans de l’ancien Garde des sceaux qui veillaient devant sa résidence à Ngaliema, manifestant leur soutien. Au petit matin, le périmètre autour de sa maison était quadrillé par les forces de l’ordre, prêtes à toute éventualité.
Le dispositif sécuritaire n’a fait que se renforcer à l’approche de l’audience. Un convoi impressionnant, composé d’un véhicule blindé de l’armée et escorté par des militaires lourdement armés, a traversé la capitale pour conduire l’ancien ministre au tribunal. Un spectacle rare qui a attiré tous les regards et souligné la gravité du moment.
Un verdict et une chute
Dans la salle d’audience, l’attente était insoutenable. Après l’avoir initialement reporté au lundi 1er septembre, la Cour de cassation a finalement livré son verdict ce mardi.
Outre la peine principale de trois ans de travaux forcés, la Cour a prononcé une série de sanctions complémentaires cinglantes : une interdiction de cinq ans d’accéder à toute fonction publique, la privation du droit de vote et d’éligibilité, et l’obligation de restituer les 19 millions de dollars détournés. La justice a également été inflexible sur un point : suppression du droit à la libération conditionnelle et à la réhabilitation.
Entre soulagement et interrogations
Si la condamnation acte la culpabilité de l’ancien ministre d’État, la peine prononcée, trois ans contre dix requis, laisse planer le doute. Pour les partisans de Mutamba, qui dénonçaient un « procès politique », ce verdict pourrait être perçu comme une demi-victoire. Pour les observateurs, il marque peut-être la fin d’un long feuilleton judiciaire, mais ouvre un nouveau chapitre, celui de l’exécution de la peine et de la restitution des fonds.
L’annonce du verdict a été accueillie dans un silence relatif, la ville semblant retenir son souffle, encore sous le choc des manifestations de la veille et de l’impressionnant déploiement militaire.
Alors que Constant Mutamba a été immédiatement placé sous mandat de dépôt, une question persiste :
cette sentence, ferme dans son principe mais clémente dans sa durée, apaisera-t-elle la rue ou attisera-t-elle davantage la colère ?
Pour ses partisans, ce verdict illustre moins une victoire contre l’impunité qu’un cynisme politique : le sacrifice d’un homme pour donner le change, tandis que d’autres détournent encore dans l’ombre.
La page judiciaire est tournée, mais le livre politique reste grand ouvert. Et dans ses prochains chapitres, une question centrale hantera le récit : Mutamba a-t-il été condamné pour avoir détourné des fonds, ou pour être tombé en disgrâce ?
Le procès de l’ancien ministre est clos, celui de la crédibilité d’un système accusé de justice sélective, lui, ne fait que commencer.