La voix porte, ferme et déterminée, dans le Centre de Conférence ministériel parisien. Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, adresse ce jeudi un message sans détour à la communauté internationale. Face aux diplomates du monde entier, il dresse un constat accablant : le Rwanda et son soutien au groupe M23 alimentent directement la crise humanitaire qui ravage l’Est congolais.
« La crise humanitaire dans mon pays découle directement des actions militaires que mène le groupe armé AFC/M23. Et le Rwanda soutient ce groupe sur les plans logistique, financier et opérationnel. » Les mots du chef de l’État congolais frappent l’assistance. Plus qu’un discours, c’est un réquisitoire.
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Trente ans d’une crise qui n’en finit pas
Le président congolais replace la crise actuelle dans une temporalité douloureuse. « L’Est de la RDC saigne depuis trente ans d’une plaie qui ne se referme pas. Nous ne vivons pas une simple crise, mais une tragédie permanente. » Cette déclaration sonne comme un aveu d’échec pour la diplomatie internationale.
Dans la salle, les représentants d’une vingtaine de nations écoutent, attentifs. Les États-Unis ont envoyé Massad Boulos, conseiller présidentiel pour les affaires arabes et africaines. La France participe avec son ministre Jean-Noël Barrot. Même le Rwanda écoute, par la voix de son ministre des Affaires étrangères.
Trois demandes cruciales
Tshisekedi structure son intervention autour de trois exigences précises. Première urgence : l’accès humanitaire. « Nous réclamons des corridors humanitaires sécurisés pour apporter des soins, de la nourriture et des abris aux populations prisonnières des combats. »
Deuxième priorité : le financement. « J’exige des engagements financiers supplémentaires, ciblés et durables. Ces fonds doivent couvrir les besoins vitaux. Ne voyez pas cela comme une simple aide, mais comme un investissement pour stabiliser une région stratégique. »
Enfin, troisième point, le plus politique : l’alignement diplomatique. « Chaque partenaire présent doit soutenir l’application de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité. Tous doivent exiger le retrait immédiat du M23. Une paix durable exige d’abord la fin de l’occupation. Sur ce principe, je ne tolérerai aucun double langage. »
L’heure des comptes
Les organisateurs de la conférence rappellent l’ampleur des besoins. Le plan humanitaire 2025 pour la RDC nécessite 2,54 milliards de dollars. Or, les donateurs n’ont financé que 16% de ce montant. « Le succès de cette conférence se mesurera à l’ampleur de la mobilisation financière », avait prévenu Jérémy Robert, conseiller Afrique d’Emmanuel Macron.
Plus tôt dans la journée, le ministre togolais des Affaires étrangères Robert Dussey avait insisté : « Cette crise révèle notre échec collectif. L’action humanitaire ne relève pas de la charité, mais de la solidarité essentielle. »
Les annonces de financement arriveront dans l’après-midi. Mais Tshisekedi le sait : sans pression réelle sur Kigali, l’aide humanitaire ne sera qu’un soulagement temporaire. La communauté internationale doit maintenant choisir : accompagner verbalement la RDC ou contraindre réellement le Rwanda à cesser son ingérence. Le compte à rebours pour l’Est congolais a commencé.
