Ce n’était pas un départ comme les autres. Ce mardi matin, devant sa demeure de l’ouest parisien, l’air était lourd d’une histoire en train de s’écrire. Une centaine de fidèles, drapeaux tricolores agités comme des oriflammes de défi, scandaient son prénom en une litanie désespérée : « Nicolas ! Nicolas ! ». Accompagné de son épouse, Carla Bruni, dont le visage fermé trahissait l’émotion, l’ancien président de la République a salué une dernière fois ces partisans venus lui offrir un rempart de sympathie avant la chute.
Puis, la voiture a franchi les grilles. Direction : la prison de la Santé. Le voyage vers l’inédit, vers l’impensable.
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9h40 : l’entrée de Nicolas Sarkozy dans l’histoire judiciaire
À 9h40, le véhicule s’est engouffré dans l’enceinte de la prison parisienne. Derrière les hauts murs, la nouvelle de son arrivée a électrisé l’atmosphère carcérale. Des détenus, aux aguets derrière leurs barreaux, ont lancé des cris qui résonnaient comme un accueil surréaliste : « Oh bienvenue Sarkozy ! », « Y a Sarkozy ! ». Une scène presque shakespearienne, où le puissant d’hier affronte les échos du monde qu’il a contribué à régir.
Quelques instants plus tôt, dans un ultime message sur les réseaux sociaux, l’homme d’État déchu s’était présenté en victime. « C’est un innocent que l’on enferme », avait-il martelé, promettant que « la vérité triomphera ». Mais, dans un souffle poignant, il concédait : « le prix à payer aura été écrasant ». Il évoquait alors sa « peine profonde pour la France », qu’il estime « humiliée par la vengeance » et la « haine portée à un niveau inégalé ».
L’instant est lourd de symbole : l’incarcération de Nicolas Sarkozy marque une première dans l’histoire de la Ve République. Condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, le 25 septembre 2025, pour « association de malfaiteurs » dans l’affaire des financements libyens de 2007, il rejoint les murs qu’aucun chef d’État n’avait franchis avant lui. Bien qu’il ait fait appel, la justice a ordonné son incarcération immédiate, invoquant « l’exceptionnelle gravité des faits ». La chute, cette fois, est définitive.
La contre-offensive et les secousses politiques
À peine la porte de sa cellule refermée, la machine judiciaire s’est remise en marche. Son avocat, Me Christophe Ingrain, a annoncé le dépôt d’une demande de mise en liberté. Devant les micros, il a dénoncé « une honte », jugeant ce placement sous écrou comme une injustice insupportable.
Cette requête, accompagnée d’une éventuelle proposition de bracelet électronique ou de contrôle judiciaire strict, sera examinée dans les semaines à venir. La bataille judiciaire ne fait donc que commencer.
Pendant ce temps, l’exécutif avance sur une ligne de crête. La visite annoncée du Garde des Sceaux à l’ancien président a suscité une vive polémique. Le ministre a évoqué un « devoir de vigilance », mais le procureur général Rémy Heitz a rappelé la nécessité d’une justice « rendue en toute sérénité ». Un avertissement à peine voilé dans une affaire où chaque geste, chaque mot, pèse lourd.
Ce matin du 21 octobre, ce n’est pas seulement un homme qui a perdu sa liberté, mais une République qui s’est confrontée à sa propre histoire. Entre les cris de soutien et les échos des cellules, Nicolas Sarkozy, devenu symbole d’une justice implacable, a basculé dans la légende noire du pouvoir.