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Huit militaires jugés pour humiliations d’une citoyenne allemande

L'image a fait le tour des réseaux sociaux, un stigmate numérique pour une nation tout entière. Celle d'Honorine Porsche, citoyenne…

Journal de Kinshasa

L’image a fait le tour des réseaux sociaux, un stigmate numérique pour une nation tout entière. Celle d’Honorine Porsche, citoyenne allemande, déshabillée, humiliée, exposée comme un trophée de guerre sur la Place Victoire, à Kinshasa. Face à cette scène, ce ne sont pas seulement les passants qui ont assisté, médusés, à l’interpellation musclée. C’est la conscience collective qui a vacillé.

Depuis ce lundi 20 octobre 2025, huit militaires des Forces armées de la RDC (FARDC) comparaissent devant la Cour militaire de Kinshasa-Gombe. Leur crime ? Avoir infligé à cette femme, présumée braqueuse, des traitements « inhumains et dégradants », un acte que le parquet militaire lui-même qualifie, sans ambages, d’« indigne ». Le ministère public réclame des sanctions exemplaires. Il ne s’agit plus seulement de juger une faute, mais de laver un affront fait à la dignité humaine et à l’honneur de l’uniforme.

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Les faits : un braquage factice, une humiliation bien réelle

Tout a commencé le 16 octobre. La Rawbank de la Place Victoire, lieu habituel de l’agitation kinoise, bascule soudain dans le chaos. Honorine Porsche fait irruption. Selon les éléments de l’enquête, elle aurait utilisé un simple jouet en forme d’arme pour tenter son forfait. L’opération des forces de l’ordre est musclée, efficace : elle est maîtrisée sans qu’aucune balle ne soit tirée, sans qu’aucun blessé ne soit à déplorer. Le danger était-il si grand ?

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Pourtant, c’est après l’arrestation que le drame judiciaire et humain se noue. Des vidéos, devenues virales, capturent l’innommable. On y voit des hommes en uniforme, dont le colonel Désiré Munesa et plusieurs capitaines, dénuder la présumée braqueuse en pleine rue, sous le regard d’une foule de curieux. Un spectacle de honte, sans le moindre remords visible.

Le procès : l’État congolais face à ses démons

Le dossier judiciaire est lourd. Les huit accusés, officiers et soldats, sont poursuivis pour un triple chef d’accusation : violation des consignes, non-dénonciation d’infractions et, surtout, abstention coupable. Des charges qui traduisent la volonté de sanctionner non seulement l’acte barbare, mais aussi la chaîne de silence et de complicité passive qui l’a entouré.

Dans le prétoire, l’atmosphère est tendue. L’ombre de la communauté internationale plane, incarnée par le communiqué cinglant de l’ambassade d’Allemagne. Berlin a publiquement condamné le traitement réservé à sa ressortissante et sommé les autorités congolaises de respecter leurs engagements en matière de droits humains.

L’onde de choc : entre indignation sociale et realpolitik

L’affaire Porsche a agi comme un électrochoc. Elle souligne, avec une cruelle acuité, les défis persistants du respect des droits fondamentaux lors des interventions sécuritaires en RDC. L’indignation est sociale, mais elle est aussi politique, forçant l’appareil d’État à réagir avec célérité pour contenir un scandale diplomatique.

Ce procès est bien plus que le jugement de huit hommes. C’est celui des pratiques d’une institution. Le parquet, en exigeant des peines exemplaires, tente de restaurer une crédibilité perdue. Il narre, par la voix de ses procureurs, une autre histoire possible : celle d’une justice qui, enfin, ne fermerait pas les yeux.

Le verdict sera scruté bien au-delà de la cour martiale de Gombe. Il dira si, à Kinshasa, la dignité d’une femme, fût-elle une présumée coupable, pèse plus lourd que la loi du plus fort.

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