Dans l’enceinte feutrée et chargée d’histoire du Palais des Nations Unies à Genève, la salle XVII Emirates Room a accueilli, ce lundi, une conférence d’une gravité exceptionnelle. Sous le nom de « Genocost », cette initiative se consacre à un plaidoyer poignant : faire mémoire, et surtout obtenir la reconnaissance internationale des souffrances infligées aux populations congolaises, victimes de génocides et de crimes contre l’humanité sur trois décennies.
Une délégation officielle de haut niveau venue de Kinshasa, comprenant les ministres de la Justice, des Droits humains, de la Communication et Médias, ainsi que la vice-ministre des Affaires étrangères, a porté la voix de la RDC. Leur présence silencieuse et déterminée a donné le ton avant même les premiers mots.
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Le plaidoyer enregistré du président Tshisekedi : un appel à la justice réparatrice
La conférence s’est ouverte par la projection du message enregistré du président Félix Tshisekedi. Son discours, axé sur l’impérieuse nécessité d’une « justice réparatrice et d’une paix durable », a fixé le cap. Il a insisté sur la prise en compte de la cartographie des faits à caractère génocidaire, l’établissement de leur existence au regard du droit international et la mise en place d’une architecture de justice transitionnelle « adaptée aux réalités congolaises ». Pour lui, il s’agit ni plus ni moins de garantir aux victimes la trilogie indispensable : vérité, poursuite et réparation.
L’ONU et l’UA engagent leur voix : le Rapport Mapping au centre des débats
La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en RDC, Bintou Keïta, a suivi en plaidant sans détour pour la prise en compte du fameux Rapport Mapping – ce document accablant de l’ONU qui dresse l’inventaire des violations massives des droits de l’homme entre 1993 et 2003. Elle a réaffirmé « l’engagement des Nations unies à accompagner la RDC dans sa quête de vérité et de justice », appelant à un processus de justice transitionnelle « crédible, inclusive et conforme aux standards internationaux ».
Un appel relayé et amplifié par Adama Dieng, premier envoyé spécial de l’Union africaine pour la prévention du crime de génocide. Il a rappelé les conclusions sans équivoque du Rapport Mapping, qui met en lumière des crimes susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité : massacres, viols systématiques et autres formes de violences. « Le constat a conduit à des appels à la justice, à la fin de l’impunité », a-t-il déclaré, soulignant l’urgence de réformes face à la « répétition des violations graves ».
Un contexte onusien marqué par l’alerte sévère de Volker Türk
Cette conférence s’inscrit dans l’ombre portée de la 60e session du Conseil des droits de l’homme. En ouverture, le Haut-Commissaire Volker Türk a dressé un constat sévère, plaçant la RDC au cœur de ses préoccupations. S’appuyant sur les preuves « accablantes » du rapport de la mission d’établissement des faits, il a dénoncé les violations graves qui se poursuivent « par toutes les parties au conflit » dans l’Est du pays, fustigeant particulièrement le rôle du M23 et des Forces de défense rwandaises (RDF).
Son message résonne comme un écho aux discussions de la conférence Genocost : la communauté internationale ne peut plus fermer les yeux. L’impératif est clair : « enquêter rapidement et de manière indépendante » pour garantir vérité, justice et réparations.
Alors que les débats se poursuivront à Genève, un message fort est envoyé : le temps de l’impunité pour les crimes commis en RDC doit prendre fin. La conférence Genocost n’est pas qu’un symposium ; elle est devenu le catalyseur d’une exigence historique de justice pour les millions de victimes congolaises.