La rivière Nsolo a englouti les rêves d’une génération. Dans la nuit noire du mercredi 10 septembre, le bateau Bokenda a disparu sous les eaux, emportant avec lui 86 âmes dont plus de 60 élèves. Un drame absurde qui jette une lumière crue sur l’impunité maritime qui règne dans les provinces reculées de la République démocratique du Congo.
Il était 22 heures quand le drame s’est produit au confluent des eaux sombres de la Nsolo et de la grande rivière Baringa. Le Bokenda, littéralement chargé à craquer, venait de quitter le secteur de Waka pour rejoindre le centre de Basankusu. À bord, des dizaines de jeunes vies, parties étudier, rêver, vivre.
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Un sauvetage désespéré
« Le bilan provisoire fait état de 86 victimes, dont une majorité d’élèves. Seules huit personnes ont pu être secourues grâce à l’intervention rapide des riverains », témoigne d’une voix brisée Jérémie Degba, journaliste d’une radio locale. Dans l’obscurité, les habitants des berges ont plongé, crié, tenté l’impossible pour arracher des vies aux courants voraces.
Mais face à la surcharge du bateau et à l’absence totale de gilets de sauvetage, leurs efforts ont souvent tourné au cauchemar. Les recherches se poursuivent encore, mais l’espoir s’amenuise à chaque heure qui passe.
Les causes connues et ignorées
Les premiers éléments pointent deux causes récurrentes : un mauvais chargement et une navigation de nuit. Deux pratiques formellement interdites mais tellement communes dans ces régions où les contrôles sont rares et la nécessité impérieuse.
« Le bateau était manifestement surchargé », confirment plusieurs témoins. Combien étaient-ils exactement à bord ? Nul ne le sait encore. La course contre la montre et le profit l’emportant trop souvent sur la sécurité des passagers.
Une tragédie nationale récurrente
Ce naufrage s’inscrit malheureusement dans une longue liste noire. En RDC, la vétusté des embarcations, le non-respect des normes de sécurité et la surcharge sont érigés en système. La navigation nocturne, bien qu’officiellement interdite, reste la règle dans de nombreuses provinces reculées.
Le Bokenda rejoindra dans la mémoire collective le triste cortège des bateaux fantômes qui hantent les fleuves congolais, emportant périodiquement des dizaines de vies dans l’indifférence générale.
Alors que les familles endeuillées commencent à identifier leurs disparus, une question brûle toutes les lèvres : jusqu’à quand la République laissera-t-elle ses enfants mourir dans l’indifférence des eaux sombres ? Le deuil de l’Équateur est aussi celui de toute la nation.