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Le procès fantôme de Roger Lumbala

PARIS. – Le box des accusés est resté désespérément vide, ce jeudi 13 novembre. Roger Lumbala, l’ancien chef de guerre congolais,…

PARIS. – Le box des accusés est resté désespérément vide, ce jeudi 13 novembre. Roger Lumbala, l’ancien chef de guerre congolais, a tenu parole : il a boudé son procès. Retranché dans une cellule du palais de justice de Paris, il a refusé d’en sortir, laissant la Cour d’assises face à un dilemme inédit. Faut-il le faire sortir de force ? Poursuivre sans lui ? La scène, surréaliste, a suspendu pendant plus de deux heures le cours de la justice.

Le président de la Cour avait pourtant prévenu la veille : il irait « le chercher de gré ou de force ». Mais face à la détermination du prévenu, la machine judiciaire a calé. Dans la salle d’audience, les avocats des parties civiles, déconcertés, ont dû improviser. Me Tuilier, l’un d’eux, s’est tourné vers les jurés – onze femmes et un homme – pour leur rappeler la légitimité de leur mission, malgré l’absence qui plane sur les débats.

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La stratégie du vide

En récusant ses avocats, puis en refusant de comparaître, Lumbala mène une guerre d’usure. Il conteste farouchement la compétence de la justice française à le juger, lui, Congolais, pour des crimes commis en RDC il y a plus de vingt ans. Son procès, le premier en France visant un ressortissant congolais sur le fondement de la compétence universelle, se transforme en bras de fer judiciaire et symbolique.

La question de la compétence, soulevée mercredi juste avant le renvoi des défenseurs, n’a toujours pas été tranchée. Le président de la Cour a choisi de prendre son temps, laissant planer le doute sur la suite des procédures. Une suspension qui ajoute au sentiment de flottement.

La parole malgré tout

En l’absence de l’accusé, la parole s’est néanmoins libérée. Une spécialiste des violences sexuelles en temps de conflit a décrit l’enfer vécu par les populations civiles de l’Ituri au début des années 2000. Ces territoires déchirés entre milices, où les femmes payaient le prix fort. Son témoignage, poignant, a rappelé l’urgence et la nécessité de ce procès, même dans le vide apparent du box.

Mais sans Lumbala, sans défense pour contre-interroger, sans débat contradictoire, la justice peut-elle vraiment suivre son cours ? Les parties civiles, représentant les victimes des exactions du RCD-N, redoutent un procès en trompe-l’œil, où l’accusé, par son absence, nierait jusqu’à l’existence de la justice qui le condamne.

Alors que la Cour tente de maintenir le cap, une question demeure : comment juger un homme qui refuse d’être jugé ? La réponse se construira, jour après jour, dans l’obstination des juges, la douleur des témoins et le silence assourdissant d’un box toujours vide.

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