Ils ont attendu vingt-sept longues années pour cette libération. Jeudi soir à Rabat, face au vieux rival camerounais, les Léopards de la RDC n’ont pas simplement gagné un match. Ils ont signé un manifeste. Celui d’une équipe mue par l’intelligence, capable de s’affranchir du poids de l’histoire d’un seul coup de tête, à la 92e minute. Sous la pluie battante du stade El Barid, c’est une victoire de l’esprit qui a scellé leur qualification pour la finale des barrages.
Le sélectionneur français, Sébastien Desabre, en architecte méticuleux, a livré après la bataille les clés de cette éclatante réussite. Pour lui, ce 1-0 arraché dans les arrêts de jeu par Chancel Mbemba est bien plus qu’un coup du sort. C’est l’aboutissement logique d’une progression tactique et mentale patiemment construite.
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« Nous avons existé dans un très bon match africain grâce à notre organisation et notre patience », a-t-il résumé, dans un understatement qui masque à peine sa fierté. La vérité est que cette victoire est née dans la tête et sur la planche à dessin, bien avant de s’incarner sur la pelouse.
L’adaptation, marque de fabrique
Dès les premières minutes, le scénario bascule. Le Cameroun de Marc Brys surgit avec une inattendue défense à trois, un piège tactique tendu à l’équipe congolaise. La préméditation vole en éclats. Mais c’est ici que la nouvelle maturité des Léopards s’est révélée.
« On avait préparé un 4-3-3, il a fallu changer vite. Les joueurs ont bien répondu », a confié Desabre, évoquant avec une froideur presque chirurgicale le remaniement en urgence des phases de pressing. Cette flexibilité immédiate a permis de museler Bryan Mbeumo, le facteur X camerounais, le privant d’espace et de solutions. Une démonstration de discipline collective qui contraste avec les errances passées.
Le terrain et l’esprit : les alliés invisibles
Au-delà de la tactique, Desabre a pointé deux alliés plus subtils. Le premier : l’herbe. « On a joué neuf matchs sur du synthétique. Retrouver une vraie pelouse nous a fait du bien pour poser notre jeu », a-t-il souligné. Comme si, enfin, le ballon pouvait rouler selon les lois de la raison footballistique, et non plus au gré des caprices d’un tapis.
Le second allié, plus précieux encore, est immatériel : l’état d’esprit. « Le fait que nous soyons soudés, connectés et rigoureux fait la différence dans les matchs serrés », a-t-il analysé. Cette cohésion, cette résilience silencieuse, a constitué le socle sur lequel la victoire s’est construite, minute après minute, jusqu’à l’explosion finale.
Mbemba, ou la répétition faite but
Et ce but, justement. Ce corner transformé dans le temps additionnel par Chancel Mbemba. Loin d’y voir une simple réussite, Desabre y décèle la preuve d’un travail acharné. « Ce n’est pas de la chance. C’est un secteur qu’on travaille beaucoup », a-t-il insisté, revendiquant chaque passe, chaque appel, chaque geste comme le fruit d’une répétition méticuleuse. Le hasard n’était pas invité à Rabat ; seul le labeur avait sa place.
Le Nigeria en ligne de mire : l’ultime palier
Reste l’ultime obstacle, le plus redoutable : le Nigeria, ce « ce qui se fait de mieux en Afrique », selon les mots de Desabre. Dimanche, la finale offre une chance de se mesurer aux géants, mais surtout de confirmer cette renaissance.
« On est à un pas de ce fameux barrage au Mexique. On va jouer gravement notre chance », a promis le sélectionneur, mêlant humilité et détermination. L’enjeu est historique : s’imposer face à un Top 5 africain pour la première fois depuis une décennie, et acter définitivement le retour des Léopards sur le devant de la scène continentale.
La victoire face au Cameroun était une libération. Celle face au Nigeria serait une consécration. Le récit, désormais, est entre leurs mains.
