Kinshasa, RDC — L’armée congolaise a changé de vocabulaire. Elle ne parle plus de « milice », mais de « rébellion ». Ce glissement sémantique, lourd de sens, fait suite à de nouveaux combats meurtriers. Ce week-end, à Bolingo, une localité située aux portes mêmes de Kinshasa, l’armée a engagé une opération d’envergure contre les combattants Mobondo. Le bilan est lourd : 15 miliciens et 5 soldats tués.
Cette confrontation illustre la dangereuse métamorphose d’un conflit qui semblait pourtant local. À l’origine, un différend foncier dans le territoire de Kwamouth, dans la province du Mai-Ndombe, opposant les communautés Teke et Yaka. Mais la violence a essaimé, grignotant du terrain mois après mois, pour se rapprocher inexorablement de la capitale politique du pays.
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L’accusation qui trouble : des soutiens « proches du pouvoir »
La nouveauté réside moins dans les affrontements que dans l’explication avancée publiquement par l’armée. Devant la presse à Kikwit ce 28 décembre, le porte-parole des opérations « Ngemba » dans l’Ouest, le capitaine Anthony Mwalushay, a lancé une accusation qui fait l’effet d’une bombe.
Il a déclaré que le mouvement Mobondo bénéficierait de soutiens influents, « souvent derrière le président de la République ». « La journée, ils sont comme des agneaux et la nuit, ce sont eux qui commandent les Mobondo », a-t-il affirmé, dépeignant une collusion troublante entre certains cercles politiques et la rébellion armée.
Le capitaine Mwalushay a précisé que des combattants capturés avaient « cité certains noms » lors des interrogatoires. « Nos services sont en train de mener des enquêtes avant de mettre les informations sur la place publique », a-t-il ajouté, laissant planer la menace de révélations à venir.
Un ultimatum militaire et un front qui s’élargit
Face à cette situation, l’armée affiche une détermination sans faille. Le message du porte-parole est un ultimatum clair, tant pour les rebelles que pour leurs éventuels protecteurs : « Si Kinshasa donne raison à ces beaux parleurs… nous, les militaires, nous allons faire notre travail avec des armes. »
Il a assuré que l’armée « va traquer jusqu’au dernier Mobondo », soulignant que la menace n’est plus cantonnée à l’Est du pays, théâtre des conflits contre le M23, mais est désormais palpable à l’Ouest, au cœur du pouvoir. Malgré cette fermeté, un appel à la reddition a été lancé aux combattants Mobondo.
Cette déclaration publique d’un officier supérieur ouvre une crise inédite. Elle place l’armée en position de dénonciateur d’une possible cinquième colonne au sein de l’État même, et pose une question brûlante : qui, à Kinshasa, pourrait avoir intérêt à alimenter une rébellion aux portes de la capitale ? La réponse pourrait bien définir la nouvelle ligne de front, non plus seulement militaire, mais politique, en République démocratique du Congo.


