Les violents combats qui ensanglantent depuis cinq jours la plaine de la Ruzizi, dans l’est de la République démocratique du Congo, ont franchi une dangereuse étape : l’internationalisation du conflit. Ce vendredi, le Burundi a formellement dénoncé un bombardement de l’AFC/M23 sur son territoire, tandis que la rébellion accuse réciproquement Bujumbura de frappes en RDC.
Le Burundi victime d’un « acte inacceptable »
Le ministre burundais des Affaires étrangères, Edouard Bizimana, a lancé une accusation grave : « Les terroristes de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda ont largué une bombe sur le territoire burundais ce 4/12/2025 ». Une déclaration qui intervient alors que les combats font rage à la frontière entre les deux pays.
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Selon des sources locales, des bombes tirées à partir de la RDC ont effectivement touché la province burundaise de Cibitoke, frontalière avec le Sud-Kivu congolais. Face à cette escalade, le chef de la diplomatie burundaise a averti : « Une telle provocation est inacceptable et des actions appropriées seront prises pour protéger la population burundaise ».
Contexte : l’engagement militaire burundais en RDC
Cette accusation survient alors que l’armée burundaise prend part aux combats sur le sol congolais aux côtés des Forces armées de la RDC (FARDC) et des miliciens Wazalendo. Cet engagement s’inscrit dans le cadre d’un accord bilatéral de défense signé entre Kinshasa et Bujumbura, qui autorise la présence de troupes burundaises en RDC pour lutter contre les groupes armés.
Le Burundi, qui partage avec la RDC une frontière longue et poreuse dans la région des Grands Lacs, considère la stabilité de l’est du Congo comme cruciale pour sa propre sécurité. La province frontalière de Cibitoke a déjà été le théâtre d’incursions de groupes armés opérant depuis la RDC par le passé.
Le M23 contre-accuse le Burundi
Dans un rebondissement typique des conflits complexes de la région, la rébellion de l’AFC/M23 a immédiatement répliqué aux accusations burundaises. Ce vendredi, elle a dénoncé des « bombardements en RDC, coordonnés et menés à partir du territoire burundais ».
Selon le M23, ces frappes seraient « à l’origine des déplacements massifs des populations civiles fuyant pour se réfugier à Bukavu et au Rwanda ». La rébellion, qui contrôle actuellement plusieurs zones du Sud-Kivu, présente ainsi le Burundi comme l’agresseur, inversant les rôles décrits par Bujumbura.
Une escalade dangereuse dans un contexte diplomatique fragile
Cette double accusation croisée intervient à un moment particulièrement sensible sur le plan diplomatique. Elle survient en effet quelques heures seulement après la signature solennelle à Washington de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, censé apaiser les tensions régionales.
Le fait que des bombardements traversent la frontière RDC-Burundi montre à quel point la dynamique militaire sur le terrain échappe au contrôle des processus diplomatiques. Alors que Washington célèbre un accord de paix, les armes continuent de parler dans la plaine de la Ruzizi, avec désormais un risque avéré de régionalisation du conflit.
Les conséquences humanitaires : un nouvel exode de populations
Les combats intenses de ces cinq derniers jours ont déjà provoqué des déplacements massifs de populations. Des milliers de civis fuient les zones de combat, cherchant refuge soit à Bukavu, capitale du Sud-Kivu, soit au Rwanda voisin, soit au Burundi lui-même.
Cette situation crée une crise humanitaire complexe dans une région déjà éprouvée par des décennies de conflits cycliques. Les organisations humanitaires peinent à atteindre les populations affectées, les lignes de front étant mouvantes et les conditions de sécurité extrêmement précaires.
Perspectives inquiétantes
L’extension des combats au territoire burundais marque un tournant dangereux dans ce conflit. Elle risque de déclencher une spirale de représailles entre le Burundi et le M23 (et potentiellement son soutien rwandais présumé), menaçant de déstabiliser toute la sous-région.
La réaction de Bujumbura – qui promet des « actions appropriées » – laisse craindre une escalade militaire supplémentaire. Dans le même temps, la contre-accusation du M23 contre le Burundi complique encore la recherche d’une solution diplomatique.
Cette nouvelle crise frontalière montre une fois encore que, malgré les signatures d’accords dans les capitales étrangères, la paix dans l’est de la RDC reste un objectif lointain. Les combats dans la plaine de la Ruzizi, avec leurs retombées transfrontalières, rappellent cruellement que la guerre a sa propre logique, souvent imperméable aux efforts de diplomatie internationale.
