Jeudi, la Maison Blanche se transformera en arène diplomatique. Le président américain Donald Trump y accueillera ses homologues Paul Kagame du Rwanda et Félix Tshisekedi de République démocratique du Congo, pour une tentative historique de sceller la paix dans la région des Grands Lacs. Objectif affiché : signer un accord global qui s’appuierait sur le texte négocié en juin et sur le cadre économique de novembre. Mais à sept jours de l’échéance, le fossé entre les deux capitales semble plus large que jamais.
Une médiation américaine sous tension
Washington joue gros. En organisant ce sommet, les États-Unis cherchent à stabiliser une région stratégique pour leurs chaînes d’approvisionnement en minerais critiques (cobalt, cuivre, lithium, tantale). La Maison Blanche évoque même la possibilité de faciliter des investissements de plusieurs milliards de dollars en contrepartie d’une paix durable.
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Mais le décor est miné. Aucun progrès notable n’a été enregistré depuis septembre sur les engagements clés : la neutralisation des FDLR (rebelles hutus rwandais basés en RDC) et, surtout, le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. Des points pourtant considérés comme préalables indispensables par Kinshasa.
Le face-à-face des récits
À Kigali, Paul Kagame affirme que « les blocages ne viennent pas du Rwanda ». Il accuse Kinshasa d’avoir renié des séquencements convenus et dénonce une position « fluctuante » des autorités congolaises. Le président rwandais, habitué des jeux d’influence, maintient son déni de tout soutien au M23, malgré un rapport accablant du groupe d’experts de l’ONU en juillet affirmant que le Rwanda exerce un « commandement et contrôle » sur cette rébellion.
À l’inverse, Kinshasa campe sur ses positions. Aucun déplacement de Tshisekedi à Washington ne serait possible sans un début de retrait des forces rwandaises, a répété le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya. Vendredi, depuis la Serbie, le président congolais a lui-même réitéré l’exigence, parlant de respect de la souveraineté et de rétablissement de la confiance.
Sur le terrain, la guerre continue
Pendant ce temps, dans l’est de la RDC, la réalité est immuable. Le M23 contrôle toujours Goma, Bukavu et plusieurs axes vitaux du Nord et Sud-Kivu. La médiation parallèle menée au Qatar entre Kinshasa et la rébellion, bien qu’ayant abouti à un accord-cadre, n’a produit aucun changement sur le terrain.
La coexistence des processus de Washington (entre États) et de Doha (avec le M23) illustre la complexité du conflit, tiraillé entre logique interétatique et dynamique politico-militaire.
Jeudi, sommet ou show ?
La rencontre du 4 décembre s’annonce donc comme un exercice d’équilibre périlleux. Washington mise sur une fenêtre diplomatique pour forcer un breakthrough. Mais les positions restent si éloignées que le sommet risque de mettre en lumière les contradictions plutôt que de les résoudre.
Entre la pression américaine, l’intransigeance affichée de Tshisekedi et la stratégie de déni de Kagame, l’issue est incertaine. Une signature serait une victoire pour la diplomatie de Trump. Un échec ouvrirait une période encore plus instable, avec le risque de voir la guerre s’enkyster, malgré l’urgence de la paix pour des millions de civis pris au piège. Jeudi, à Washington, ce n’est pas seulement un accord qui se joue, mais la crédibilité même de la médiation internationale dans les Grands Lacs.
