À la veille de la signature historique de l’accord de paix entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, les deux gouvernements ont tenu des briefings séparés à Washington, exposant des positions qui, malgré le processus diplomatique, restent marquées par des divergences fondamentales.
Kinshasa : « La paix d’abord, l’économie après »
Lors d’un briefing de presse tenu mercredi 3 décembre, la porte-parole du président Tshisekedi, Tina Salama, et le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, ont présenté ce qu’ils ont appelé un « paquet cohérent » d’accords. Leur message central : « La paix est le prérequis absolu. »
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« Nous sommes dans un processus de transparence. Le président vient entériner l’accord qui avait été signé en juin et non parapher un nouvel accord », a précisé Patrick Muyaya. Les lignes rouges congolaises sont claires : « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, la souveraineté de nos minéraux, pas de brassage et de mixage. »
Tina Salama a détaillé les trois objectifs des accords : mettre fin à une guerre de 30 ans, reprendre le contrôle territorial du pays avec toutes ses ressources naturelles, et transformer ces richesses pour qu’elles profitent aux Congolais. « Pour la RDC, seule la paix peut garantir le business », a-t-elle insisté, soulignant que le pays supporte « un coût humain inestimable » avec la destruction des infrastructures, les déplacements de populations et le pillage des richesses.
Sur le plan sécuritaire, les responsables congolais ont été catégoriques : « L’accord de paix ne légitime aucune présence des troupes étrangères. » Aucune cession territoriale, aucun brassage ou mixage collectif des forces n’est prévu. Toute réintégration d’anciens combattants sera « individuelle, conditionnelle et rigoureusement contrôlée », tirant les leçons des échecs de 2009 et 2013.
Concernant les ressources minières, Tina Salama a assuré que les accords « réaffirment la pleine souveraineté de la RDC sur son sol et son sous-sol« , avec un contrôle exclusif de l’exploitation et de la transformation des minerais. « Les partenaires apportent des technologies, des investissements, des accès, des marchés stratégiques, mais la décision stratégique reste congolaise », a-t-elle précisé.
Kigali : maintien du discours sur les FDLR
De son côté, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a maintenu le discours traditionnel de Kigali lors d’une intervention sur la chaîne américaine NewsMax. Elle a affirmé que le Rwanda « reste contraint de prendre des mesures défensives » face à ce qu’il considère comme une collaboration persistante entre Kinshasa et les FDLR, qu’elle décrit comme « un problème majeur pour la sécurité du Rwanda ».
« Le gouvernement de la RDC doit faire ce qu’il s’est engagé à faire : neutraliser ce groupe qui a commis un génocide au Rwanda. Ensuite, nous pourrons alléger nos mesures défensives à la frontière », a déclaré Makolo. Elle a ajouté que « l’administration Trump a abordé ce dossier de manière appropriée« , car sa médiation se concentre « sur les causes profondes, sur les véritables problèmes qui entravent la paix ».
La porte-parole rwandaise a également minimisé le rôle de son pays dans les violences à l’Est de la RDC, affirmant que ces problématiques « relèvent d’abord de problématiques strictement congolaises » et « n’engagent en rien la responsabilité de Kigali ».
Un processus sous supervision internationale
Malgré ces positions contrastées, les deux parties reconnaissent l’importance du cadre international. Un calendrier opérationnel (CONOPS) doit définir le retrait des troupes et les engagements de transition économique, sous la supervision d’un comité conjoint, avec l’implication des États-Unis et du Qatar.
« Les américains suivent la situation sur le terrain. Cette fois-ci nous venons parce que le président Trump aura l’occasion d’écouter le président Tshisekedi », a déclaré Patrick Muyaya, soulignant le rôle clé de la médiation américaine.
Alors que les présidents Tshisekedi et Kagame se préparent à se rencontrer jeudi sous les auspices de Donald Trump, les briefings de mercredi ont révélé que la route vers la paix reste semée d’embûches. La réussite de l’accord dépendra de la capacité des deux parties à concilier des exigences parfois contradictoires : le retrait inconditionnel des troupes étrangères pour Kinshasa, et la neutralisation préalable des FDLR pour Kigali.
