Alors que l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, signé jeudi 4 décembre à Washington, est encore frais dans les mémoires, un rapport explosif des Nations unies vient jeter une lumière crue sur la réalité du terrain. Consulté par l’AFP et révélé ce lundi 8 décembre, ce document d’experts onusiens affirme que le M23 et l’armée rwandaise (RDF) ont commis des exécutions sommaires, des destructions de villages et provoqué des déplacements massifs dans l’Est de la RDC – des conclusions qui contredisent brutalement l’esprit de l’accord de paix.
Des accusations graves qui fragilisent l’accord de Washington
Le rapport semestriel du groupe d’experts de l’ONU dresse un tableau accablant de la situation dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon ses conclusions, les Forces armées rwandaises (RDF) ont directement participé aux opérations du M23, officiellement menées contre les FDLR. Les experts affirment que soldats rwandais et combattants du M23 ont « systématiquement détruit et incendié » des habitations civiles, ciblant notamment des civils hutu jugés proches des FDLR.
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Ces révélations interviennent à un moment particulièrement sensible : quatre jours seulement après la signature solennelle à Washington d’un accord présenté comme « un pas décisif vers la résolution du conflit ». Le contraste entre les engagements de paix et les pratiques décrites par l’ONU est saisissant.
6 000 à 7 000 soldats rwandais toujours en RDC selon l’ONU
L’un des éléments les plus accablants du rapport concerne l’estimation de la présence militaire rwandaise en RDC. Les experts onusiens affirment qu’entre 6 000 et 7 000 militaires rwandais – soit au moins deux brigades et deux bataillons de forces spéciales – sont toujours présents dans les deux provinces congolaises. Cette estimation contredit directement les dénégations répétées de Kigali, qui nie toute présence officielle de ses troupes en RDC.
Cette présence massive, si elle est confirmée, remet en question la sincérité des engagements rwandais dans l’accord de Washington, qui prévoit précisément le retrait des forces étrangères du territoire congolais.
Le M23, « principal auteur » des violations des droits humains
Le rapport confirme et précise les précédentes accusations contre le M23. Début août, les Nations unies avaient déjà accusé le groupe d’avoir tué 319 civils dans le Nord-Kivu. Le nouveau document établit que, entre avril et octobre 2025, le M23 est considéré comme le « principal auteur » des violations des droits humains en RDC, responsable notamment de 45 % des exécutions sommaires recensées.
Les experts dénoncent également une campagne de « recrutement forcé systématique » menée par le groupe dans toutes les zones qu’il contrôle. Ces pratiques violent clairement les principes de protection des civils que l’accord de Washington est censé renforcer.
Kinshasa également épinglé pour sa coopération avec les FDLR
Le gouvernement congolais n’échappe pas aux critiques des experts onusiens. Malgré ses engagements pris dans l’accord de Washington, Kinshasa « a continué à coopérer avec le FDLR », assurent les auteurs du rapport. Cette accusation complique la position diplomatique de la RDC, qui exige du Rwanda qu’il cesse son soutien au M23 tout en maintenant elle-même des relations avec un groupe que Kigali considère comme une menace existentielle.
Un accord de Washington déjà mis à l’épreuve
Ces révélations plongent l’accord de Washington dans une crise de crédibilité précoce. Comment croire à un processus de paix alors que, selon l’ONU, l’une des parties signataires (le Rwanda) maintient des milliers de soldats sur le territoire de l’autre et participe directement à des exactions contre les civils ?
La publication de ce rapport risque de raviver les tensions diplomatiques à un moment où les mécanismes de mise en œuvre de l’accord de Washington commencent à peine à se mettre en place. Elle pose également la question de l’efficacité des processus de paix conclus loin du terrain, sans prise en compte réelle des dynamiques locales.
L’Est de la RDC, entre espoirs de paix et réalité de la guerre
Alors que le M23 contrôle désormais de vastes territoires et la ville stratégique de Goma, l’Est de la RDC reste au cœur d’un conflit régional aux ramifications profondes et persistantes. Les conclusions du rapport de l’ONU rappellent cruellement que, malgré les signatures protocolaires, la guerre continue de faire des victimes et que les mécanismes de violence restent profondément ancrés.
La balle est désormais dans le camp des signataires de l’accord de Washington et de la communauté internationale : ignorer ces révélations ou en tenir compte pour exiger des changements concrets sur le terrain ? La réponse à cette question déterminera si l’accord de Washington restera une feuille de papier ou deviendra véritablement un instrument de paix.
