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Uniforme et amour interdit : le procès qui divise l’armée Congolaise

KINSHASA – Dans l’enceinte austère du camp Kokolo, le tribunal militaire de Kinshasa-Gombe s’apprête à rendre son verdict. Sur le banc…

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KINSHASA – Dans l’enceinte austère du camp Kokolo, le tribunal militaire de Kinshasa-Gombe s’apprête à rendre son verdict. Sur le banc des prévenus, l’adjudante Béanche Ebabi, visage fermé, attend que la justice décide de son sort. Son crime ? Avoir posé en tenue militaire, aux côtés de son fiancé, pour une séance photo destinée à immortaliser leurs fiançailles.

Les images, tendres et impudiques à la fois, montrent la militaire arborant son grade, enlacée à l’homme qu’elle devait épouser ce 31 octobre. Des clichés de baisers, de regards complices, volés dans l’intimité d’un studio de Matonge. Devenus viraux, ils ont déclenché une onde de choc dans la hiérarchie militaire.

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Dix ans de prison requis pour « déshonneur »

Lors de l’audience précédente, la réquisition du parquet a cinglé l’atmosphère du prétoire : dix années de détention pour « violation des consignes ». Le sous-lieutenant magistrat Ghislain Lisalama, représentant le ministère public, a fustigé un « comportement qui déshonore l’armée », enfreignant délibérément le télégramme du chef d’état-major général interdisant toute publication de militaires en tenue sur les réseaux sociaux.

La défense contre-attaque : le photographe en ligne de mire

Face à l’accusation, la prévenue a adopté une ligne de défense claire : elle reconnaît la séance photo, mais nie fermement avoir publié les clichés. « C’est le studio qui les a divulgués sans mon consentement », affirme-t-elle. Ses avocats, menés par le sous-lieutenant Alpha Anangame, ont exigé la comparution du photographe, seul « auteur présumé de la publication ».

Une requête partiellement entendue : le major Safari Christian, président du tribunal, a suspendu l’audience pour permettre aux gérants du studio RawSur de venir témoigner. Une pièce manquante qui pourrait changer la donne.

Un procès « pédagogique » aux enjeux démesurés

Ce procès, traité en flagrance, dépasse la simple affaire disciplinaire. Il se veut « pédagogique » pour l’ensemble des Forces armées, à l’heure où chaque smartphone peut devenir une tribune incontrôlable. Le télégramme de 2021, brandi comme preuve absolue, interdit formellement tout contenu pouvant « porter atteinte à l’honneur, à la dignité et à la crédibilité des FARDC ».

Pourtant, la disproportion de la peine requise – dix ans pour des photos de mariage – interroge. L’adjudante Béanche Ebabi, secrétaire adjointe du département de sécurité militaire, voit aujourd’hui sa carrière et sa vie privée s’effondrer pour avoir mêlé l’uniforme sacré et les sentiments les plus intimes.

Alors que le verdict est attendu dans l’après-midi, une question plane dans le prétoire : l’armée congolaise veut-elle sanctionner une faute, ou faire un exemple ? La réponse déterminera le destin d’une femme, mais aussi les limites de la discipline militaire à l’ère du numérique.

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