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Le M23 exhibe sa nouvelle armée, Kinshasa crie à la « mascarade » et saisit les médiateurs

 La scène avait des allures de provocation calculée. À Rumangabo, dans le Nord-Kivu, la rébellion du M23 a exhibé, ce…

 La scène avait des allures de provocation calculée. À Rumangabo, dans le Nord-Kivu, la rébellion du M23 a exhibé, ce mercredi, la fin de formation militaire de plus de 7 000 hommes. Des images de parade, diffusées largement, montrant des rangs serrés et une logistique apparente. La réaction de Kinshasa n’a pas tardé : le gouvernement va porter l’affaire devant les médiations américaine et qatarie, estimant « inacceptable » qu’un groupe engagé dans des pourparlers de paix se livre à de telles démonstrations de force.

« Il ne faut pas vous fier à toute cette campagne que vous voyez », a tonné Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, lors d’un point presse hebdomadaire. « Nous savons tous que c’est la brigade avancée de l’armée rwandaise. Dans ce que j’ai vu, il y a sûrement des enfants, des prisonniers et tout ce qui ne devrait normalement pas figurer sur ce montage grossier. »

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Des recrues forcées et des prisonniers utilisés comme figurants ?

L’accusation est grave. Selon des sources proches du dossier, une grande partie des hommes présentés comme de « nouveaux recrues » seraient en réalité des militaires et policiers capturés à Goma et Bukavu, puis contraints à endosser l’uniforme rebelle. Or, ces mêmes personnels sont officiellement listés comme prisonniers devant être échangés dans le cadre du mécanisme de confiance du processus de Doha.

« Un Congolais qui aime sa patrie ne peut s’allier avec ceux qui n’ont pour seul dessein que de tuer, intimider », a insisté Muyaya, dépeignant une situation d’« horreur » dans les zones sous occupation rebelle.

Doha : des discussions qui patinent dans le sang

Alors que les délégués des deux parties poursuivent tant bien que mal leurs discussions à Doha sous l’égide du Qatar, la réalité sur le terrain est tout autre. Les violations du cessez-le-feu se multiplient, chaque camp rejetant la faute sur l’autre. La mise en œuvre des mesures de confiance, dont l’échange des prisonniers, est au point mort.

Pire : cette exhibition militaire à Rumangabo semble torpiller délibérément l’esprit des déclarations de principes signées à Doha et à Washington. « Tous les actes qui violent cet esprit sont rapportés », a prévenu le porte-parole, laissant entendre que Kinshasa pourrait revoir son engagement dans des pourparlers qu’il juge désormais piégés.

La guerre de la communication, avant-coureur d’une reprise des combats ?

Cette parade n’est pas qu’une démonstration de force ; c’est aussi un coup médiatique. Le M23, en montrant sa capacité à former massivement et rapidement, envoie un message clair à Kinshasa et à la communauté internationale : nous sommes prêts à durer, et à combattre.

La réponse de Kinshasa, par la voix de Muyaya, est tout aussi claire : nous ne sommes pas dupes, et nous utiliserons tous les canaux diplomatiques pour dénoncer la supercherie.

Reste que sur le front, les tensions sont palpables. Les accrochages se intensifient, la rhétorique se durcit, et la confiance, déjà ténue, s’effrite davantage. L’exhibition de Rumangabo pourrait bien être le prélude non pas d’une paix retrouvée, mais d’une nouvelle escalade meurtrière dans l’Est congolais. Le processus de Doha vit ses heures les plus critiques.

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