La piste d’atterrissage de l’aéroport de Goma est devenue, soudainement, la nouvelle ligne de front diplomatique des Grands Lacs. Depuis Paris, le jeudi 30 octobre, Emmanuel Macron a annoncé sa réouverture prochaine aux vols humanitaires, provoquant aussitôt un tollé du Rwanda et du mouvement rebelle M23.
Derrière cette décision en apparence technique, se joue en réalité un bras de fer géopolitique où chaque mot compte. Le président français, s’exprimant lors de la conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, a déclaré :
« L’aéroport rouvrira dans les prochaines semaines pour des corridors humanitaires, dans le strict respect de la souveraineté congolaise. »
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Cette annonce vise avant tout à désenclaver l’Est de la République démocratique du Congo, asphyxié par près d’un an de combats acharnés entre l’armée congolaise et la rébellion du M23.
Kigali oppose un veto diplomatique
Le Rwanda riposte dans l’heure. Son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, conteste violemment la légitimité de Paris : « L’aéroport se trouve sous le contrôle des autorités de fait, le M23. Une telle décision relève des négociations de Doha, pas d’une conférence parisienne. » Un rejet catégorique qui sonne comme un désaveu pour la diplomatie française.
Dans le camp rebelle, Corneille Nangaa, coordinateur politique du M23, enfonce le clou : « Cette annonce inopportune ignore totalement la réalité du terrain. Comment parler de réouverture quand les bombardements de Kinshasa détruisent ponts et aérodromes ? » L’ancien président de la CENI congolaise accuse même les « lobbys humanitaires » de « profiter de la détresse des populations ».
Kinshasa célèbre une victoire souveraine
Le gouvernement congolais, lui, savoure une revanche diplomatique. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, tonne : « Ni l’agitation du père Rwanda ni celle du fils M23 n’entraveront cette avancée humanitaire. Vouloir marchander l’aide aux déplacés révèle le cynisme de nos agresseurs. »
Les mots choisis trahissent l’amertume accumulée : le « père » et le « fils » dessinent une filiation jugée indécente entre Kigali et la rébellion. Le message est clair : Kinshasa considère cette réouverture comme un acte de souveraineté retrouvée.
Derrière cette batille sémantique, l’urgence humanitaire persiste. Des millions de déplacés attendent médicaments et nourriture. La France espère que ces vols humanitaires soulageront des vies, mais la réaction violente du Rwanda et du M23 prouve qu’à Goma, chaque piste d’atterrissage reste un enjeu de pouvoir. La région des Grands Lacs retient son souffle, suspendue au premier atterrissage.

 
     
																