Dubaï, plaque tournante de l’or du sang africain : le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda au cœur d’un trafic régional

C’est un trafic bien huilé qui prospère dans l’ombre des conflits armés. Selon un nouveau rapport accablant de SwissAid, publié…

C’est un trafic bien huilé qui prospère dans l’ombre des conflits armés. Selon un nouveau rapport accablant de SwissAid, publié fin mai 2025, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda facilitent depuis plus de dix ans la commercialisation clandestine de l’or extrait illégalement en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et au Soudan du Sud.

La destination principale ? Dubaï, aux Émirats arabes unis. Mais l’Inde et l’Afrique du Sud figurent également parmi les points d’arrivée de cet or issu des zones de conflit.

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Des chiffres alarmants, un système opaque

En 2023, le Kenya n’a officiellement déclaré que 672 kilogrammes d’or exportés. Pourtant, SwissAid estime que plus de deux tonnes sortent chaque année de manière illicite vers les Émirats. La ville de Nairobi est devenue, selon le rapport, une plateforme stratégique de transit, où opèrent de nombreuses raffineries d’or soupçonnées de participer activement à ce commerce illégal.

« Ces raffineries pourraient même être un facteur clé des flux illicites d’or », précise SwissAid, ajoutant que leur activité actuelle échappe largement à tout contrôle transparent.

Un projet de loi sur le traitement de l’or, en cours d’examen à l’Assemblée nationale kényane, prévoit de créer une société nationale de traitement de l’or censée encadrer ces raffineries. Mais rien ne garantit que cette réforme mettra un terme aux dérives actuelles.

Un réseau bien établi, au-dessus des lois

Selon SwissAid, une partie importante de l’or extrait de manière artisanale ou frauduleuse en RDC, au Soudan et en Éthiopie transite par les voies terrestres vers le Kenya, avant d’être déclarée comme “propre” et réexportée depuis Nairobi, en toute légalité… ou presque.

En 2024, Kamlesh Pattni, figure emblématique du scandale “Goldenberg” des années 1990 au Kenya, a été sanctionné par les États-Unis et le Royaume-Uni pour sa participation présumée dans un réseau mondial de blanchiment d’or basé au Zimbabwe. Un rappel inquiétant de la résilience des circuits mafieux dans le secteur aurifère africain.

Le poids de l’or du sang

Ce trafic ne se limite pas à l’évasion fiscale : il finance des groupes armés, alimente les conflits, et prive les États africains de revenus vitaux. Chaque gramme d’or exporté clandestinement est souvent taché de sang, celui des populations exploitées ou déplacées par la violence dans les zones minières.

Le rapport de SwissAid appelle à une traçabilité stricte de l’or, à des sanctions internationales renforcées, et à un encadrement transparent des raffineries, notamment au Kenya, principal relais du commerce illicite vers Dubaï.

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