Une fuite au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies crée de nouvelles interrogations sur la procédure congolaise contre les présumés assassins des deux experts de l’ONU en mars 2017 au Kasaï Central.
Les médias RFI et Reuters avaient en décembre dernier publié une enquête conjointe démontrant que plusieurs agents des services de sécurité de l’Etat et affiliés avaient organisé la mission qui avait coûté la vie à Michael Sharp et Zaida Catalan et leur avaient menti sur des points-clés. Selon une note datée du 18 avril et transmise par le département des affaires politiques aux Etats membres du Conseil de sécurité, les mêmes services de sécurité congolais entraveraient aujourd’hui l’enquête menée par la justice militaire congolaise, appuyée par le procureur canadien Robert Petit et ses experts nommés par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Le rapport que l’ l’ONU présente stipule que malgré l’arrestation d’individus-clés, l’enquête continue d’être entravée par « les interférences continues de l’appareil sécuritaire congolais ». Quand les experts de Robert Petit sont autorisés à participer les 26 et 27 mars dernier à l’interrogatoire de suspects de présumés miliciens Vincent Manga et François Badibanga, il affirme obtenir quelques informations utiles, mais notent aussi que des questions ou des éléments de preuves sont laissés de côté par la justice militaire congolaise. Plus grave encore, il leur est impossible de poursuivre l’audition puisque les deux individus sont transférés dès le lendemain à Kinshasa, mis au secret par les services de renseignements congolais. Cela avait déjà été le cas pour des témoins et même d’autres suspects arrêtés. L’un d’eux, Thomas Nkashama qui avait menti aux experts et qui avait été recruté par ces services après le meurtre, a été transféré à Kinshasa sans que la justice militaire congolaise n’ait même annoncé son arrestation, croit savoir l’ONU…
Le procès des experts a été officiellement suspendu par la justice militaire congolaise depuis le 17 octobre 2017 et n’a pas repris depuis. Depuis cette note datée du 18 avril 2018, selon des sources concordantes, deux des suspects sont revenus à Kananga. Les chefs Vincent Manga et Bula Bula Tshimanga auraient même participé à une expédition de recherche des corps des accompagnateurs congolais des deux experts. Deux dépouilles ont été retrouvées et seraient en cours d’identification. Mais les avocats de Manga et Bula Bula disent toujours ne pas avoir accès à leurs clients. Ils annoncent leur intention d’attaquer en justice tous les interrogatoires et preuves réunies contre leurs clients lors de leurs détentions au secret ou en l’absence de leurs avocats.