Crise RCA/Tchad : mise en place d’une commission conjointe d’enquête internationale

Deux jours après l’incident militaire entre les soldats centrafricains et tchadiens, les autorités des deux pays ont convenu de la mise en place d’une commission d’enquête internationale pour clarifier les circonstances de l’attaque.

 

Une délégation conduite par la ministre des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo Temon, a été reçue, le 1er juin, à N’Djamena par le président du Conseil militaire de transition à qui elle a remis un message. Ensuite, les deux délégations composées des ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Sécurité ont eu une séance de travail.

« Le président de la République a dépêché en tant qu’émissaire une délégation, afin de porter une correspondance à son excellence le président Mahamat Idriss Déby pour partager tous ses regrets du gouvernement et du peuple centrafricain face à cet évènement tragique. Il s’agit d’un évènement malheureux… », a confié la ministre centrafricaine des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon.

En outre, les deux pays « ont convenu de la mise en place d’une commission d’enquête internationale indépendante et impartiale » composée des Nations unies et des organisations régionales qui se déploiera sur le terrain pour établir les faits et déposer un rapport qui situera les responsabilités.

Selon des observateurs, Bangui, qui joue profil bas depuis l’attaque de dimanche, a réussi à faire tomber la tension, surtout que N’Djamena refusait d’accueillir la délégation centrafricaine. Il a fallu la médiation de pays amis pour que le Tchad privilégie la voie diplomatique.

Par ailleurs, la Centrafrique a condamné « fermement » l’attaque par son armée d’un poste frontalier en territoire tchadien qui a causé, dimanche 30 mai, la mort de six soldats tchadiens, dont cinq « enlevés et exécutés », lors d’une rencontre mardi soir à N’Djamena entre les chefs de la diplomatie des deux pays. Les deux parties « ont souligné l’urgence d’élucider les circonstances dans lesquelles cette attaque a été opérée », selon un communiqué conjoint.

Hervé Verhoosel : « La RCA est la 3e plus grande crise humanitaire au monde après le Yémen et la Syrie »

Le Programme alimentaire mondial réclame un financement supplémentaire pour 1,8 million de Centrafricains en détresse alimentaire. Selon son porte-parole la RCA est la 3e plus grande crise humanitaire au monde

L’organisme d’aide alimentaire de l’ONU plaide pour un appui financier supplémentaire en faveur de 1,8 millions de Centrafricains en détresse alimentaire. Selon le porte-parole du  Programme alimentaire mondial, la République centrafricaine est la 3e plus grande crise humanitaire au monde après le Yémen et la Syrie, si on considère la proportion de la population totale qui a besoin d’une aide humanitaire.

Hervé Verhoosel et la star de la musique centrafricaine Ozaguin OZ ont visité la semaine dernière la ville de Bambari, dans le centre du pays, pour attirer l’attention de la communauté internationale sur cette crise oubliée. Occasion pour lui de présenter la situation actuelle dans le pays.

Après Genève, vous vous êtes rendu à Bambari, avec la star de la musique centrafricaine Ozaguin OZ pour attirer l’attention de la communauté internationale sur les besoins en assistance alimentaire. Pourquoi le choix de la ville de Bambari?

Bambari est une ville qui héberge des camps de réfugiés. En République centrafricaine qui est un pays qui compte un peu plus de 4 millions cinq cent mille habitants, vous avez 600 000 déplacés internes et avec le chanteur Ozaguin OZ nous sommes allés visiter un camp de déplacés, le camp des élevages avec principalement des Peuls. Dans ce camp en particulier il y a huit mille cinq cents personnes qui étaient dans leur situation quotidienne. Et le fait que nous ne pouvions aider qu’un tiers de ses habitants, nous aidons un petit peu plus de 2500 personnes dans ce cas précis.

A Bambari quel est le constat général que vous avez fait par rapport à l’état de la population qui était sur place.

J’ai tout de même, du côté positif vu une certaine indifférence au niveau de la sécurité à l’intérieur de la ville. Je sais qu’il y a un quartier en particulier qui pendant la nuit n’est peut être pas très sûr mais dans les rues de Bambari je n’ai plus vu d’hommes en armes comme on les voyait avant. C’est donc une chose relativement extraordinaire. J’ai vu les magasins qui étaient tous ouverts à la vie économique qui reprenait. C’est une chose importante. Ensuite dans le camp que nous avons visité la façon avec laquelle nous utilisions les coupons alimentaires. Qu’est-ce que c’est un coupons alimentaires? C’est un peu comme un chèque, plutôt que distribuer de la nourriture tous les mois, nous distribuons un coupon qui a une valeur de moins de 10 euros par personne par mois et donc les familles peuvent aller chez le commerçant local avec lequel le Programme alimentaire mondial a un accord particulier pour choisir et acheter eux mêmes leur propre nourriture. L’intérêt c’est que la nourriture est plus variée plus adaptée au type de famille mais aussi que cela permet à l’économie locale aux magasins par exemple mais également aux producteurs locaux d’avoir beaucoup plus de business et de vente.

 

Quand vous parlez de la distribution de coupons alimentaires, en franc CFA cela fait autour de 2800 ou 5800 francs équivalent de 1 ou 2 coupons alimentaires. Pensez-vous qu’un ménage, un individu puisse manger à sa faim pendant 28 jours, 30 jours?

Bien sûr le coupon humanitaire n’est pas spécialement l’équivalent de l’ensemble de la nourriture dont la famille a besoin. Donc il y a également des distributions de denrées alimentaires que nous faisons nous mêmes. Mais c’est vrai que ce n’est pas toujours suffisant et qu’il faut faire plus. Mais aussi les gens eux mêmes commencent à travailler un petit peu dans des petits business parfois ou à trouver des suppléments financiers qui leur permettent de tenir le coup.

De Genève à Paris votre message est le même. Le PAM a besoin d’un financement supplémentaire. C’est pour quel type d’assistance précisément et quel est le gap aujourd’hui recherché?

Aujourd’hui nous aidons 600.000 personnes en République centrafricaine tous les mois. Nous allons passer à l’avant de la fin de l’année à 800.000 personnes. Nous allons en fait ajouter 200 000 enfants femmes enceintes et allaitantes et l’année prochaine. Nous voulons ensuite doubler ce chiffre. C’est donc une énorme augmentation que nous voulons. Mais pour cela nous avons besoin de 35 millions de dollars supplémentaires. C’est de l’argent que nous devons trouver avant la fin de l’année afin de pouvoir planifier cette aide de l’année prochaine. A noter que notre second plus grand pays donateurs est l’Allemagne notre premier pays donateurs sont les Etats-Unis.

La crise humanitaire centrafricaine est elle comparable à celle d’autres pays à l’exemple du Yémen ou encore de la Syrie.

Exactement. En fait les gens ne se rendent pas compte de cette crise. Cette crise est un petit peu une crise oubliée. Les médias internationaux ont tendance à en parler de moins en moins. Mais ce que les gens ne se rendent pas compte c’est que c’est en réalité la troisième ou en fonction des chiffres la quatrième crise humanitaire dans le monde après le Yémen et après la Syrie et cela proportionnellement par rapport à la taille du pays et le nombre d’habitants bien sûr.

Quels sont les challenges qui se posent à votre équipe qui est sur le terrain pour pouvoir porter assistance aux quelque 600 000 personnes répertoriées aujourd’hui?

Aujourd’hui les challenges sont divers. Bien sûr il y a le challenge de la sécurité dans le pays en général. Des groupes armés qui sont toujours actifs même après les accords de Khartoum. Ensuite il y a le problème d’infrastructures même si on voit des efforts qui sont faits dans le côté de l’infrastructure. La route que nous avons prise entre Bangui et Bambari par exemple est tout de même une route de bonne qualité avec des travaux en cours pour la Manche. Mais dans d’autres régions du pays cela peut mettre plusieurs semaines nos camions de quitter Bangui pour arriver à des villes plus éloignées et cela peut être dû également à la météo. En période de pluies ces routes sont parfois presque impraticables et nous mettons plusieurs semaines pour arriver dans des zones où parfois les besoins sont urgents.

Quelles sont les perspectives du PAM en termes de réponse aux besoins urgents de la population en Centrafrique.

Nous voulons vraiment doubler doubler ce que nous faisons aujourd’hui des 600 mille personnes que nous aidons aujourd’hui 800.000 si tout va bien à la fin de l’année. Nous voulons doubler ce chiffre de 800.000 l’année prochaine pour aller jusqu’à un million cinq millions six voire plus. Nous sommes pour l’instant en contact avec des donateurs potentiels en espérant que cette crise oubliée ne le soit plus. Et bien sûr ne soit plus une crise. Dès que possible toute l’équipe du PAM ici à Bangui mais également au niveau international est vraiment très motivée pour aider ce pays qui en a vraiment besoin. 1,8 million de Centrafricains sont ce mois-ci en insécurité alimentaire alors que le pays en compte plus ou moins 4 millions et demi, un peu plus de 4 millions et demi.

RCA : bientôt un fond d’indemnisation des victimes

Le 11 mai de chaque année, la République Centrafricaine célèbre la journée nationale des victimes de la crise qu’a connue le pays.

Cette 4e journée célébrée à Bangui a eu pour thème « Non à l’impunité. Oui à la réparation pour les victimes des crises militaro politique en Centrafrique »

Une célébration au cours de laquelle le Premier ministre Firmin Ngrébada a promi la création d’un fond d’indemnisation des victimes en ce terme : « Le Président de la République et le Gouvernement sont en train de travailler pour que le droit des victimes soient préservés. Dans le cadre des activités de cette CVJRR, toute la lumière sera faite sur la tragédie nationale que nous avons vécue, de même que nous mettrons en place un fonds d’indemnisation des victimes »

Une déclaration qui n’arrange pas certaines victimes. « Comment on peut parler que du fond et non de la justice alors que le thème de cette journée est non à l’impunité ? Qu’on est-il de nos bourreaux ? », s’interroge Arlette, une veuve.

On note à cette cérémonie la présence des associations des victimes de Centrafrique et des partenaires au développement. Un dépôt des gerbes de fleurs faite par le Premier ministre Firmin Ngrébada sur le monument des Martyrs. Le chef du Gouvernement Firmin Ngrébada a rappelé la mise en place de la Commission Vérité Justice Réparation et Réconciliation (CVJRR) et la création d’un fond d’indemnisation des victimes pour une paix durable et une véritable réconciliation en Centrafrique. « C’est un devoir de mémoire que nous sommes venus assurer à l’endroit des victimes mais également à l’endroit de ceux qui ont la chance de survivre et qui vivent encore des moments très difficiles », a fait savoir le Premier ministre Ngrébada.

« Nous voulons la justice, l’argent ne remplace pas mon papa tué par la séléka. Déjà les rebelles sont dans le gouvernement, ils sont nommés partout et nous les victimes ? Vraiment il faut que nos autorités prennent leur responsabilité afin de répondre aux soucis de la population meurtrie », s’exclame Maturin, élève âgé de 17 ans, orphelin qui passe son BAC cette année. Pour sa part, le président de l’association des victimes unies de Centrafrique, Etienne Oumba, a exhorté les autorités de Bangui à songer aux causes des victimes. « La célébration d’aujourd’hui est bien pour nous les victimes. Ce que nous attendons c’est la justice et la réparation. Il faut que le gouvernement pense à nous aider pour que les victimes soient satisfaites dans le processus de paix », a-t-il dit.

Une situation confuse en Centrafrique où les victimes réclament la justice alors que les chefs rebelles sont nommés au gouvernement et à des postes de responsabilité suite à l’accord de paix signé entre le gouvernement et les groupes armés au Khartoum.

Broto : une tradition musicale menacée

Ladite tradition de l’ethnie du même nom, disparait de plus en plus et ça depuis 2013, lors du déclenchement de la crise centrafricaine marquée par des violences.

Un souffleur de Broto de Centrafrique soulève l’épais tronc boursouflé qui lui sert d’instrument et colle sa bouche sur l’extrémité la plus fine: soudain, ses yeux s’écarquillent, ses joues se gonflent et un grondement sourd s’échappe de sa trompe.

« Les gens à  Bangui pensent que les Broto sont morts, mais nous sommes là ! » s’exclame Bruno Hogonédé, le président des Ongo-Broto, l’un des derniers orchestres de souffleurs de trompe Broto en Centrafrique.

Du haut d’une colline de Bambari, ville du centre du pays, commencent à  résonner les 14 autres trompes grondant à  différents octaves, guidées par le cliquettement sec d’un grelot d’acier.